Ce qui fait la Grèce : T 2 : La cité et les lois

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Titre : Ce qui fait la Grèce : T 2 : La cité et les lois
Auteur(s) : Cornelius Castoriadis
Résumé Court : http://www.amazon.fr/Ce-qui-fait-Gr%C3%A8ce-cit%C3%A9/dp/2020971410/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1363511920&sr=1-1

Quatrième de couverture :
Ce volume, où sont repris douze séminaires donnés en 1983-1984 par Cornelius Castoriadis à l'École des hautes études en sciences sociales, est pour l'essentiel consacré à la naissance, à la nature et au fonctionnement de la démocratie athénienne, et plus particulièrement à ce phénomène singulier que fut la démocratie directe telle que la pratiquèrent les Athéniens. Il montre comment ils surent mettre en question l'idée qu'il puisse y avoir une expertise particulière quant aux affaires de la cité; quelles furent les institutions qu'ils créèrent, et surtout la tragédie, pour imposer des limites à la démocratie; et les fins de cette société, telles qu'elles apparaissent dans l' « Oraison funèbre » prononcée par Périclès chez Thucydide. Avec, en filigrane, une discussion d'auteurs anciens (Sophocle, Hérodote, Platon, Aristote) ou modernes (Rousseau, Arendt). On y verra à quel point reste actuelle la question de la participation de tous aux affaires communes: celle de la démocratie.

Ce qui fait la Grèce, 2 est le deuxième volume de La Création humaine II, publication intégrale des séminaires de Castoriadis à l'EHESS de 1980 à 1995.
Le résumé complet et approfondi du livre

Difficulté (de lecture) : Aisée

Ecriture claire et limpide

Contenu très dense

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Sommaire

1 Résumé



(Il est recommandé de lire le résumé complet du tome 1 afin de mieux saisir la portée de ce deuxième tome : résumé complet du tome 1)

La capacité de porter un jugement sur les choses fondamentales est une création extrêmement récente. La capacité de juger non seulement l’institution de la société mais aussi l’institution de sa propre pensée, la capacité donc de réfléchir de façon critique sur le fondement de son propre jugement, est aussi une création historique.

Définition de la politique qui apparaît déjà en Grèce : activité collective qui essaie de se penser elle-même et se donne comme objet l’institution de la société en tant que telle. La politique doit affronter la relation implicite, la création perpétuelle qui a lieu dans la société ; et l’explicite, l’action lucide et publique de la collectivité.

La politique est l’activité explicite qui vise l’institution globale de la société comme telle, une telle activité ne peut exister, presque par définition, que dans un contexte démocratique ou encore comme processus de création de la démocratie.


1.1 GÉNÉRALITÉS/GRANDES LIGNES historiques et géographiques DE LA DÉMOCRATIE GRECQUE

1.1.1 HISTORIQUE ET GÉOGRAPHIQUE

1.1.1.1 Lieu où il y a eu création significative

Athènes plus le domaine Ionien notamment les îles de la mer Égée et la côte d’Asie Mineure.

1.1.1.2 Cadre historique de la naissance de la démocratie

De manière chronologique c’est de la fin du VIII° siècle av. JC à la fin du V° siècle av. JC (défaite d’Athènes).

Les premiers signes révélant le début de la démocratie se trouvent à Athènes dès le VII° siècle av. JC où certains magistrats sont élus ; puis en 594 av. JC. Avec l’archontat et les réformes de SOLON ; en 570 av. JC à Chios avec une assemblée délibérative concernant les affaires du peuple (boulè démosiè) ; le véritable tournant s’effectue à Athènes en 508 av. JC avec la révolution de Clisthène qui fonde la démocratie et avec comme point culminant, l’introduction d’une véritable règle de droit public démocratique en 462, la réforme d’Ephialte qui abolit les dernières restrictions au pouvoir du démos, le peuple. Athènes restera dès lors une cité effectivement démocratique jusqu’à la victoire de Philippe de Macédoine.

1.1.1.3 Colonisation et émergence de la polis

Les grecs quittent leurs poleis alors en train de se constituer pour aller fonder ailleurs d’autres cités. La première vague est aux environs de l’an 1000 en Asie Mineure et dans les îles la bordant, puis une explosion au VIII° siècle av. JC en Italie, Sicile, Syracuse et en trois quarts de siècle des dizaines et des dizaines de colonies vont être fondées. Les colons instituent des unités politiques souveraines mais sans référence, sans modèle préétabli pour fabriquer leur propre législation. Pas de placage institutionnel et aucune subordination politique des lois des colonies par rapport à la métropole ; ce sont des institutions autonomes, une fondation de cités autonomes.

La colonisation est l’effet de la prospérité dans la métropole et s’insère dans le mouvement de réveil, de développement, d’expansion de l’ensemble de ces sociétés (concernant Sparte et Athènes le mouvement n’a débuté que vers 675 av. JC environ).

Concernant l’organisation dans les colonies, le lieu politique essentiel de la cité, l’agora, était dès l’origine inscrit dans le plan urbain. On peut penser aussi (voir Finley pour la Sicile) que les nouveaux habitants se partageaient en lots égaux les terres de la colonie, avec une exception pour le fondateur, l’apoikistès ou oikistès à qui était accordé une propriété plus grande.

Ce grand mouvement historique de colonisation est le signe et le point de départ d’une nouvelle création imaginaire politique – la polis autonome – la notion d’autonomie, signification politique, est déjà là au milieu du VIII° siècle av. JC quand les premiers colons grecs fondent Naxos et Cumes, presque deux siècles avant les mouvements du dèmos en Grèce propre.

1.1.2 CARACTÉRISTIQUES PARTICULIÈRES

1.1.2.1 Un processus historique

La démocratie grecque n’est à aucun moment un « état de choses » mais bel et bien un processus historique par lequel certaines communautés s’auto-constituent, de façon plus ou moins explicite, comme communautés de citoyens libres. Seul ce processus importe. Il n’est à aucun moment une « constitution » donnée une fois pour toutes.

Une activité politique aussi longtemps qu’elle est féconde est une période de transformation perpétuelle.

1.1.2.2 Un premier mouvement d’autonomie sociale

C’est un premier mouvement d’autonomie sociale en ce sens que la société conteste sa propre institution, et que cette mise en cause de sa propre loi et la transformation de cette loi se font de façon explicite, en fonction d’une activité politique publique dans et par le logos, la discussion, le conflit des opinions, et pas simplement comme violence aveugle. Ce n’est donc pas simplement la démocratie conçue comme règne de la loi, ou liberté des citoyens, ou comme égalité. Cette mise en question de l’institué n’est pas allée jusqu’au bout, n’a pas été totale, d’où les limitations : esclaves, condition des femmes, rapports à d’autres cités ou à d’autres peuples (ce sont des aspects, des implications). La création n’a pas abouti à un régime parfait qui représenterait un modèle perdu.

1.1.2.3 Cercle de création de la démocratie : vigilance et courage

La démocratie est le régime qui exige des citoyens le plus de vigilance et de courage pour être maintenu. Finley dans « Démocratie Antique et démocratie moderne » : malgré les défauts du système social et des idées morales de l’antiquité, la pratique des discatèria (jurys) et de l’Ekklèsia (assemblée) élevait le niveau intellectuel d’un simple citoyen d’Athènes bien au-dessus de ce qu’on a jamais atteint dans une autre agglomération d’hommes, antique ou moderne… Il est appelé, dans ce type d’engagements, à peser les intérêts qui ne sont pas les siens, à consulter en face de prétentions contradictoires une autre règle que ses penchants particuliers, à mettre incessamment en pratique des principes et des maximes dont la raison d’être est le bien public.

