Droit Constitutionnel

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Sommaire

1 Droit Constitutionnel, 1ère année

1.1 Introduction

Le droit public s’oppose par définition au droit privé.
Il est constitué par l’ensemble des règles de droit (juridiques) régissant l’Etat et les relations qu’entretiennent l’Etat et les personnes privées.

Au sein du droit public on distingue :

- Le droit international public, qui régit les relations entre les Etats.
- Le droit public interne, qui lui-même se subdivise en deux composantes :
Le droit constitutionnel
Le droit administratif = droit régissant les administrations et les relations entre les administrations et les personnes.



Le droit constitutionnel est relatif à la Constitution. Le problème est que l’on peut définir la Constitution et donc ce droit de deux manières distinctes :

Tout d’abord d’un point de vue matériel (on va alors se pencher sur son contenu, quel est l’objet du droit)
Ensuite d’un point de vue purement formel.

D’un point de vue matériel, on peut parler ici du droit qui va régir l’organisation de l’Etat, c’est-à-dire la désignation des personnes qui vont exercer le devoir de l’Etat (les organes de l’Etat), mais également le fonctionnement de l’Etat (fixe les compétences de ces organes et les relations qu’ils entretiennent). Ex : En France, qui du Président ou du 1er ministre dirige la nation ?
D’un point de vue formel, on évoquera alors l’intérêt de la forme de ce droit. Celui-ci contient l’ensemble des règles se trouvant au sommet de la hiérarchie des règles juridiques (encore appelée hiérarchie des normes). Ces règles sont en général regroupées dans un texte particulier que l’on nomme la Constitution.

On observe une organisation en pyramide des règles juridiques :

Organisation en pyramide des règles juridiques.png




Dans cette pyramide :

Au sommet, on retrouve les règles ayant la valeur juridiques la plus forte.
Plus on descend, plus les règles ont une valeur moindre : elles doivent respecter les règles qui leurs sont supérieures.

Ainsi le droit constitutionnel est le droit suprême dans l’Etat, droit que les autres règles juridiques doivent respecter.

Le spécialiste du droit constitutionnel (= constitutionnaliste) ne peut se contenter de se reporter aux textes (lire et analyser les Constitutions des Etats) car il doit également prendre en compte la mise en application qui en est faite.
La pratique correspond à la manière dont la règle inscrite est appliquée.
Est-ce que cette règle est bien appliquée ? Peut-être bien appliquée, contournée, voire violée, suivant l’interprétation et la mise en application qu’en font les organes de l’Etat.

L’importance de la pratique en droit constitutionnel s’explique par deux raisons :

- Le régime politique dans un Etat, dont les règles essentielle sont fixées par la Constitution, va fonctionner différemment selon le système de partis politique (ou système partisan) prévalant dans cet Etat. En clair cela dépend à la fois du nombre et des caractéristiques des partis politiques qui animent la vie politique de cet Etat. Ex : on ne peut comprendre le régime présidentiel américain, ou encore le régime parlementaire britannique, si on n’intègre pas la notion de bipartisme politique.
- De plus, on remarque également l’absence de contrôle du respect de ce droit constitutionnel par quel qu’instance qu’il soit. Ainsi le droit constitutionnel est un droit sans contrôle juridictionnel, et en cela diffère des autres branches du droit : le plus souvent, il n’existe pas de tribunal ou de juridiction (= tiers impartial extérieur aux parties en présence) qui puisse imposer le respect de la règle écrite. Ex : en France, répartition des compétences entre Président et 1er ministre, les deux têtes de l’exécutif, parfois pas très claire. Si contentieux entre les deux parties (notamment en cas de cohabitation), aucun tribunal pour traiter un litige quelconque.


Donc pas de contrôle juridictionnel, mais mouvement au sein des démocraties libérales allant dans le sens de la mise en place d’un tribunal constitutionnel, qui imposerait le respect de la règle écrite. Mais ce dernier voit sa compétence limitée, not. en France (Cours Constitutionnelle).

Quels sont les intérêts du droit constitutionnel ?

Il encadre la vie politique d’un Etat : les acteurs de cette vie politique (organes ou partis) vont se servir du droit constitutionnel pour faire prévaloir leurs idées.
Simplement pour le fait que le droit constitutionnel correspond au droit « suprême » au sein d’un Etat ; L’étude des autres branches du droit implique une connaissance du constitutionnel, car elles doivent en respecter les prescriptions.

1.2 La théorie générale de l’Etat

Tout nouvel Etat apparaissant sur la scène internationale, ou tout ancien Etat souhaitant réviser ses institutions, voit se poser à lui différents choix :

Quelle forme d’Etat mettre en place ? Unitaire ? Régional ? Fédéral ?
Comment le respect de la Constitution va t’il être garanti ? Mise en place d’une Cours Constitutionnelle ?
Quel régime politique ? Parlementaire ? Présidentiel ? Mixte ?



Pour aider cet Etat à répondre à ces questions, on relève un certain nombre de techniques constitutionnelles.
Ces techniques reposent sur des principes dégagés au cours des siècles. Ex : Le principe de la séparation des pouvoirs.
La théorie générale de l’Etat se propose de faire l’inventaire de ces techniques et d’étudier les principes qui les fondent.

1.3 Titre 1 : L’Etat

1.3.1 Chapitre 1 : La notion d’Etat

Le terme Etat peut admettre plusieurs sens :

Peut correspondre avec le pouvoir central (sens restrictif), s’opposant au pouvoir décentralisé (collectivités locales ou territoriales). En France, les collectivités sont : les communes, :les départements, les régions et les C.O.M. (Collectivités d’Outre-mer).
Peut également être assimilé au gouvernant, aux pouvoirs publiques dans leur ensemble ; s’oppose par la même aux gouvernés de la société civile.
Peut enfin se définir comme une société politique organisée, cadre dans lequel s’exerce un phénomène d’autorité particulier : le pouvoir politique.

1.3.1.1 Section 1 : Les conditions d’existence de l’Etat

Trois conditions se posent :

Une population
Un territoire
Un gouvernement effectif
1.3.1.1.1 §1 : La population

Correspond à la substance humaine de l’Etat.
L’Etat est avant tout une communauté humaine.

Le terme population n’est pas utilisé par hasard : en l’occurrence, c’est un terme neutre. Il n’implique pas que les individus la composant présentent des caractéristiques communes. Au contraire, on note des différences importantes (OND la culture, de la religion, de la langue,...) entre individus.
Toutefois, pour que l’Etat survive dans le temps, est constaté qu’il est quand même nécessaire qu’un intérêt général puisse être dégagé au-delà des intérêts particuliers. Ainsi, « les individus doivent croire que ce qui les unis l’emportera sur ce qui les distingue ».

Nous évoquerons maintenant deux notions voisines : nation et peuple.

1.3.1.1.1.1 A – Etat et nation

Peut-on prétendre que l’Etat ne peut exister si la population qui le compose ne forme pas une nation ?

  • 1) La nation, « vouloir vivre collectif »

La nation, à la différence de la population, correspond à une idée, une représentation que se font les individus de l’ensemble auquel ils appartiennent.
La population regroupe les êtres physiques ; la nation est plus exigeante, car elle suppose l’existence d’un sentiment de solidarité entre les individus qui la compose, leurs inspirant la volonté de vivre ensemble.
-> « Un rêve d’avenir partagé », disait Ernest Renan.

Mais d’où provient-il ?
2 conceptions de la nation :

L’une objective, insistant sur la géographie, ou encore la langue, tout du moins sur des données « concrètes ». Certains se sont même basés sur l’idée de race ; mais cette dernière est une référence dangereuse, car cette distinction reste scientifiquement infondée et a servi des objectifs politiques plus que condamnables. Ainsi, Hitler entendait faire coïncider race aryenne et nation allemande.
L’autre subjective, qui va davantage insister sur éléments culturel, religieux, des souvenirs communs, en un mot sur la communauté de civilisation qui s’est crée au cours d’une histoire commune.



La nation est une entité réunissant les personnes en vie a un moment donné sur un territoire, mais également les morts et les générations suivantes : notion qui plonge ses racines dans le passé et porteuse d’une représentation de l’avenir.

  • 2) L’Etat ne suppose pas forcement l’existence d’une nation

Dans la réalité, l’Etat peut ne pas coïncider avec la nation, mais ce constat n’empêche pas de penser que l’existence préalable d’une nation est une condition non pas de l’Etat en général (population), mais d’un Etat durable, et que l’idéal réside dans leur coïncidence.
Cet idéal était poursuivi par le mouvement des nationalités, mouvement de pensée qui a dominé l’Europe dans la seconde moitié du XIXème. Egalement à la base du principe juridique du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, reconnu par le droit international contemporain.
Et d’ailleurs toute l’histoire de l’Europe, et également des autres continents depuis la fin du XVIIIème, est d’ailleurs marquée par l’émancipation des nations, et l’apparition d’Etats nouveaux pour gérer leurs destins.
On s’est aussi demander si malgré les différences qui séparent les peuples européens, il pourrait un jour exister une nation européenne, sur laquelle un Etat fédéral européen pourrait s’appuyer.

Lorsqu’il y a réalisation de cet idéal (= coïncidence entre nation et Etat), on peut affirmer, selon A. Esmein, « que l’Etat est la personnification juridique d’une nation ».

Force est de constater que les exemples de non coïncidence sont nombreux :

1er cas de figure : les nations peuvent être divisées, déchirées entre plusieurs Etats ; c’était le cas depuis 1949, et du fait de la guerre froide, de la nation allemande avant la réunification des deux Allemagne de l’Est et de l’Ouest ; tel est toujours le cas de la nation coréenne, ou encore de la nation kurde.
Les Etats peuvent également plusieurs groupes nationaux, et dans ce cas la on parle d’Etats pluri nationaux. Ex : L’Inde, ou encore U.R.S.S. ou Tchécoslovaquie avant.

Plusieurs devenirs possibles pour ces Etats :

Vie en commun favorise la naissance progressive d’une nation, et ce malgré les frontières et les regroupements parfois arbitraires. Mais espoir souvent déçus (not. OND des Etats africains, aux frontières arbitraires), car souvent compo de sociétés plurales, à la recherche d’une unité, d’une identité nationales.
Histoire commune peut également s’achever dans la séparation, soit de façon douce (Tchécoslovaquie, ou encore de l’U.R.S.S.), soit de façon violente, après une guerre civile (Yougoslavie et son éclatement).



Il existe une forme d’existence de l’Etat qui permet de laisser s’exprimer les différences nationales, dans le cadre de l’Etat lui-même : unité dans la diversité. C’est l’Etat dit fédéral.

1.3.1.1.1.2 B) Etat et peuple
  • 1) Le peuple : définition générale

Peuple = entité qui est a la fois plus que la population et moins que la nation.
Plus que la population parce que le peuple possède les mêmes qualités de la nation, car les personnes formant un peuple sont unies par un lien particulier. Mais moins que la nation car ne comprend que les personnes vivant à un moment donné, quand la nation unie en un tout le présent le passé et le futur.

Il existe un droit reconnu par le droit international contemporain, mais qui dans la pratique actuelle des Etat ne vise que les possessions coloniales, c’est le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
En vertu de ce droit chaque peuple a droit s’il le souhaite à former un Etat indépendant.
Ce principe est posé de façon générale à l’Art 1er, §2 de la Charte des Nations Unies, traité fondateur de l’ONU. Mais n’éclaire qu’en apparence.
En effet son application a posé et pose encore de redoutables difficultés :

La difficulté d’identifier concrètement un peuple, de qualifier une population donnée de peuple ; à partir de quel seuil une population présentant certaines caractéristiques communes et qui a des aspirations communes peut elle être qualifiée de peuple ?
Ex : France = il y a à l’intérieur du peuple français un peuple kanak, en New-Calédonie, reconnu par la Constitution ; mais doit on admettre qu’il existe un peuple réunionnais, un peuple corse, ou encore un peuple alsacien, etc. ...
Tendance des Etats en place à vouloir éviter non seulement toute dislocation de leur territoire mais également la perte d’une partie même très limitée de leur territoire censée abriter un peuple spécifique.
Ex : France à propos de la Nouvelle-Calédonie, réticente, même si le processus d’accès à l’indépendance de ce territoire a été relancé.

Ces difficultés expliquent pourquoi les Etats se sont mis d’accord dans les années 60 et dans le cadre de l’ONU, de restreindre le champ d’application de ce principe aux seuls peuples colonisés, peuples qui ont été soumis contre leur gré à une domination étrangère.
Il a paru très dangereux de reconnaître à tout groupe social qui fait partie de la pop d’un Etat constitué, mais qui présente certaines caractéristiques propres, un droit à l’autodétermination, donc un droit à former s’il le souhaite un Etat indépendant.
Risque d’un tel droit sans limites ? Celui d’enclencher un processus indéfini de désintégration des Etats formant la société internationale. Car chaque groupe social est lui-même constitué de sous groupes.
Lorsque ce droit est conçu sans limite, il ne peut être qu’un facteur d’anarchie, de contestations des Etats en place et donc de violence entre les individus.

  • 2) Notion de peuple français dans la Constitution du 4 octobre 1958

Depuis la Révolution française, la Constitution républicaine mentionne comme peuple français l’ensemble des citoyens français. C’est le cas de la Constitution de 58 : elle débute (Préambule, al. 1) d’ailleurs par l’affirmation selon laquelle « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme, aux principes de la souveraineté nationale, ... » ; mais dès l’alinéa 2, le pluriel est utilisé à propos des territoires d’Outre-mer et au principe de la libre détermination qui leur est reconnu.
Question : que faut-il entendre par territoire d’Outre-mer au sens de cette disposition ?
Ces territoires ne sont pas constitués par l’ensemble des territoires français ultra marin (= séparé de l’hexagone par la mer), mais uniquement par certains d’entre eux. Ne sont concernés a priori les anciennes colonies françaises qui se sont vue offrir la possibilité de devenir indépendantes en 58, mais qui ont choisi de rester au sein de la République française.
A l’heure actuelle, il s’agit d’abord de la Nouvelle-Calédonie, qui a désormais un statut spécifique, et ce depuis une révision de la Constitution de 1998 qui lui a consacrée un titre spécifique (Titre 13 de la Constitution) ; accord de Nouméa a été constitutionnalisé, accord reconnaissant l’existence et l’identité du peuple kanak.
Egalement le cas sans doute pour la Polynésie française, ainsi qu’un autre archipel : Wallis-et-Futuna. Ces territoires sont actuellement des COM (Collectivités d’Outre-mer, ancien TOM). Cette qualification ne vaut pas a priori pour les DOM, soit la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, et la Guyane.