Si le gouvernement démocratique présuppose des citoyens vigilants et courageux, cette vigilance et ce courage sont en même temps un résultat du gouvernement démocratique. C’est un cercle de création. Hansen dans « La Démocratie athénienne » (page 364) : C’était bien les institutions politiques qui façonnaient l’homme et la vie démocratique, pas l’inverse.

1.1.2.4 Lien entre démocratie et esclavage

Le développement quantitatif de l’esclavage est plus lié dans l’Athènes du V° siècle av. JC à l’ « impérialisme athénien » qu'à la démocratie athénienne. Lorsque les premiers mouvements démocratiques se constituent et commencent à prendre le dessus, ils le font dans des cités où l’esclavage proprement dit est économiquement et sociologiquement marginal. L’esclavage a eu une importance extrêmement réduite, presque occasionnelle dans les cités où s’est développée la démocratie (non suffisante, non nécessaire). C. Mossé dans l’article « Esclavage » de son Dictionnaire de la civilisation grecque (Bruxelles, Complexe, 1998) : « On a avancé parfois que c’est précisément cet esclavage qui a permettait le fonctionnement de la démocratie, en libérant les citoyens des tâches pratiques. Mais c’est là une vue de l’esprit. D’abord parce que tous les Athéniens n’avaient pas une activité politique constante. Ensuite, parce que le plus grand nombre d’entre eux étaient obligés de travailler pour vivre. Les citoyens athéniens n’étaient pas tous des oisifs vivant du travail de leurs esclaves. La majorité d’entre eux, paysans, artisans, petits commerçants, pêcheurs, vivaient de leur travail, et c’est bien pourquoi on les distinguait mal des esclaves travaillant à leurs côtés. » (p 209). En Attique, il y avait un petit nombre de citoyens riches, une majorité d’Athéniens libres mais pauvres, et des esclaves.

Tout athénien savait qu'à la guerre, s’il n’était pas tué, il pouvait être fait prisonnier et réduit en esclavage. Mais nul ne peut être esclave dans sa propre cité – on peut l’être ailleurs.

Le mouvement démocratique à Athènes consistera à donner des droits politiques aux paysans et aux artisans dans la cité : bien que les activités purement productives étaient souvent considérées par les Athéniens comme sans intérêt, barausique, la vraie liberté humaine supposant de disposer de son temps, de n’être pas contraint à un travail productif.

1.1.2.5 Déclin de la démocratie

A Athènes, à partir de la guerre du Péloponnèse, la capacité oratoire va se dégrader, il y a eu la montée de la flatterie du dèmos, de ses penchants et de ses instincts les plus bas par les rhéteurs (notamment et justement énoncé par Platon). Dans et par la guerre du Péloponnèse, l’échec de la démocratie semblait démontrer que le peuple n’est pas capable de s’autolimiter, de poser et de dire le droit, de se gouverner correctement. Il n’est pas de régime immunisé contre toute dégénérescence.

Malgré cette autodestruction et l’écrasante défaite d’Athènes, la vitalité du dèmos et de l’esprit démocratique est telle qu’Athènes pourra à deux reprises restaurer la démocratie : une première fois en renversant le régime oligarchique des Quatre cents (411 – 410 av. JC), une seconde fois en faisant chuter les Trente tyrans (gouvernement imposé par Sparte) ; elle pourra pendant tout le IV) siècle av. JC jusqu’à 338 av. JC (date de la domination de la Macédoine) connaître une période historique très remarquable avec une floraison intellectuelle, un approfondissement de la démocratie interne et la restauration de la puissance de la cité.

1.2 LA POLITEIA DES ATHENIENS, L’INSTITUTION POLITIQUE D’ATHENES

1.2.1 DÉMOCRATIE S'OPPOSE à « oligarchie » ou à « aristocratie »

Il y a opposition entre le dèmos et les aristoi (les meilleurs) ou les oligoi, (les peu nombreux).

Les meilleurs sont les familles nobles qui revendiquent un héros pour ancêtre, par la suite cette aristocratie s’élargira aux citoyens les plus riches à partir du VII° siècle av. JC notamment suite au développement de la vie économique. Au VII° siècle av. JC Solon définit par sa réforme les droits politiques des différentes catégories de la population et établit la timocratie : les droits politiques sont fonction de la richesse de chacun. Puis au IV° siècle cette organisation sera progressivement vidée de son contenu pour ce qui touche aux droits mais pas pour les devoirs politiques inhérents à la position économique notamment les obligations telles les « liturgies », obligation pour les riches de fournir la cité sans contrepartie soit un navire ou l’armement d’un navire ou encore le financement de la mise en scène d’une tragédie pendant la fête civique des Dionysies. Dès le milieu du V° siècle av. JC, pour les thètes qui constituent la classe la plus pauvre, les limitations ou incapacités seront réduites à presque rien, il leur restera simplement interdit d’exercer la charge d’archonte, devenue alors purement honorifique.

1.2.2 DIVISIONS CRÉÉES PAR SOLON et les quatre classes :

Les pentakosiomedimnoi : les plus riches, ceux dont le revenu est au moins équivalent à 500 médimnes, ou mesures de blé. (1 médimne = environ 50 litres)

Les hippeis : les chevaliers, ceux qui peuvent entretenir un cheval pour aller faire la guerre.

Les hoplites : les plus nombreux, ce sont les citoyens à qui leur bien ou le produit de leur travail permettent d’avoir des armes pour participer à la guerre comme fantassins.

Les thètes : ceux qui ne gagnent pas assez pour acheter des armes et les entretenir, longtemps exclus de la participation du combat ou ils accompagnent l’armée comme psiloi sans être armés eux-mêmes sauf d’arcs et de frondes. Mais grâce à Thémistocle, avec le développement de la flotte, les thètes fourniront les marins et joueront un rôle crucial dans toute la politique maritime d’Athènes. Ce rôle devient très important au V° siècle av. JC.

A partir du moment où le régime démocratique est établi on a un dèmos au sens large et « démocratie » veut dire pouvoir du peuple, souveraineté de la collectivité.

1.2.3 DÉFINITION DU CITOYEN (selon Aristote, « politique », livre III, 1275a6)

Le citoyen est celui qui a part au jugement au sens judiciaire, krisis, et au pouvoir, arktè, mais aussi celui qui sait également gouverner, arkhein, et être gouverné, arkhesthai.

1.2.4 LIMITES à l’auto-institution démocratique en Grèce

La limite centrale est la définition du corps des citoyens. Dans la polis, sont citoyens les adultes mâles libres. A Athènes, la loi définit comme citoyen celui dont l’un des deux parents est athénien ; puis à l’époque de Périclès, celui dont les deux parents sont athéniens.

1.3 LES DIMENSIONS DU PROCESSUS D’AUTO-INSTITUTION DE LA POLIS

1.3.1 DÉFINITION DE LA COLLECTIVITÉ :

Définition de la polis : la polis n’est pas une ville, le centre urbain c’est l’astu, la polis c’est l’unité d’un territoire urbain et d’un territoire rural. Ce sont des citoyens. Ce sont les hommes qui font une cité –Thucydide : andres gar polis – c’est la communauté de citoyens libres qui font leurs lois, jugent et gouvernent dans la cité démocratique car les trois fonctions du pouvoir politique en démocratie grecque sont le législatif, le judiciaire et le gouvernemental, et non l’exécutif.

La polis grecque n’est pas un Etat, il n’y a pas d’appareil d’Etat séparé de la communauté et qui la domine, mais une communauté qui dépasse toute assemblée particulière du dèmos, peuple.

La société grecque s’institue en tant que société relativement une et homogène et comme coexistence et médiation de centaines d’unités politiques autonomes.

1.3.2 NAISSANCE DU CORPS POLITIQUE SOUVERAIN

1.3.2.1 Définition à la fois théorique et effective de la démocratie comme souveraineté de la collectivité : autonomoi, autoteleis, autodikoi

Est autonomos celui qui se donne à lui-même ses lois, qui ne les reçoit pas de quelqu’un d’autre, qui pose ses propres lois, autonomie et donc auto-institution. Une cité est autotelos dans la mesure où elle se gouverne elle-même. Une cité autodikos se juge elle-même ; elle a ses propres tribunaux, seule instance chargée de veiller à l’observation des lois. Le tout est une doctrine de l’articulation des pouvoirs avec les fonctions législative, judiciaire et gouvernante ; et non les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif. Un pouvoir exécutif revient à escamoter la fonction indéterminée inhérente à tout gouvernement qui consiste à décider là où les lois ne prescrivent ni n’interdisent rien. Dans la démocratie d’Athènes la puissance exécutive est bel et bien confiée à des magistrats mais ces derniers restent pour l’essentiel sous le contrôle de leurs mandants. D’autre part on y trouve une distinction entre l’essentiel et l’accessoire. Il était inimaginable d’encombrer les assemblées avec des affaires publiques accessoires ou triviales, qui bien évidemment devaient être déléguées.

1.3.2.2 Notion d’égalité et de liberté

La démocratie en Grèce implique la liberté et l’égalité ; eleutheros, libre ; isonomia, égalité de la loi pour tous ; mais elle n’instaure pas la liberté au sens d’un statut. Donc le citoyen est libre à l’intérieur du corps des citoyens, car il ne peut être vendu comme esclave dans sa propre cité, et il a l’égale participation au pouvoir politique.

1.3.2.3 Liberté de l’individu et appartenance à la communauté politique chez les grecs

La liberté de l’individu est vue par les grecs non seulement n’excluant pas mais impliquant une conscience très forte de l’appartenance à une communauté politique ; une conscience donc très différente de celle qui est postulée par l’idée de l’individu sujet de droit, réalité abstraite qui n’aurait de lien avec les autres que par la médiation également abstraite d’une loi qui s’impose à tous de façon égale.

1.3.3 EXERCICE DU POUVOIR DE LA COLLECTIVITÉ, soit la participation des citoyens au pouvoir est assurée par des institutions

1.3.3.1 Institutions formelles

1.3.3.1.1 L’Ekklèsia

Assemblée du peuple, chargée de voter les lois et à laquelle tous les citoyens participent. Tout le monde a le droit de parler, de proposer telle ou telle décision. Elle se réunit, à Athènes sur la Phyx, à certains jours fixes. Les décisions de l’assemblée sont des décrets, psèphismata ; les lois, nomoi, impliquent un examen préalable par la Boulè.

1.3.3.1.2 La Boulè

Conseil formé par 500 citoyens, tirés au sort, ayant un rôle de filtre par rapport à l’assemblée. Il fixe l’ordre du jour de celle-ci et fait subir aux propositions de loi qui émanent d’elle un premier examen. Au IV° siècle av. JC il y a un relâchement de la fonction de contrôle de la Boulè et Aristote dans la « Constitution des Athéniens » en donne une appréciation positive car tout est dévoilé par décrets et que « le grand nombre est beaucoup plus difficile à corrompre que le petit ». Corruptible veut dire : qui vise son propre intérêt et non celui de la collectivité.

1.3.3.1.3 La magistrature : Tribunaux, magistratures fixes, fonctions de poste d’experts

Les tribunaux : les membres sont tirés au sort. Le principal d’entre eux est l’Héliaîa, formé de 500 juges prêtant serment avant de rendre la justice. Il n’y a pas de magistrature permanente ni de procureur aussi les juges sont obligés de connaître à la fois de la question du droit et celle de fait. Face aux juges se trouvent juste l’accusateur et l’accusé. Le citoyen est donc forcément au courant des lois. Il répond à la question quid facti et quid juris.


Les magistratures fixes : les membres sont tirés au sort dont les neuf archontes (au début, les membres de la 4° classe de citoyens étaient exclus de ces postes d’archontes). La désignation par tirage au sort était combinée avec une rotation entre tribus pour les postes occupés pendant une période donnée, donc à Athènes pendant la période classique chaque tribu a ses représentants occupant les magistratures suprêmes pendant 36 jours par an. Pour la magistrature de Prytanes qui assurent collectivement la présidence de l’Ekklèsia et de la Boulè on tire au sort chaque mois 30 membres de l’une des dix tribus et chaque jour l’un d’entre eux est tiré au sort pour être leur épistaès, leur chef pour 24 heures, ayant le sceau de la cité et personnifiant la polis. N’importe quel Athénien peut être désigné à ce poste.
Tout magistrat, à n’importe quel moment dans l’exercice de ses fonctions, peut être mis en cause, pour des raisons de fond ou de forme, et être révoqué. Lors de leur démission de leurs fonctions, les magistrats doivent présenter une reddition de compte à la fois financière, morale et politique.


Fonctions de poste d’experts : les magistrats sont désignés par voie d’élection, ainsi le poste de stratège (chef de guerre) au nombre de 10 et dont l’élection est ouverte à tous. De tous ces postes électifs, les titulaires sont révocables, l’Ekklèsia peut les renvoyer voire les accuser et les condamner dans l’exercice même de leurs fonctions.


Il n’y a pas d’expert en politique, l’expert suprême c’est la communauté politique ; quand il y a expertise, tekhnè, c’est toujours par rapport à une activité spécifique, reconnue comme telle dans son champ propre. Aucun expert ne saurait se juger lui-même, et le juge approprié de l’expert n’est jamais un autre expert. Le critère du bon exercice de la tekhnè c’est son produit et son résultat et donc le juge de la tekhnè est l’utilisateur de son produit et non l’expert. Seul l’utilisateur est bon juge et l’utilisateur de tous les experts qui mettent en œuvre les tekhnai ayant un intérêt pour la polis est la polis elle-même, le corps des citoyens.

1.3.3.2 Institutions informelles

1.3.3.2.1 Isègoria

Egalité du droit à la parole qui est considéré comme un attribut de la démocratie et garantie par la loi.

1.3.3.2.2 Parhèsia

Obligation de dire franchement ce que l’on pense à propos des affaires publiques, franc-parler, considéré comme allant de soi pour tous.