Mais interrogation sur les contours exacts de cette notion de territoire d’outre-mer.
La révision de la Constitution de 2003, relative à l’organisation décentralisée de la République, a maintenu l’alinéa 2 du préambule, mais en revanche dans l’art 72-3, concernant tous les Outre-mer français, on ne mentionne que les populations d’outre mer qui sont reconnues par la République au sein du peuple français.

En résumé, actuellement, en dehors de la Nouvelle-Calédonie et des territoires visés par l’al. 2 du préambule, il n’existe donc selon Constitution qu’un peuple : le peuple français, et non pas plusieurs peuples.




Cette question de l’existence de peuples distincts au sein du peuple français s’est également posée à propos de la Corse dans les années 90.
A cette époque, l’Art 1er d’une loi relative au statut de la Corse votée par le Parlement, mentionnait « le peuple corse, composante du peuple français » ; et en tant que peuple spécifique, la collectivité qu’il représente se voyait reconnaître des droits particuliers liés à l’insularité de celui-ci.
PB : la Constitution française ne reconnaît qu’un seul peuple ; la reconnaissance par la loi d’un peuple corse même comme composante du peuple français était conforme à la Constitution ? Le peuple français est il composé de plusieurs peuples ?

Question posée au Conseil Constitutionnel, organe chargé de veiller à la conformité des lois face à la Constitution : il a considéré que cette reconnaissance violait la Constitution, et plus particulièrement deux principes qui y figurent à l’Art 1er :

Principe d’égalité des citoyens français devant la loi
Principe d’indivisibilité de la République

Il a affirmé, le 9 mai 1991, que la Constitution « ne connaît que le peuple français composé de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, ou de religion ». Il a interprété de façon restrictive la référence au peuple français dans la Constitution en excluant toute possibilité d’appartenance à un autre peuple.
Il a en revanche accepté le reste de la loi, c'est-à-dire la reconnaissance d’une spécificité corse.


1.3.1.1.2 §2 : Le territoire

-> délimité par des frontières.
Territoire n’est pas la propriété de l’Etat, mais simplement le cadre d’exercice de la compétence de l’Etat. C’est le cadre géo dans lequel les gouvernants exercent leur fonction.

Toute personne se trouvant sur le territoire de l’Etat va être soumise à la réglementation adoptée par les autorités de l’Etat

1.3.1.1.3 §3 : Le gouvernement effectif
1.3.1.1.3.1 A) Approche juridique : le pouvoir de contrainte

-> organisation politique qui exerce sur la population un pouvoir de contrainte dont elle a le monopole.
En d’autres termes, l’Etat est investi d’une puissance dite publique ; la caractéristique de cette puissance est de pouvoir s’imposer au besoin par la force à tous les citoyens, et de façon plus large à toute personne même étrangère se trouvant sur son territoire.

Il faut insister sur le fait que l’Etat est la seule collectivité à disposer de cette force de coercition, de contrainte : l’Etat dispose du monopole de la contrainte organisée sur son territoire.

1.3.1.1.3.2 B) Approche sociologique : la nécessaire légitimité du pouvoir

Max Weber, sociologue allemand début XXème, qui a dit : « Etat = communauté humaine qui dans les limites d’un territoire déterminé, revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime ».

Il apparaît quelques choses de nouveau : à coté de la contrainte apparaît la notion de légitimité. On peut penser que le simple recours à la force, caractéristique de l’Etat, ne suffit pas pour que le rapport de domination des gouvernants sur les gouvernés puisse exister, et surtout exister durablement.
Il faudrait en plus que l’Etat soit ressenti comme légitime par les personnes qu’il vise, c'est-à-dire qu’il soit consenti, accepté, perçu comme conforme par les personnes à leurs intérêts fondamentaux.

Si ce consentement n’existe pas, alors la moindre faiblesse des gouvernants sera exploitée par les gouvernés pour détruire l’Etat.

Dans son ouvrage Weber distingue trois fondements de la légitimité de l’Etat :

Tradition et/ou la religion qui jouent au profit des gouvernements de type monarchique.
La personnalité exceptionnelle du chef du gouvernement, le charisme d’un gouvernant, ses talents partic, qui bénéficient de pouvoirs charismatiques.
La raison, c'est-à-dire la croyance raisonnable en la légalité, la conformité au droit. Ce fondement prévaut dans les régimes fondés sur le droit, et en particulier dans les démocraties modernes.



Ces trois types peuvent jouer concurremment, ne sont pas exclusif les uns des autres, en particulier, il y a souvent une part de charisme qui fonde une partie du pouvoir exercé par les gouvernants.

1.3.1.2 Section 2 : Les caractères juridiques de l’Etat

1.3.1.2.1 §1 : L’Etat dispose de la personnalité morale

L’Etat est une institution, une organisation se distinguant à la fois des gouvernés et des gouvernants ; on dit que celui-ci est une personne morale, n’est donc pas une personne physique ; en revanche existe dans l’ordre des réalités juridiques.
Idée de personnalité morale en droit a été inventée afin de donner une existence et surtout une capacité juridique à des groupements d’individus qui poursuivent un intérêt légitime. En d’autres termes, dans le but de permettre à des groupements d’être titulaires de droits et d’obligations.
Ex : Sociétés commerciales, associations, collectivités locales, Communauté Européenne, ... = personnes morales.

L’Etat est une personne morale de droit public, ce qui également le cas des communes, des départements, des régions et des établissements publics. On les distingue des personnes morales de droit privé que sont les associations et les sociétés commerciales.

Intérêt double de l’attribution de la perso morale à l’Etat :

La personne de l’Etat ne se confond pas avec celle de ses dirigeants. Progrès qui a marqué la société politique a consisté à institutionnaliser le pouvoir politique, à le dissocier progressivement de la personne de ceux qui commandent pour le confier à l’Etat. En d’autres termes, le pouvoir n’appartient plus à la personne des gouvernants, ceux-ci sont des organes de l’Etat qui sont titulaires d’une compétence accordée par le droit de l’Etat, et vont exercer leur pouvoir au nom de l’Etat.
->Cela veut dire que les décisions qu’ils vont prendre vont l’être au nom de l’Etat, et le patrimoine financier de l’Etat ne doit pas être confondu avec celui personnel des gouvernants.
->Ceci explique également que l’Etat survive à la personne de ses dirigeants.
Lui confère la capacité juridique, c'est-à-dire la possibilité d’être titulaire de droit et d’obligations. Comme les particuliers, il peut donc être propriétaire de biens, il peut engager sa responsabilité, conclure des contrats, ...



L’Etat n’est pas la seule collectivité qui dispose de la personnalité morale, mais il est la plus importante de toutes ces personnes morales, et ceci en raison du second caractère juridique de l’Etat : la souveraineté.

1.3.1.2.2 §2 : L’Etat est souverain

Souveraineté = seul caractère juridique spécifique à l’Etat.
Elle peut s’exercer selon deux ordres juridiques distincts : l’ordre juridique interne d’un coté, l’ordre juridique externe ou international de l’autre.

  • 1) L’ordre juridique interne

Dans les relations que l’Etat entretient avec les sujets de droits formant sa population, l’Etat est dit souverain au sens ou le pouvoir qu’il exerce n’est pas subordonné.
3 caractéristiques différentes :

Pouvoir originaire ou initial : l’Etat ne tient son pouvoir que de lui-même, et il est à la source de l’ordre juridique, du droit s’appliquant dans l’Etat.
Il est également inconditionné, non soumis à des conditions : l’Etat peut adopter des ormes et agir librement si nécessaire au moyen de la contrainte. Il n’a pas à respecter des règles qui lui seraient extérieures.
Il est suprême, il n’existe aucun pouvoir supérieur à l’Etat.
  • 2) L’ordre international

Les relations que l’Etat entretient avec les autres Etats qui forment la société internationale.
L’Etat est souverain en ce sens qu’il est indépendant. Dans cet ordre, le pouvoir de chaque Etat n’est pas illimité, car la souveraineté de chaque Etat se heurte à la souveraineté des autres Etats.