1.3.3.2.3 L’atimie

Le déshonneur et la privation des droits civiques. L’opportuniste qui attendait de voir de quel côté le vent allait tourner risquait de perdre ses droits – dans l’"Oraison funèbre » prononcé par Périclès (deux siècles plus tard) : nous considérons que ceux qui ne s’intéressent pas aux affaires communes sont des gens non pas tranquilles, mais absolument inutiles, parasitaires du point de vue de la cité.

1.3.3.2.4 Les salaires « discastique »

A partir du V° siècle av. JC, des mesures concrètes pour compenser les désavantages des classes les plus pauvres en ce qui concerne la participation à la vie politique.

1.3.3.2.5 Les salaires « écclésiastique »

Au IV° siècle av. JC, indemnité journalière perçue par les citoyens pour participer à un tribunal ou à l’Ekklèsia destinée à combler les pertes du paysan pauvre ou de l’artisan.


1.3.3.3 Conclusion de l’exercice du pouvoir de la collectivité

Ces institutions montrent l’absence de tout distinction/ opposition voulue entre peuple et « représentants », peuple et experts, peuple et « Etat ». La démocratie grecque n’est pas représentative mais c’est l’image d’une démocratie directe. L’idée de représentation n’existe pas. La démocratie grecque n’est pas basée sur le principe électif mais sur le tirage au sort et la rotation des charges.

C’est un mouvement d’auto-institution de la société et non un état achevé. Il s’agit d’un processus de création historique où la société a constamment la possibilité de remettre en question ses lois et ses institutions.

1.3.4 CRÉATION D'UN ESPACE PUBLIC

Les lois sont gravées dans le marbre pour que tout le monde puisse les voir. Il y a cette substance vivante, le corps des citoyens, qui remplit l’espace public, qui se réunit dans l’Ekklèsia et dans l’agora, place publique qui est un espace imposé à l’urbanisme par la pratique de la communauté. C’est dans cette agora que le logos, le discours, circule : argumenté, rectifié, perfectionné, repris … Une parole libre, une pensée libre, un questionnement libre concernant toutes les affaires de la communauté dans un espace public effectif et non créé simplement comme droit abstrait, avec les deux caractéristiques fondamentales du citoyen qui sont l’isègoria, le droit pour tous de parler devant l’Ekklèsia , et la parrhèsia, la véracité et la sincérité du discours, le courage de dire ce que l’on pense vraiment sur les affaires publiques.

Il y a une distinction entre le formel et le réel dans la création de l’espace public. Les dispositions organisant et garantissant la liberté de parole pour tous sont nécessaires mais ne suffisent pas. Les notions décisives ne relèvent pas de la loi mais concerne l’éthos (*) des citoyens, leur comportement politique. Sans des citoyens responsables d’eux-mêmes (soit du courage aidôs, de la vigilance aiskhumè, de la vergogne et de la pudeur) non pas comme individus privés mais surtout comme membres solidaires de leur communauté politique, l’espace public devient un espace formel se vidant de sa substance. C’est la pratique constante de la polis comme affaire de tous qui fait que la polis est affaire de tous. Quand les citoyens discutent des affaires communes, qu’ils participent effectivement à la prise de décision, ils sont dans un processus de formation politique.

(*) Ethos : Il s’agit de façon d’être et de façon de vivre, d’attitude face à la vie et au monde, de comportement au sens le plus global – et finalement dans notre langage, d’institution imaginaire de la société.

1.3.5 CREATION D'UN TEMPS PUBLIC

La création d’un espace public est aussi la création d’un temps public, temps public comme temps social s’opposant au temps privé. Il y a création d’un temps public substantif lorsque la communauté, au-delà de la répétition, fait siens les évènements de son passé tout en se projetant collectivement, de façon plus ou moins explicite, dans un avenir. Cette création se produit en Grèce avec la création de l’historiographie et les deux noms d’Hécatée de Millet (548-475) puis Hérodote d’Halicarnasse qui ne se bornent pas aux archives sacerdotales ou palatiales et utilisent aussi de façon critique une tradition orale publique. Le passé n’appartient plus aux chroniqueurs, aux prêtres ou aux rois, il appartient à tous ceux qui se soucient de le connaître. Ce qui est constitué par cet espace-temps public c’est cet hèmeis, ce « nous autres » qui est l’unité de la polis, le référent politique, qui est acquis à travers le passé pour être amené jusqu’au présent, qui ouvre forcement sur un avenir qui lui aussi sera autocréation, et non pas fatalité ni programme à accomplir (ainsi exprimé dans l’ «Oraison funèbre » de Périclès). C’est une diachronie substantive où des choses importantes, comme ces « exploits des grecs et des Barbares » dont parle Hérodote dans son préambule, adviennent par l’action des hommes.

1.3.6 UNITÉ DE LA COMMUNAUTÉ POLITIQUE

Dans le cas des cités grecques, le corps politique reçoit son unité d’un niveau qu’on pourrait appeler pré-politique (et social). Au moment où un mouvement d’auto-institution ou de ré-institution commence, la communauté qui s’auto-institue se reçoit elle-même de son propre passé, avec tout ce que ce passé charrie, avec tout ce qu’il comporte. C’est une donnée, un matériau du point de vue politique faisant partie de la vie réelle des gens et comportant les mœurs, les coutumes, un mode de production, une religion, un territoire déterminé (village, ville), une structure familiale, etc.

Pour instaurer l’unité de la communauté politique la réforme de Clisthène (508/507) a dû articuler la donnée pré-politique et briser certaines divisions traditionnelles comme les quatre phulai, tribus d’Athènes, ou les factions ayant une assise géographique et socio-économiques comme les « partis » paysan, citadin et maritime. La réforme a créé dix nouvelles tribus, à leur tour divisées en trois trittyes (tiers). Chaque tribu est constituée d’une trittye de la ville et des environs (région urbaine Asty), d’une trittye de l’intérieur (région campagnarde paralia) et d’une autre de la côte (Mésogeios) ; donc sans aucune prédominance paysanne, urbaine ou maritime. Les magistratures se distribuent de façon égale entre ces tribus. Néanmoins il n’y a pas coalition de groupes sociaux ni conglomérat de groupes rassemblés de force ; et, dans chacune des trittyes, l’organisation de base en dèmes (village /municipalité), chaque dème étant déjà une unité pré-politique, est maintenue.

La législation de Clisthène avec la redistribution du corps politique qu’elle met en place pour briser les loyautés tribales classiques et la lutte entre les trois sections de la population (maritime, urbaine et campagnard) était de former des sous-unités politiques dont chacune regroupait de façon équilibrée des éléments des trois communautés pour rendre impossible, à l’intérieur de chaque tribu, la prévalence d’intérêts extrapolitiques.

L’élément pré-politique n’est plus mis en avant mais il n’est pas détruit. Il y a articulation afin que l’accès à chaque magistrature soit égal pour chaque partie de la population, partie remaniée en vue du fonctionnement politique. Il y a création d’un espace politique articulé qui s’étaye sur des traits pré-politiques sans se laisser dominer par eux et permettant l’unité de la communauté politique.

1.3.7 RELATIONS INTERSUBJECTIVES

L’institution et la vie de la communauté s’incarnent également dans des relations intersubjectives qui n’appartiennent pas directement à l’espace politique. Ainsi l’espace privé, le domaine privé qui constitue l’oikos, la maisonnée est la première forme d’ordre social réglé comme un premier champ où se réalise un certain type de pouvoir : pouvoir de l’homme sur la femme et sur les enfants, pouvoir de l’homme et de la femme sur les esclaves. La prise en charge des problèmes afférents à l’oikos constitue l’oikonomia (origine d’économie). Néanmoins toute l’oikonomia ne relevait pas exclusivement du domaine privé car la monnaie (invention grecque) et l’approvisionnement des céréales ainsi que les agronomes (magistrats surveillant les poids et les mesures, et réglementant le marché) étaient sous la responsabilité de la polis. Ce qui caractérise les rapports interpersonnels ne faisant pas l’objet d’une législation explicite mais intéresse l’institution de la société sont la philia et l’eleos.

1.3.7.1 La philia

La philia vient du verbe phileô qui signifie aimer et qui correspond aux différentes sortes d’affection susceptibles de relier les individus. Dans la cité grecque elle a des aspects institutionnels très importants. Il s’agit surtout de l’amitié entre hommes, qui est souvent à la base d’associations politiques informelles appelées hetaireiai, camaraderie. La philia peut fleurir et se développer dans une communauté libre et qu’une telle communauté présuppose (Aristote). La tyranie ne peut supporter la philia, son intérêt étant d’empêcher la création, indépendamment d’elle, de liens très forts entre les gens pouvant favoriser la lutte contre son pouvoir ou établissant dans la société un centre de référence qui lui échappe.

La philia ne peut exister qu’entre égaux ce qui en fait l’affect démocratique par excellence.'

La philia dépend donc de l’institution politique, c’est la cité qui posant les individus comme égaux, crée par là les conditions de ce type d’amitié et c’est la cité qui donne à chacun de ses membres la possibilité de se valoriser et de devenir digne de la philia.

1.3.7.2 L’eleos

On pourrait aussi dire sumpateia est le fait de se mettre à la place d’autrui, de tenir compte d’autrui, de considérer le malheur d’autrui et agir en conséquence, de ne pas rester impassible devant le malheur d’autrui. Ce n’est donc pas de la pitié ou de la compassion un peu larmoyante, montrer de l’elos pour les faibles c’est tenir compte de ce qui leur arrive.

1.3.8 DEUX DISPOSITIONS PERMETTANT DE RÉVÉLER L'ESPRIT DES LOIS de l’Athènes clisthénienne

1.3.8.1 L’ostracisme

l'ostracisme est un exil de dix ans d’un citoyen sans perte de droits civiques ou de biens et ni déshonorant ; permettant d’écarter un citoyen lorsque l’unité politique était en danger notamment lors d’un antagonisme politique trop intense.

1.3.8.2 L’exclusion de la délibération et du vote de citoyens

L’exclusion de la délibération et du vote de citoyens est décidée quand ces derniers ne peuvent faire abstraction de leurs intérêts particuliers lors de décision commune concernant la communauté (ex : décision d’un conflit et habitants frontaliers).

La décision politique doit être prise en se tenant à l’écart, à distance, autant que possible, de tous les intérêts particuliers.

1.3.9 DÉMOCRATIE ET LEADERS

Les choix politiques ne sont pas réductibles aux interventions ponctuelles de tel ou tel individu. On a affaire à une création social-historique qui pousse une collectivité à réaliser l’égalité, à s’interroger sur le sens de la loi ou de la justice, sur la légitimité de l’usage de la force, etc.
A certains moments on voit apparaître des individus exceptionnels qui articulent toutes ces questions, il y a une dialectique entre la communauté et l’individu d’exception.
Il arrive aussi que le leader incite la communauté à prendre des décisions qu’elle n’aurait pas prise ou n’aurait même pas su se formuler sans lui. L’essentiel est de savoir si la collectivité est capable de reprendre à son compte, de façon créatrice, ce qui lui est proposé.

1.3.10 OBJET ET OBJECTIFS DE L'AUTOLIMITATION D'UNE COLLECTIVITE DEMOCRATIQUE

1.3.10.1 Autolimitation et autonomie

Cette question ne peut surgir véritablement que dans une société déjà autonome, du moins où l’autonomie émerge comme dans les cités grecques. Dans une société hétéronome la question n’est pas pertinente : on doit faire ce que les ancêtres ont dit de faire, ce que les dieux ou Dieu ont décrété, ce que la nature dicte, ce que la raison permet de déduire, ce que les lois de l’histoire imposent.

Dans les cités grecques antiques, tout en étant une affaire civique et civile, la religion n’a jamais fourni une quelconque orientation, positive ou négative, pour l’élaboration des lois. L’activité législative n’est pas du domaine de la religion et l’oracle de Delphes ne se mêlera jamais du contenu substantif des lois.

1.3.10.2 Autolimitation et science politique

Il n’y a pas et ne peut y avoir de science politique, au sens lourd du terme politique. Il n’existe aucun discours rigoureux, qui, à partir de présupposés s’imposant à tous, aboutirait à une décision incontestable sur la bonne loi. Cette impossibilité d’une epistèmè politique correspond bien à la conception grecque antique, telle qu’elle s’est exprimée par la pratique de la démocratie et d’ailleurs telle qu’elle est reconnue dans une grande mesure par Aristote. S’il n’y a pas de norme extérieure à la société, c’est donc que la société est elle-même la source de la loi. Le peuple peut tout faire mais ne doit pas tout faire mais aucune réponse ne peut être donnée d’avance. L’hubris est l’absence d’autolimitation et seule la transgression montrera vraiment où était la limite. L’hubris s’empare du dèmos quand le peuple athénien ne sait plus se limiter. Les décisions politiques importantes doivent toujours être prises sur le coup, dans le kairos (ce dans quoi il n’y a pas beaucoup de Khronos).

Peut-il y avoir un critère intrinsèque de la valeur d’une loi et peut-il y avoir une garantie effective, réelle, que les limites que s’est imposées le corps instituant ne seront pas transgressées ?
La double question d’un critère intrinsèque de la légitimité des lois et d’une garantie de la légitimité du pouvoir n’est pas soluble une fois pour toutes et seule l’activité vivante de la collectivité politique peut y répondre.

1.3.10.3 Pratique de l’autolimitation en Grèce

Les grecs ne connaissaient ni ne pratiquaient de distinctions hiérarchiques formelles entre les textes qu’ils votaient. Ils faisaient la différence entre les nomoi et les psèphismata, les lois générales d’un côté, les décisions particulières de l’autre ; mais cette distinction quant au contenu était assez relative et essentiellement procédurale ; elle est tombée en désuétude au IV° siècle av. JC ou le dèmos est devenu maître de tout et décide de tout par ses psèphismata (Aristote – Constitution des Athéniens). Ils avaient mis au point des institutions dont le principe en est le contrôle du peuple par lui-même.