Souveraineté a une signification négative, c'est-à-dire qu’elle signifie qu’un Etat ne peut se voir imposer aucune obligation, qu’elle émane d’un autre Etat ou d’une organisation internationale, s’il n’y a pas consenti.
Condition importante, car un Etat peut très bien accepter de limiter sa souveraineté future, c'est-à-dire sa faculté de décider librement à l’avenir, en concluant des traités, ou en devenant membre d’organisations internationales, qui vont lui imposer des obligations particulières.
Respect de la souveraineté d’un Etat exige seulement que l’Etat consente à ces limitations futures.
Ex : La France lorsqu’elle a décidé de créer la Communauté Européenne.

1.3.2 Chapitre 2 : Les formes de l’Etat

On distingue les Etats selon leur degré d’unification juridique.

Est-ce qu’il existe une ou plusieurs sources de droit dans l’Etat, et si il en existe plusieurs, comment s’articulent-elles ?

1.3.2.1 Section 1 : L’Etat unitaire

L’Etat dans ce cas là, l’Etat est unique, il n’y a qu’un Etat, et ses organes disposent de la totalité des compétences étatiques.
Ces compétences sont exercées principalement au moyen de règles juridiques applicables sur l’ensemble du territoire, comme les lois.

Mais distinction entre Etats unitaires centralisés et Etats unitaires décentralisés.

1.3.2.1.1 §1 : L’Etat centralisé

Les organes dirigeants de l’Etat exercent dans ce cas sans partage toutes les compétences de l’Etat, soit directement, soit par le biais de représentants locaux.
Dans cette hypothèse, aucune autre personne publique n’existe en dehors de l’Etat (pas de collectivités territoriales).

Nouvelle distinction, car deux types de centralisation : Etat concentré et k’Eta déconcentré.

1.3.2.1.1.1 A – Etat concentré

On parle d’Etat concentré lorsque la concentration du pouvoir est totale, en clair que toutes les décisions sont prises par le pouvoir central.
Ce qu’il n’y a pas, c’est que l’Etat n’est pas représenté au niveau local par des agents que le pouvoir central aurait nommé et qui seraient soumis à son autorité.
Le pouvoir central cumule tous les pouvoirs de décisions.

Inspire deux réflexions :

Forme d’Etat sera plutôt le fait de régimes autoritaires que de régimes libéraux, car elle témoigne d’une méfiance à l’égard du partage du pouvoir.
Forme très rarement retenue, ne pouvant exister durablement que dans des micro-Etats : risque de mener à la paralysie de l’appareil administratif de l’Etat, parce que le nombre de décisions nécessité par la vie quotidienne d’un pays est très important, et les bureaux de l’administration de la capitale risquent d’être submergés par le nombre de dossiers à traiter. Et même si risque envisagé et les moyens d’y parer, système présente deux défauts majeurs : lenteur de processus de décision, et risque d’inadaptation des décisions prises aux situations particulières qu’elles ont pour objet de réglementer (distance entre capitale et domaines d’application).
1.3.2.1.1.2 B – Etat déconcentré

Dans celui-ci, le degré d’unification juridique est déjà moindre, parce que l’exercice des compétences est partagé entre les organes administratifs centraux et les services extérieurs de l’Etat (ou organes déconcentrés).

Rôle de ces services = représenter le pouvoir central au niveau local, c'est-à-dire à l’intérieur d’une circonscription territoriale donnée.
Présentent trois caractéristiques :

Ne sont composés que d’agents nommés par le pouvoir central
Sont soumis à un devoir d’obéissance hiérarchique : doivent obéir aux ordres du pouvoir central.
Sont révocables, démis de leur fonctions, par le pouvoir central à tout moment.


Ex : En France, le préfet = autorité déconcentré par excellence, car représente l’Etat dans la circonscription administrative qu’est le département.

Ce système de la déconcentration présente plusieurs avantages, notamment par rapport au concentré :

Une plus grande efficacité de l’Etat, dans la mesure où l’Etat multiplie les centres de décisions ; on évite ainsi un engorgement du pouvoir central en particulier pour les questions « accessoires », qui seront traitées au niveau local.
Rapproche l’administration de ses citoyens : problèmes locaux pourront être traités au niveau local, permettant une meilleure connaissance des dossiers, et donc a priori une meilleure adéquation entre problèmes et mesures prises.
-> Ce rapprochement a tout de même des limites : dans un Etat ne pratiquant que la déconcentration, les autorités locales sont tenues d’appliquer les ordres du pouvoir central, et ne disposent d’aucune autonomie.
-> Cette limite explique que les démocraties préfèrent un système mixte combinant déconcentration et décentralisation. C’est le cas de la France.



Le système de la décentralisation permet de confier des compétences à des personnes morales distinctes de l’Etat, qui jouissent d’une autonomie réelle.

1.3.2.1.2 §2 : L’Etat décentralisé

Dans un Etat dit décentralisé, le degré d’unification juridique est encore élevé (car toujours unitaire), mais moindre par rapport à déconcentration.

Exercice des compétences de l’Etat est partagé entre l’Etat et des personnes morales de droit public distinctes de l’Etat, appelées collectivités locales ou territoriales (exercent leur pouvoir sur une certaine circonscription territoriale).

NB : Le système de l’Etat décentralisé est un système intermédiaire entre l’Etat purement déconcentré sans décentralisation, et un Etat fédéral

Présente plusieurs caractéristiques qui lui sont propres, mais on peut noter qu’il existe des degrés dans la décentralisation : cela veut dire que la décentralisation peut être plus ou moins poussée selon les Etats, ou alors pour un même Etat selon les époques.
C’est le cas en France : la décentralisation, datant du XIXème, a été approfondie par diverses lois intervenues depuis 1982 (notamment la loi du 2 mars 1982, relative au droit des collectivités locales, mais également la révision de la Constitution du 28 mars 2003, relative à l’organisation décentralisée de la République).
Quelles sont ces caractéristiques ? :

Le titulaire de la compétence au niveau local : les organes des collectivités locales doivent nécessairement être issus de l’élection. Ex : En France, les communes sont administrées par un conseil municipal élu au suffrage universel par la population de la commune, et par un Maire élu par le Conseil municipal.
Différence essentielle avec la déconcentration, où l’autorité locale est nommée par le pouvoir central et demeure sous sa dépendance.
Le titre de la compétence qui est reconnue aux collectivités locales : titre = base juridique, ou le texte qui établit la compétence des collectivités locales. Ce texte correspond à la loi : les compétences sont déléguées aux collectivités décentralisées par la loi, c'est-à-dire par un acte qui est voté par le Parlement, et non pas par la Constitution elle-même (Etat fédéral).
Les attributions confiées aux collectivités pourront être modifiées par le législateur (= le Parlement), c'est-à-dire soit étendues, soit diminuées, voire supprimées.
-> Mais affirmation à nuancer : il existe en effet des Etats dans lesquels le principe même de l’existence d’une décentralisation est reconnue par la Constitution. Et dans ce cas, la loi se contente de fixer l’étendue des compétences et le mode d’exercice de celles-ci, parce que ces points ne sont pas précisés par la Constitution. Ex : La France = lorsqu’on se reporte à l’Art premier de la Constitution française, il est indiqué que l’organisation de la République est décentralisée. Par ailleurs, l’Art. 72, al. 1er dispose que « les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’Outre-mer ». L’al. 3 précise encore que « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus ».
-> Le législateur est donc compétent pour poser les règles applicables à cette matière, mais il ne peut pas diminuer la marge d’autonomie des collectivités locales au point de supprimer la décentralisation, tout simplement parce que cette suppression constituerait une violation de la Constitution. En d’autres termes, cela veut dire qu’en France, la décentralisation est garantie par la Constitution.
La nature des compétences exercées par ces collectivités : dans un Etat décentralisé, les compétences sont plutôt restreintes : il ne s’agit pas de compétences législatives (ne peuvent adopter des lois), ni même de compétence gouvernementale, car ces compétences sont exercées par l’Etat central. Ces compétences se réduisent à l’administration des affaires locales, c'est-à-dire la seule gestion des espaces sur lesquels ces collectivités sont localisées.
Les règles adoptées localement sont dites conditionnées, car ne peuvent être adoptées, crées qu’en application de règles nationales préalables. Ex : Art. 72, al. 3 de la Constitution, les collectivités s’administrent dans les conditions prévues par la loi.

Ces compétences même restreintes peuvent toutefois être étendues par la loi, ce qui explique l’ampleur plus ou moins poussée de la décentralisation.

La 4ème caractéristique concerne les modalités d’exercices des compétences reconnues aux collectivités. Les collectivités disposent d’une certaine autonomie dans l’exercice de leur fonctions, mais celle-ci n’est pas illimitée dans la mesure ou elles restent soumises à un contrôle de l’Etat qui est appelée la tutelle administrative. Ainsi Art. 72 al. 6 de la Constitution qui dispose : « dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’Etat a la charge des intérêts nationaux du contrôle administratif et du respect des lois ».
Ce contrôle peut être plus ou moins contraignant : au minimum il s’agit d’un contrôle de la légalité, de la conformité au droit des mesures prises par la collectivité, en particulier aux règles émises par le pouvoir central ; mais ce contrôle peut être plus contraignant, dans la mesure ou il peut s’agir d’un contrôle de l’opportunité des décisions adoptées par la collectivité : c’est le contrôle de savoir si les décisions sont adaptées aux circonstances, elles doivent concilier de façon adéquate les différents parties en présence.
Contrôle exercé par soit les autorités déconcentrées, soit lorsqu’il ne s’agit que d’un contrôle de la légalité par les tribunaux administratifs
Et c’est le cas depuis la loi de 1982 en France, ou légalité vérifiée par TA, pouvant être saisis par les autorités déconcentrées.
Ce contrôle est toujours moins contraignant que le contrôle hiérarchique qui s’exerce à l’égard des autorités déconcentrées.



Deux remarques :

D’abord, la décentralisation est liée à l’idée démocratique, parce qu’elle permet à des groupes politiques minoritaire à l’échelon national mais majoritaire à l’échelon local, d’influer directement sur les règles qui leurs seront appliquées.
La différence existant entre la déconcentration et la décentralisation est une différence de nature : la nomination n’équivaut jamais à l’élection.



En revanche la différence entre Etat décentralisé et Etat fédéral n’est quant à elle qu’une différence de degrés : un Etat unitaire très décentralisé peut ressembler fortement à un Etat fédéral fortement centralisé, c'est-à-dire un Etat dont les Etat membres ne disposent que de faibles pouvoirs.

1.3.2.2 Section 2 : Les Etats composés

Dans un Etat composé, le degré d’unification juridique est encore moindre que dans l’Etat décentralisé. Dans ce cas là, l’Etat est composé de plusieurs entités se présentant comme des Etats, mais dépouillés de certains de leurs attributs, et entre lesquels il existe des liens d’union.
Actuellement = deux sortes d’Etat composés, se distinguant par le degré de rigidité du lien unissant les différentes composantes.

1.3.2.2.1 §1 : La confédération d’Etats

C’est une association d’Etats, qui sur le fondement d’un traité, ont choisi d’exercer un certain nombre de compétences par l’intermédiaires d’organes communs.
Cette association présente quatre caractéristiques :

Lien juridique unissant les Etats = traité international, ou pacte confédéral. Doit recueillir le consentement unanime de tous les Etats pour entrer en vigueur et pour être modifié.
Structure mise en place : les organes confédéraux mis en place par le traité sont peu évolués ; en général, il n’existe qu’un seul organe confédéral permanent : le conseil confédéral, composé non pas de députés élus par la population, mais de représentants des Etats membres nommés par leurs gouvernements respectifs. Cet organe statue pour l’essentiel à l’unanimité, critère fondamental de la confédération d’Etats : chacun des Etats conserve un droit de veto, et donc peut s’opposer à l’adoption d’une décision qui recueillerait pourtant le consentement de tous les autres Etats membres.
De plus exécution des décisions confédérales est confiée aux Etats membres : n’existe alors ni administration ni police confédérale, il appartient à chacun des Etats le devoir d’exécution des décisions prises au niveau confédéral.
Compétences : sont en général limitées au relations internationale (diplomatie et guerre) ; en effet, dans l’histoire, les confédérations d’Etats ont été le plus souvent des unions défensives militaires, c'est-à-dire que si les Etats concernés acceptaient d’exercer en commun des compétences, c’est parce qu’il leur fallait lutter contre un danger commun extérieur.
Ex : Confédération américaine, 1777 et jusqu’en 1787, elle a regroupé les treize anciennes colonies d’Amérique du Nord devenue des Etat à la suite de la déclaration d’indépendance de 1776. ::Cette confédération est née de la volonté de ces Etats d’unir leurs forces pour imposer leur indépendance à la Grande-Bretagne. La guerre, commencée en 1775, s’achèvera en 1783 par la signature du traité de Paris, par lequel la GB reconnaitra l’indépendance de ses anciennes colonies.
Chacun des Etats membres conserve le droit de se retirer de la confédération. Ce droit est appelé droit de sécession.



L’examen de ces caractéristiques montre que l’intégration des Etats membres est faible. On peut même se demander si une telle association d’Etats mérite la qualification d’Etat composé, car les Etats membres ont conservé leur souveraineté interne et internationale ; ils ont seulement accepté sur une base strictement égalitaire, d’exercer certaines compétences en commun.
Il est probablement plus pertinent de considérer que la confédération n’est pas un Etat souverain, mais davantage une alliance d’Etat à caractère permanent.

La confédération est une construction fragile qui ne connaît souvent qu’une existence temporaire.
Deux schémas d’évolution possible :

La confédération se transforme en Etat fédéral ; et c’est le cas lorsque les Etats veulent approfondir et rendre durable le lien qui les unit.
Ex : La confédération américaine s’est transformée en 1787 en un Etat fédéral : les Etats-Unis d’Amérique. On peut imaginer que sera peut être le destin de l’UE, sur la base de traités successifs conclus depuis le Traité de Rome en 1957. Actuellement, l’UE, en raison de ses spécificités, échappe à toute classification : elle a dépassée à certains égards le niveau élémentaire de la confédération, mais par ailleurs ne remplit pas en totalité les critères de l’Etat fédéral. On constate néanmoins que les différents traités (notamment Maastricht 1992) ont chaque fois renforcé l’intégration européenne.
La question de la transformation de l’UE en un véritable Etat fédéral = très controversée, car dissensions ; de toute façon ce sont les peuples qui choisiront.
Mouvement inverse : de la rigidité vers davantage de souplesse ; dans ce cas là c’est la confédération elle même qui va succéder à l’Etat fédéral. Ex : La Belgique
1.3.2.2.2 §2 : L’Etat fédéral

Est un Etat qui est composé de plusieurs entités qui sont elles mêmes qualifiées d’Etat, et entre lesquelles existent des liens d’union.