1.3.10.3.1 La graphè paranomôn

La graphè paranomôn est l’accusation d’illégalité. Un citoyen athénien ayant fait dans les formes une proposition de loi à l’Ekklèsia, assemblée du peuple ; cette loi après discussion ayant été votée et devenant nomos, loi, pouvait être traîné devant le tribunal par un autre citoyen l’accusant d’avoir proposé et fait adopter par le peuple une loi illégale. Le nomos est accusé d’être paranomos, la loi d’être illégale. Un tribunal non composé de magistrats professionnels mais composé d’un grand nombre de citoyens tirés au sort (501 minimum jusqu’à 1501) était alors réuni. C’était donc le peuple athénien sous une autre forme qui jugeait ce citoyen, un échantillonnage très considérable de ce même peuple qui avait voté au sein de l’Ekklèsia la loi incriminée qui délibérait et pouvait condamner ce citoyen (jusqu’à la peine de mort) et annuler cette loi. C’était une sorte de cours d’appel du peuple contre le peuple, le peuple en instance d’appel contre le peuple lui-même au sein de tribunaux fournis par des fractions aléatoires dans le corps politique, qui s’exprime une fois que les passions se sont apaisées.

1.3.10.3.2 L’apatè tou dèmou

L’apatè tou dèmou s’applique si un citoyen a incité le dèmos, le peuple, à voter une mesure en présentant des informations fallacieuses, ce citoyen ira de même devant les tribunaux.

1.3.10.3.3 La nomon mè epitèdeion theinai

La nomon mè epitèdeion theinai est aussi une autre cause invoquée et jugée par ces mêmes tribunaux lorsque la loi n’est pas adaptée au cas à traiter et qu’elle n’est pas bonne. Il y a donc un contrôle de la qualité de la loi effectuée par les tribunaux et dont les décisions font en quelque sorte jurisprudence, façonnent et éventuellement réforment l’opinion comme le caractère justifié ou non des lois.

1.3.10.3.4 La tragédie

La tragédie dont la vraie dimension politique est à chercher dans ses fondements ontologiques avec la saisie grecque imaginaire du monde et dans le rôle qu’elle joue dans les institutions d’autolimitation de la démocratie affirme par la présentation de la chose, elle donne à voir à tous, que l’être c’est le chaos (chaos présentifié par l’absence flagrante de toute correspondance positive entre les intentions et les actions humaines d’un côté et leur résultat de l’autre). Elle montre que nous ne sommes pas maîtres des conséquences de nos actes et que nous ne sommes pas maîtres de la signification de nos actes donc du sens de nos actes. Le chaos et l’hubris (la transgression des limites) sont dans l’être humain lui-même. La tragédie est une mise en garde insistante contre l’hubris, y compris quand celle-ci se déguise sous des motivations sublimes et tient un discours parfaitement raisonnable ou rationnel.

La tragédie nous donne à voir l’incertitude, la fragilité et l’incomplétude perpétuelles des raisons et motifs sur lesquels nous pouvons baser nos décisions ; et, même si nous croyons agir et décider en vertu des meilleures raisons du monde, il se peut que nous soyons en train de prendre des décisions monstrueuses ou dont les résultats seront monstrueux.

1.3.11 OBJET ET OBJECTIF DE L'INSTITUTION DE LA POLIS

La création de la polis dans le domaine politique comme institution permet aux être humains de révéler ce qu’ils sont à travers l’action et la parole (Hannah Arendt – « Condition de l’homme moderne »). Il y a une importance de la dimension agonistique (qui concerne la lutte, les conflits) dans le monde grec avec notamment les notions de Kleos et de Kudos, renommée et gloire, au sein de la lutte, l’âgon, de la compétition pour être le meilleur ; que l’on retrouve d’ailleurs avec la tragédie à Athènes où les poètes tragiques participent à un concours : ils luttent entre eux. Mais il n’y a pas dissociation entre la manifestation de l’individualité et la visée du Kleos et du Kudos , d’une part, et le contenu substantif de l’action politique.

L’ « Oraison funèbre » prononcé par Périclès chez Thucydide et qui constitue le sommet de la pensée politique démocratique montre que l’activité politique est inséparable d’un contenu substantif (Périclès ne vise pas la gloire, la gloire vient de surcroît).

L’objet de l’institution de la polis , l’objet de la vie en commun des Athéniens, est quelque chose qu’on ne saurait réduire à l’agôn ni à l’expression de soi par l’acte et la parole. Périclès dit : nous vivons dans et par l’amour du beau, philokaloumen gar met’euteleias. Pour Périclès, un citoyen est quelqu’un dont la vie est en même temps philosophia et pholokalia, sagesse et beauté, amour de la sagesse et de la beauté qui ne sont pas des objectifs séparés de ou dans la vie de la cité, ni des moyens qui permettraient d’ « enrichir » la vie des citoyens. Ce rapport à la sagesse et à la beauté ; cette activité elle-même, et son objet ou son résultat ; ne pouvait exister que dans et par la vie politique collective. C’est la cité qui fait le Parthénon, et l’agora, et ces lois grâce auxquelles on peut y discuter librement et écouter.

Il n’y a pas de dilemme entre individu et collectivité, communauté politique ou société civile mais une unité articulée (que montre bien l’ « Oraison funèbre »).

La fin de l’activité politique est donc la vie substantielle de la cité et des individus qui font la cité. Les finalités de l’institution de la polis serait de vivre dans et par l’amour de la beauté, vivre dans et par l’amour de la sagesse et aussi vivre dans et par l’amour du bien commun et de la cité elle-même, collectivité à la fois concrète, formée d’individus et permanente – une institution.

La cité est paideusis, l’éducation et l’éducatrice de la Grèce. Les objectifs s’appellent philosophein et philokalein – créer des être humains qui vivent dans et par l’amour de la sagesse, de la beauté et du bien commun.

1.4 ACTIVITE POLITIQUE ET PHILOSOPHIE OU LA PRATIQUE DE LA DÉMOCRATIE

1.4.1 PRATIQUE THÉORIQUE

Pendant la période qui va du VI° siècle av. JC, avec les philosophes ioniens, jusqu’à Platon, on assiste à la création de la philosophie, puis à son premier grand développement ; et, en même temps, au surgissement véritable de la démocratie avec la réforme de Clisthène, suivie d’un processus continue d’élargissement et de perfectionnement, processus et non pas régime politique donné une fois pour toutes.

La philosophie et la politique participent de la même création fondamentale, à savoir la mise en question de ce qui est donné, qu’il s’agisse de l’institution politique au sens étroit ou de l’institution globale, de la représentation du monde. Tous deux cassent les cadres reçus et n’acceptent d’autres présupposés que ceux qui reposent sur leur propre activité. Mais il n’y a pas de lien explicite car personne ne rêve à cette époque de démontrer par des raisonnements qu’elles doivent être les lois de la cité, ni d’établir une philosophie politique qui donnerait une fois pour toutes la solution des questions que pose l’activité politique de la collectivité.

Une telle attitude montre une conscience profonde chez les philosophes du fait que la politique est l’affaire de la collectivité, qu’elle relève de la doxa, de l’opinion, et non de l’epistèmè, du savoir/science.

Cette attitude est contemporaine de la lutte pour l’établissement de la démocratie dans toutes les cités où elle avait lieu, qui ouvrait toute la problématique de l’institution en montrant dans la pratique que la source de l’institution c’est l’activité instituante du peuple. Cela allait de pair avec la reconnaissance du fait que rien ne peut déterminer d’avance le contenu de la loi, qu’il n’existe pas de norme extra-sociale, qu’elle soit théologique ou philosophique, sur laquelle régler ce contenu.