N’est pas fondé sur un traité international, mais sur un acte de droit interne, c'est-à-dire sur une Constitution.
L’entité instituée par cette constitution est un véritable Etat souverain formé de plusieurs entités étatiques inférieures, appelés collectivités ou Etats fédérés.

Seul l’Etat fédéral est souverain, parce que les Etats fédérés ont renoncé à leur souveraineté pour s’intégrer dans l’ensemble fédéral. En d’autres termes, les Etats fédérés sont des Etats d’un type particulier, puisqu’ils ne sont pas souverains.

Origine des Etats fédéraux = deux types :

Le fédéralisme par association, ou par agrégation : dans ce cas là, l’Etat fédéral résulte de l’union d’Etat au préalables souverains ; et souvent processus passe par le stade intermédiaire de la confédération. Ex : Les Etats-Unis
Le fédéralisme par dissociation, résultant de la dislocation d’un Etat unitaire qui va accepter de reconnaître à ses collectivités des compétences étatiques. Ex : récent de la Belgique, en 1994.
1.3.2.2.2.1 A – Les caractéristiques de l’Etat fédéral

Pour savoir si un Etat donné est un Etat fédéral, il faut rechercher si les différents principes suivant sont réunis dans la constitution de cet Etat :

  • 1) Superposition des ordres juridiques : dans l’Etat fédéral, il existe deux niveaux étatiques qui se superposent, celui de l’Etat fédéral se situant à un niveau supérieur et celui des Etats fédérés. Chacun de ces Etats produit des règles juridiques, c’est pourquoi ce sont également des ordres juridiques distincts qui se superposent et qui vont s’appliquer au citoyen de l’Etat fédéral.

Le droit de l’Etat fédéral, dont le champ d’application recouvre l’ensemble des territoires des Etats fédérés.
Les droits des différents Etats fédérés, dont le champ d’application est restreint à leur seul territoire.
Ex : Les Etats-Unis = si l’Etat fédéral compte 50 Etats fédérés, il y aura 50 droits différents s’appliquant dans certaines matières aux seules personnes des territoires de ces Etats. Avec la conséquence qu’un citoyen américain va être soumis à la fois a l’ordre juridique fédéral, mais également à l’ordre juridique de l’Etat fédéré dans lequel il se trouve.
Cependant certaine hiérarchie entre ces ordres juridiques, qui va permettre de résoudre d’éventuels conflits survenant entre les règles qui les composent. Il ya dans certains cas un conflit de normes : pour résoudre ce type de conflit, les Constitutions des fédéraux posent le principe : « Le droit fédéral l’emporte sur le droit des Etats fédérés ». Signifie que la loi fédérale prime sur les lois fédérées contraires qui pourront être annulées et disparaître de l’ordre juridique.
Ex : L’Art ; 6 al 2 de la Constitution américaine dispose : « Les lois de Etats-Unis sont la loi suprême du pays et les juges dans chaque Etat seront liés de ce fait nonobstant toute disposition contraire dans la Constitution ou les lois de l’un quelconque des Etats ».
Deux niveaux étatiques hiérarchisés : le niveau fédéral qui est englobant, et le niveau fédéré qui est englobé.

  • 2) Le principe de participation : signifie que les Etats fédérés vont participer à la formation des décisions de l’Etat fédéral, et donc à l’élaboration de la politique fédérale. Et c’est pour permettre cette participation que les collectivités fédérées sont représentées en tant que tel dans les organes de l’Etat fédéral.
    • a) La participation au pouvoir législatif

La technique la plus importante permettant de ménager une participation des Etats fédérés à l’exercice du pouvoir législatif au niveau fédéral est le bicamérisme ou bicaméralisme.
Veut dire que dans les Etats fédéraux, le Parlement fédéral qui exerce le pouvoir législatif est composé de deux chambres (= bicamérisme) :

Première chambre = chambre de la population, représente celle-ci dans son ensemble ; fondée sur le principe démocratique de l’égalité des citoyens devant le suffrage. Chaque Etat y envoie des représentants en nombre proportionnel de sa population (aux Etats-Unis = Chambre des représentants ; en Allemagne = Bundestag).
Seconde chambre = chambre des Etats, particulière aux Etats fédéraux. Représente les Etats fédérés, et fondée sur le principe de l’égalité des Etats (Sénat aux Etats-Unis et le Bundesrat en Allemagne). Les Etats sont représentés sur une base égalitaire, quelques soient les différences pouvant exister entre leurs populations respectives : pour respecter l’égalité des différents Etats qui ont renoncé à leur souveraineté, et également la volonté d’éviter l’oppression des petits Etats par les grands.



Cette égalité est plus ou moins stricte selon les Etats fédéraux : le plus souvent mathématique dans les Etats fédéraux les plus anciens (exemple des Etats-Unis, où chaque Etats envoi deux représentants). Se comprend au regard des exigences fédérales, mais est choquante au regard des exigences démocratiques : ainsi l’Etat de l’Alaska, peuplé de 780 000 personnes, possède autant de représentants que l’Etat de New-York qui voit sa population portée à 20 000 000 de personnes !!!
Et cette égalité est corrigée au sein des Etats fédéraux récents, apparus au XXème siècle : le nombre de représentants de chaque Etat va varier en fonction de l’importance de la population au sein des différents Etats, mais seulement dans une faible mesure (cas de l’Allemagne).

Les pouvoirs des chambres représentant les Etats varient selon les Etats fédéraux : selon les Etats, le bicamérisme est soit égalitaire soit inégalitaire.
Egalitaire lorsque les pouvoirs reconnus à la chambre des Etats (en particulier pour l’adoption de la loi) sont identiques à ceux reconnus pour la chambre de la population.
Inégalitaire, avec deux variantes possibles : Soit inégalitaire en faveur de la chambre des Etats (celle-ci dispose de pouvoirs plus importants que ceux attribués à la chambre de la population).

C’est le cas au Etats-Unis, mais pas ce qui concerne l’adoption de la loi (les pouvoirs sont alors égalitaires) ; mais le Sénat dispose de pouvoir sup en matière de ratification des traités et nomination des hauts fonctionnaires.
En revanche dans les Etats fédéraux récents, le bicamérisme est le plus souvent inégalitaire au détriment de la chambre des Etats ; cas de l’Allemagne, dans la mesure où le Bundesrat a des pouvoirs en matière d’adoption de la loi moins importants que ceux du Bundestag.
    • b) La participation au pouvoir constituant

Le pouvoir constituant = pouvoir d’adopter et de réviser la Constitution.
L’Etat fédéral est fondé sur une constitution, et en général, celle-ci ne peut être modifiée qu’avec l’accord d’une majorité renforcée d’Etats fédérés (= majorité des 2/3, ou des 3/4, ...). Cela veut bien dire que les Etats fédérés participent à l’exercice du pouvoir constituant.
Avec la conséquence que la procédure de révision de la Constitution d’un Etat fédéral est souvent très lourde, ce qui protège les Etats fédérés.

Le consentement unanime des Etats fédérés n’est pas nécessaire, cela veut dire qu’un Etat fédéré peut très bien se voir imposer une modification de la Constitution fédérale qu’il ne souhaite pas.

Différence avec la confédération : le droit de sécession est en général interdit par la Constitution, ce qui montre bien que les Etats fédérés ont perdu leur souveraineté originelle au profit de l’Etat fédéral.

    • 3) Le principe d’autonomie :

En vertu de ce principe, les Etats fédérés disposent d’une autonomie renforcée :

Vont établir leur propre constitution
Disposent d’un parlement propre, qui adoptera leurs propres lois
Un pouvoir exécutif qui les appliquera
De tribunaux propres qui pourront être saisis en cas de litige.



Les collectivités fédérées exercent les différentes fonctions étatiques (exécutif, législatif et judiciaire).
Ne se contentent pas comme les collectivités décentralisées d’administrer les affaires locales, c'est-à-dire d’exécuter la loi adoptée par le pouvoir central.

a) Le champ d’exercice de l’autonomie

L’exercice de la fonction constituante :

Les Etat fédérés élaborent leur propre Constitution, par la compétence d’auto-organisation : ils peuvent ainsi se doter librement d’organes et de procédures de décisions propres.
Chaque Etat fédéré dispose de sa propre constitution qui peut différer de celle de son voisin.
Cette prérogative d’auto-organisation est parfois limitée par la constitution fédérale ; ainsi aux Etats-Unis les Etats sont tenus d’adopter un gouvernement de forme républicaine, fondé sur l’élection.

L’exercice de la fonction législative :

Les Etats fédérés exercent également la fonction d’adoption des lois ; cela veut dire que dans un Etat fédéral, à côté des lois fédérales adoptées par le parlement fédéral, il existe également des lois adoptées par chaque les parlements des Etats fédérés et s’appliquant sur son territoire.
Ce qui est fondamental, c’est que dans un Etat fédéral, c’est la constitution fédérale et non pas la loi qui réparti les compétences entre l’Etat fédéral et les fédérés en matière législative.
Ainsi certaines matières vont relever de la compétence fédérale, tandis que d’autres vont relever des Etats fédérés. Les matières les plus importantes sont en général de la compétence de l’Etat fédéral, en particulier les affaires étrangères, la défense ou encore l’économie, alors que les matières de second ordre relève des fédérés (culture, enseignement ou audiovisuel).



Il existe deux systèmes de partage des compétences entre les deux niveaux étatiques, les plus fréquemment appliqués :

La constitution va énumérer les compétences fédérales, ce qui veut dire que toutes les autres matières relèveront des Etats fédérés.

Dans ce cas, les compétences de l’Etat fédéral sont dites d’exception ou d’attribution, alors que celles des fédérés sont dites de principe.

Ce système est a priori favorable aux Etats fédérés, car toutes les matières leur reviennent à l’exception de ce qui est énuméré. Mais plus la liste des exceptions s’allonge plus le système prend alors une autre signification qui va profiter à l’Etat fédéral.
La constitution va énumérer à l’opposé les compétences des Etats fédérés : dans ce cas là c’est à l’Etat fédéral que reviendra la compétence de principe, les Etats fédérés disposant de l’exception (cas du Canada).
Dernier système, plus complexe, parfois utilisé par certains Etats : dans ce cas là, il existe non seulement un domaine réservé aux Etats fédérés et un domaine réservé à l’Etat fédéral, mais également un domaine intermédiaire où s’exercent des compétences concurrentes. Dans ces matières, l’Etat fédéré peut légiférer tant que l’Etat fédéral n’a pas décidé d’adopter une législation fédérale uniforme.
Pratiqué en Allemagne.



b) Garantie de l’autonomie

L’Etat fédéral met le plus souvent en place via sa Constitution un tribunal constitutionnel, dont l’une des fonctions sera de veiller au respect de la répartition des compétences entre les différents niveaux.

De façon plus générale, cet organe a pour mission de trancher tous les conflits d’interprétation de la Constitution susceptibles d’opposer l’Etat fédéral à l’un de ses membres, ou les Etats fédérés entre eux.

Il faut bien retenir que cet organe est un organe fédéral, pouvant être soit spécialisé dans les affaires constitutionnelles (ce qui est le cas en Allemagne), soit se confond avec les tribunaux de droit commun, c'est-à-dire avec les tribunaux qui seront compétents pour trancher d’autres litiges (cas aux Etats-Unis, avec la Cour Suprême).

Un Etat fédéral ne peut pas survivre sans juge de la constitutionnalité des lois, quelles soient fédérées ou fédérales.
Un tel Etat ne peut pas vivre sans un tribunal chargé de réguler les relations entre niveaux supérieur et inférieur. En d’autres termes, il y a une nécessité structurelle à se doter d’un tel organe, pour ce type d’Etat.

Ce constat ne vaut pas pour les Etats unitaires : lorsque qu’un Etat unitaire met en place une cour constitutionnelle, c’est pour d’autres raisons, en particulier assurer les droits fondamentaux.


1.3.2.2.2.2 B – Tendances récentes du fédéralisme

Ce qu’on a constaté à partir des années 90, c’est une très nette tendance des Etats fédéraux de l’ancien bloc soviétique à l’éclatement suite à l’effondrement du système communiste.
Ex : L’U.R.S.S, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, ... et menace à l’identique les autres Républiques de l’ex U.R.S.S

En revanche les Etats fédéraux pluralistes connaissent sauf exception (la Belgique notamment) une tendance à la centralisation des pouvoirs au profit de l’Etat fédéral.
Différents facteurs expliquent cette tendance :

L’aspiration à l’égalité entre les personnes, caractéristique du XXème siècle, qui va dans le sens de l’unification des règles applicables dans un Etat.
Les crises économiques et les guerres ayant jalonnées le XXème, entrainant un plus grand interventionnisme de l’Etat fédéral, en particulier en matière économique et sociale : l’Etat fédéral est devenu un Etat Providence.
L’importance de la politique étrangère, essentiellement monopolisée par l’Etat fédéral.



Question : Savoir comment une telle évolution favorable à l’Etat fédéral a-t-elle pu se produire, alors que la répartition des compétences est fixée par la Constitution fédérale, et que son respect est garanti par le tribunal constitutionnel ?

Deux cas de figures :

Dans les Etats fédéraux les plus anciens, cette évolution a été permise grâce à la jurisprudence des tribunaux ; en effet les Constitutions sont souvent des textes courts, et donc imprécis. ::Ces tribunaux ont donc du interpréter la Constitution, et on constate que cette interprétation a souvent joué en faveur des compétences de l’Etat fédéral.
C’est justement le cas au Etats-Unis : dans la Constitution américaine, les compétences de l’Etat fédéral sont énumérées, et la compétence de droit commun appartient aux fédérés ; or en général, on voit que lorsqu’une autorité dispose d’une compétence d’exception, on interprète restrictivement les compétences d’exception, et donc largement la compétence de principe. Mais aux USA, Cour Suprême a interprété de façon large les compétences de l’Etat fédéral.
Dans les Etats fédéraux plus récents, comme l’Allemagne, ce sont les Constitutions elles mêmes qui accordent une plus grande place à l’Etat fédéral.
Les Constitutions les plus récentes ont pris en compte cette tendance de longue durée, qui va dans le sens de la diminution des prérogatives des collectivités fédérées.
Dans ces Etats là, les exigences de participation et d’autonomie sont certes respectées, mais elles le sont moins nettement : par exemple le bicamérisme est plus inégalitaire au détriment de la chambre des Etats, ou alors les compétences des Etats fédérés sont plus restreintes.
Exemple de l’Allemagne, dont la Constitution de 1949 met en place un Etat fédéral ayant parfois été qualifié « d’Etat fédéral unitaire » pour bien mettre en lumière la prépondérance de l’Etat central.
Ce fédéralisme est alors très proche de la décentralisation assez poussée qui existe dans certains Etats unitaires qu’on appelle des Etats régionaux (Espagne, Italie, Portugal).