La position philosophique centrale est qu’on ne peut parler d’égalité, donc de loi, donc de juste et de l’injuste qu’à partir du moment où existe cette capacité minimale de participation à la vie politique, au gouverner et à l’être gouverné.

Le corps politique s’autocrée comme communauté des égaux entre lesquels il peut y avoir loi, cet énoncé universel qui présuppose l’égalité de ceux à qui il s’adresse. La question du juste et de l’injuste ne peut se poser qu’entre égaux, le droit ou la justice doit prévaloir, et non pas la force. La question de la loi, du juste et de l’injuste, se pose et doit pouvoir être délibérée et tranchée par ceux qui participent à la communauté politique.

Par l’acte instituant, le peuple s’auto-instaure comme légiférant, cet acte décrit les formes dans lesquelles l’activité légiférante doit être accomplie pour être valable (discussion des projets de lois par la Boulè, votation par les citoyens sur l’Ekklèsia) mais ne dit rien sur le contenu des lois et ne peut rien en dire.

La démocratie reconnait ainsi ce fait qu’être libre c’est comprendre qu’on n’a aucun recours contre soi-même, c’est admettre que le risque essentiel auquel on doit faire face c’est nous-mêmes et d’assumer ce fait. La démocratie est le régime politique où l’on a à craindre que ses propres erreurs. La démocratie est le régime qui s’institue comme auto-institution explicite permanente et qui, en même temps, sachant qu’il ne peut être limité par lui-même, instaure les conditions de son autolimitation.

1.4.2 PRATIQUE EFFECTIVE DE LA DÉMOCRATIE à Athènes

La pratique effective de la démocratie à Athènes et de la souveraineté de la communauté politique implique trois éléments :

1) Il s’agit du pouvoir du peuple et non celui de ses représentants, l’idée de représentation politique est totalement absente.

2) le peuple ne saurait être remplacé par des experts qui ne peuvent prétendre à une expertise politique générale car il n’y a pas de science de la politique ou du gouvernement.

3) il s’agit bel et bien de la communauté politique et non d’un Etat séparé de la société, qui lui fait face et le gouverne.

Tout cela implique qu’une majorité substantielle du peuple soit présente et se manifeste activement chaque fois qu’il s’agit de délibérer et de décider. C’est une pratique effective et non un droit abstrait.

C’est toute la vie de la cité, toute l’éducation des citoyens, la paideia pros ta koina, l’éducation en vue des affaires communes, qui conditionne cette participation effective et non un droit abstrait.

Parmi les composantes du dispositif qui rend possible cette pratique de la démocratie, il y a création d’un espace public, la publicité des affaires, la création d’un temps public qui ne se réduit pas à un calendrier mais correspond à une mémoire explicitement mise en commun et publiquement élaborée.

La démocratie grecque antique instaure vraiment l’autonomie : en disant que la loi est vraiment faite par nous et pour nous, et en définissant ce nous comme la collectivité des citoyens libres, adultes, mâles, etc… Il n’y a pas de fondement donné, irrécusable, à partir de quoi doit être constitué la communauté politique (un fondement donné peut être les droits de l’homme). C’est une auto-institution explicite de la société. C’est aussi l’idée d’une autoconstitution, autocréation de l’humanité en tant qu’humanité. Il n’y a pas d’individu donné comme une chose naturelle, car c’est la communauté qui forme l’individu tel qu’il va devenir. Polis andra didaskei (Simonide), c’est la cité qui éduque l’homme, qui fait de lui un homme. Chez les humains, le nomos devient phusis ; la loi, l’institution, la convention devient leur nature. Et c’est l’activité des hommes qui constitue/institue la communauté sociale et politique. L’homme est la mesure de toute chose, pantôn khrèmatôn metron anthrôpos (Protagoras).

1.5 L’HISTORIOGRAPHIE

La littérature historiographique, logographoi, qui n’était ni des anales ni des archives mais des œuvres en prose sur divers sujets, était déjà importante et est apparu en Ionie au VI° siècle av. JC avec notamment comme auteurs Hécatée de Milet avec un peu avant 500 av. JC un periodos gès ou voyage autour de la Terre décrivant le monde connu, ou Xanthos de Lydie, Hellanikos de Lesbos, Skylax de Caryanda, etc. qui écrivent surtout sur les grecs d’Asie et sur les Perses ou encore Antioche de Syracuse qui s’intéresse aux colonies de la Grande-Grèce.

1.5.1 HÉRODOTE

Hérodote (480 – 420 av. JC) a beaucoup voyagé et la composition et la rédaction de son historiè , enquête, s’étale sur une vingtaine d’années (450 – 430 av. JC), après les guerre médiques.

1.5.1.1 Objet des thèmes décrits

Cette historè consiste à ne pas laisser dans l’oubli ces fameux erga megala te kai thômasta, ces exploits ou œuvres grandes et admirables, des Grecs et Barbares.

L’auteur veut décrire ce qu’il considère comme le conflit fondamental de son époque, le conflit entre Perses et Grecs, entre l’Asie et l’Europe, et en retracer les origines.

Hérodote veut aussi décrire comment ce qui fut grand redevient finalement petit, et comment le petit devient grand.

1.5.1.2 Premier livre d’ethnographie connu

L’historiographie du V° siècle av. JC est une rupture car elle est aussi constitution de la géographie, et de l’ethnologie ou de l’ethnographie. L’œuvre d’Hérodote est le premier livre d’ethnographie ou description des coutumes des peuples que nous connaissons.

Hérodote se place du point de vue du savoir gratuit avec comme utilité la connaissance des affaires humaines en général, savoir ce qu’il y a derrière la croissance et la dégénérescence des cités et des enjeux, et pour porter un jugement sur une politique ou sur le cours de la guerre.

On trouve aussi la même critique des représentations instituées, la même relativisation des institutions propres qu’effectuent par ailleurs des sophistes comme Protagoras. Cette relativisation des institutions se double parfois d’une recherche sur les origines de l’humanité.

Hérodote décrit à plusieurs reprises le fait que toute puissance vise toujours, quoi qu’on fasse, son agrandissement et l’hubris qui est à l’origine de cet agrandissement (ainsi l’histoire de Crésus, de Cyrus de Cambyse, de Darius et de Xerxès).

1.5.1.3 Méthode, critique des témoignages et des sources

Concernant la méthode, critique des témoignages et des sources, Hérodote fait plusieurs distinctions :

1) entre ce qui relève de l’akoè et de ce qui relève de l’opsis, entre avoir entendu parler de quelque chose et l’avoir vu de ses propres yeux. « Pour moi, si j’ai le désir de rapporter ce que l’on dit, je ne suis certainement obligé d’y croire – qu’on tienne compte de cette réserve d’un bout à l’autre de mon ouvrage… » Livre VIII, 152. Les oreilles, c’est la tradition ; les eux, c’est le savoir personnel.

2) la gnômè qui est la pensée ou le jugement. C’est en fonction de la gnômè qu’Hérodote va décider de la fiabilité de tel récit.

3) l’impartialité. Hérodote place d’emblée sur le même plan Grecs et Barbares, sans aucune distinction qualitative.

Il relate ce que disent les Perseôn logioi, les savants ou doctes, parmi les Perses. Pour lui, Grecs, Egyptiens ou Scythes ont un savoir égal des choses divines ; ou aussi Salmoxis (Thrace) est antérieur à Pythagore (philosophe grec) et les pythagoriciens semblent avoir emprunté aux Egyptiens ; ou encore Hérodote loue les Perses qui n’apprennent à leurs enfants que trois choses : à monter à cheval, à tirer à l’arc et à dire la vérité.

Son impartialité concerne aussi les coutumes des autres peuples.

La seule distinction qu’il affirme est que chez les Grecs on trouve la liberté (et que c’est par excellence à Athènes que se manifeste cette liberté) et chez les barbares on trouve le despotisme.

1.5.1.4 Préférences politiques d’Hérodote

Certaines préférences politiques d’Hérodote apparaissent sur l’ensemble de l’historiè :

Livre V chapitre 78 - il attribue l’accroissement de la puissance d’Athènes à l’isègoria, à l’égalité de parole.

Livre VII chapitres 102-104 - Il oppose le despotisme à la loi.

Livre VII chapitres 134-136 – l’articulation essentielle est celle de la liberté et du despotisme.

1.5.1.5 Premier texte de « philosophie politique »

Avec Hérodote, on a aussi le premier texte de « philosophie politique » comparant les avantages et les inconvénients des différents régimes avec le célèbre passage sur les mérites des différents régimes politiques au livre III 80-84.

Dans ce récit, Otanès défend la démocratie et critique la monarchie, ce régime qui laisse libre cours à l’hubris d’un homme, où le monarque est aneuthunos, irresponsable, n’ayant de compte à rendre à personne (contrairement aux magistrats des cités démocratiques qui doivent eux présenter une rédition de comptes financier, moral et politique en se démettant de leur fonction). Le meilleur des hommes sera immanquablement poussé ektos tôn eôthotôn noèmetôn, en dehors des pensées ordinaires, il sortira de ses gonds parce que le phatonos, l’envie et l’hubris sont innés dans l’homme et ces deux vices poussent n’importe qui aux pires monstruosités. Tandis que le pouvoir du plèthos, du peuple est le meilleur des régimes car il porte l’isonomia, l’égalité de tous devant la loi et qu’il ne peut commettre aucun excès dont un monarque sera forcement coupable car les magistrats y sont attribués par tirage au sort et sont responsables de leurs actes et toutes les décisions, les bouleumata, sont portées devant le peuple ; en gar tô pollô eni ta panta, tout est dans le peuple, tous les talents de la communauté sont dans le peuple.

Mégabyse défend l’oligarchie et fait siens les arguments d’Otanès contre la monarchie mais juge la démocratie comme le pire des régimes. Il n’y a rien de moins sage ou de plus hubristique, dit-il, qu’une populace déchaînée, qui contrairement au tyran, ne sait même pas ce qu’elle fait. Il propose que ce soit une aristocratie qui gouverne la Perse car il est juste d’attendre les meilleures décisions des meilleurs citoyens, et nous sommes bien sûr de ceux-ci.

Darius défend la monarchie. Il soutient que pour comparer les trois régimes il faut envisager chacun d’eux dans sa meilleure réalisation possible. A ce niveau de perfection, le meilleur des monarques exercera une tutelle irréprochable sur le peuple, il veillera parfaitement aux intérêts de tous. De plus, contrairement à la démocratie, il sera garder secret tous les projets contre les ennemis ; le régime monarchique est l’aboutissement obligé des deux autres régimes. La démocratie, d’une part ne peut échapper à la corruption, laquelle à terme conduit à restaurer une forme de tyrannie. L’oligarchie, d’autre part, fait se combattre tôt ou tard ceux qu’elle avait unis, jusqu’au triomphe total d’un maître unique.

Otanès, suite au ralliement des quatre autres conjurés à l’opinion de Darius, puisqu’il a été décidé que seul un régnera et qu’il ne veut ni gouverner ni être gouverné, se retire et sa maison est alors restée la seule famille perse libre et pleinement indépendante.

1.5.2 THUCYDIDE ET SA CONCEPTION DE L'HISTOIRE

Dans la « Guerre du Péloponnèse », livre I, l’Archéologie – avec ce récit de ce qu’ont été les temps les plus anciens de la Grèce, la conception de l’histoire de Thucydide se caractérise par trois éléments :

1) l’histoire de l’humanité et une progression aussi bien dans le domaine matériel et technique que pour ce qui est de la puissance accumulée. Cette progression semble appelée à se poursuivre.

2) on peut trouver dans les affaires humaines des constantes ; aussi les rapports entre collectivités humaines sont essentiellement des affrontements de centres de puissance où les forts dominent toujours les faibles. Dans ces conditions, s’il est vrai que l’on peut toujours constater des progrès matériels – dans l’organisation des puissances, l’armement, la construction des navires de guerre, dans la tactique militaire, etc ; - il ne saurait être question de progrès « moral ». Il y a dans l’histoire humaine des facteurs d’irrationalité immanente, et donc d’imprévisibilité, qui tient à la nature des choses et des actions humaines qui ne sont pas, comme le dit Hérodote, destin, de la moira, de l’envie des dieux.

3) développée dans l' « Oraison funèbre » de Périclès ; la poleteia des athéniens est présentée comme un accomplissement unique dans l’histoire de l’humanité mais n’est jamais décrite comme une réalité statique, achevée et laisse cette description ouverte à d’autres accomplissements, approfondissements, amplifications…

1.6 MONDE ANCIEN/MONDE MODERNE

La grande supériorité de la pensée politique grecque sur ce qui a suivi c’est que la question de la force a toujours été là comme présupposé fondamental.

1.6.1 DIFFÉRENCES DES CONCEPTIONS POLITIQUES du monde ancien et du monde moderne/Etat

Chez les anciens, l’Etat possédait tous les droits qui n’avaient pas été explicitement accordés aux individus ; chez les modernes, l’individu possède tous les droits sauf ceux auxquels il a explicitement renoncé au profit de l’Etat.

Benjamin Constant : « Le but des anciens étaient le partage du pouvoir social entre tous les citoyens d’une même patrie. C’était là ce qu’ils nommaient liberté. Le but des modernes est la sécurité dans les jouissances privées ; et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ces jouissances. »

1.6.2 LES TROIS IMAGINAIRES POLITIQUES MODERNES

L’imaginaire de la rationalité (décrit notamment par Hannah Arendt) : il y a des experts de la chose politique auxquels le peuple délègue son pouvoir. Cela aboutit à une contradiction triviale, immédiate des systèmes soi-disant démocratiques avec choix des meilleurs experts de la chose publique par un peuple ne pouvant juger de rien et auquel on a enlevé tout moyen de juger.

L’imaginaire de la garantie des jouissances demandé à l’Etat (énoncé par Benjamin Constant, « De la liberté chez les modernes ») : « Tout ce que nous demandons à l’Etat, c’est la garantie de nos jouissances.»

L’imaginaire de l’égalité et de la liberté (philosophie politique anglaise à partir de Locke) : cette idée de liberté et d’égalité naturelles implique une notion de propriété individuelle, de propriété de droits antérieurs à toute institution. Seule importe cette sphère naturelle des droits personnels et la société civile prend alors le sens de société privative.

1.6.3 DÉFINITION DE LA RÉVOLUTION

La meilleure définition que l’on puisse donner de la révolution à l’époque moderne serait la reconstitution de l’unité politique de la société dans l’action.

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