1.4 Titre 2 : La Constitution

Il faut savoir que les premières Constitutions écrites sont récentes : datent de la fin du XVIIIème siècle.
Sont nées de la volonté des courants politiques libéraux de limiter l’arbitraire du pouvoir, à l’époque royal, en imposant aux gouvernants le respect d’une charte fondamentale qui fixerait les règles relative à la transmission et à l’exercice du pouvoir.

Cette doctrine favorable à l’élaboration de Constitution porte le nom de Constitutionnalisme ; et pour les tenants de cette doctrine, la Constitution est en tant que tel un instrument de limitation du pouvoir étatique et de garantie des droits fondamentaux des gouvernés.
Conserve toujours sa force aujourd’hui, mais doit être complétée.
En effet pour que le pouvoir soit effectivement limité dans un Etat (pas simplement théoriquement), il ne suffit pas qu’existe une Constitution, car celle-ci n’est qu’un texte : il faut en plus qu’elle soit respectée par les gouvernants.

C’est pourquoi des moyens ont été imaginés afin de contraindre ces gouvernants à respecter effectivement les limitations prévues.


1.4.1 Chapitre 1 : La notion de constitution

1.4.1.1 Section 1 : La double notion de constitution : constitution formelle et matérielle.

Pour étudier la constitution on peut se placer de deux points de vue et privilégier soit une approche matérielle soit une approche formelle de la constitution.

1.4.1.1.1 §1) La constitution matérielle

Définition : C’est l’ensemble des règles qui gouvernent l’organisation et le fonctionnement de l’Etat, c'est-à-dire la désignation des personnes qui exercent ce pouvoir, leurs compétences et leurs rapports mutuels. Mais également les droits et libertés qui sont reconnus aux personnes.
Cette constitution matérielle comprend différents textes.
1er texte : la constitution au sens formel du terme. C’est un texte qui ne peut et ne doit pas tout régler de ces questions en particulier de l’organisation de l’Etat. Il est préférable que la Constitution soit un texte relativement court et concis, qui ne se perde pas dans les détails et reste suffisamment général. Ces détails s’ils étaient introduits dans la constitution risqueraient de compromettre à la fois sa portée symbolique et sa chance de durer.
Où trouve-t-on ces règles de détails ? Dans d’autres textes : dans les lois organiques. Leur fonction est de préciser les règles constitutionnelles. Leur adoption est le plus souvent soumise à des règles de procédures plus contraignantes que celles applicables aux lois ordinaires en raison de l’importance de leur objet. Depuis 1958 en particulier les lois organiques doivent être obligatoirement soumises au Conseil Constitutionnel avant leur entrée en vigueur pour que celui se prononce sur leur conformité à la constitution.
Les lois ordinaires. En France par exemple c’est une loi ordinaire qui fixe le mode de scrutin des assemblées.
Les règlements des assemblées : on y trouve des règles relatives à l’organisation et fonctionnement des pouvoirs publics. Ils complètent, précisent, la constitution, pour tout ce qui concerne l’organisation interne des assemblées et le travail parlementaire. Il faut les distinguer des règlements qui sont des actes administratifs de portée générale adoptée par l’exécutif (le gouvernement en général). Ces règlements des assemblées sont adoptés dans les régimes démocratiques sous forme de résolution par chacune des assemblées. Ils prévoient par exemple dans le détail toute la procédure législative. On peut préciser à propos de la France que depuis 58 ces règlements doivent être obligatoirement soumis là encore au Conseil Constitution avant leur adoption ou leur modification ce qui permet d’assurer leur conformité à la constitution.
C’est cela la constitution matérielle, une définition large de la constitution, elle intègre toutes les règles qui concernent l’organisation et le fonctionnement de l’Etat quels que soient les textes dans lesquels on trouve ces règles (les « sources »).
Cette définition large n’est pas la plus courante, car on parle plutôt de la définition de la constitution formelle.

1.4.1.1.2 §2 : La constitution formelle.

Les règles les plus importantes relatives à l’organisation et fonctionnement de l’Etat sont en général contenues dans un document écrit qui a des caractéristiques et porte le nom de Constitution. C’est la constitution au sens formel, qui est le plus courant. Cette définition est plus étroite parce que la Constitution au sens le plus courant est un document écrit qui comprend l’ensemble des règles qui ne peuvent être modifiées que conformément à une procédure spéciale (en général lourde et contraignante), et qui ont par conséquent une valeur juridique supérieure à toutes les autres règles de droit. On dit encore que la constitution est située au niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes. On peut donc imaginer que l’ensemble des normes en vigueur dans un Etat forment une pyramide, les normes supérieurs étant situées au sommet de cette pyramide, et plus on descend vers la base de cette pyramide plus les normes ont une valeur inférieure et à ce titre doivent être conformes aux normes qui leur sont supérieures. Au sommet de cette pyramide : il y a la Constitution au sens formel.
Il faut ajouter que en général plus une norme se situe à un niveau élevé dans la hiérarchie plus la règle est importante et plus sa procédure d’adoption et de révision sera en conséquence contraignante.

1.4.1.2 Section 2 : Le contenu des Constitutions.

Elles comprennent d’une part les règles de fonctionnement et d’organisation de l’Etat mais également des déclarations des droits.

1.4.1.2.1 §1) Les règles d’organisation et de fonctionnement de l’Etat.

Elles constituent le noyau dur des Constitutions. On y trouve particulièrement les règles qui déterminent la forme de l’Etat, les règles qui organisent la participation du citoyen à l’exercice du pouvoir. Et enfin, on trouve les règles qui répartissent les pouvoirs entre les différents organes mis en place : parlement gouvernement etc. … Elles forment le contenu même de ce cours.

1.4.1.2.2 §2) Les déclarations des droits.

La plupart des constitutions ne commencent pas par énoncer les règles d’organisations et de procédures qui régissent l’Etat. En tête des constitutions on trouve le plus souvent un texte qui regroupe diverses dispositions, intitulé « Déclaration des Droits » ou « Préambule ». Ce texte expose la philosophie politique du régime, en particulier quelle est la source du pouvoir (démocratie = le peuple) et énonce les droits et libertés reconnues aux personnes. La déclaration la plus célèbre c’est la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen adoptée par l’Assemblée Nationale en 1789 et qui a été placée en tête de la première Constitution française celle de 1791.
Elle comporte 17 articles, le premier est le plus célèbre puisqu’il dispose que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Cette déclaration affirme l’égalité des personnes et leur reconnait par ailleurs un certain nombre de droits qui sont résumés à l’article II : la liberté, la propriété, la sûreté (le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement) et enfin la résistance à l’oppression. Ces différents droits sont explicités dans les différents articles de la DDHC. Elle ne se contente pas d’exposer ces droits mais pose aussi un principe fondamental : le principe de la souveraineté nationale.
Il faut savoir qu’en France actuellement il y a deux préambules qui jouent un rôle important en plus de la DDHC :

Le préambule de la Constitution française actuelle bien sur (4 oct 58) qui commence par la disposition suivante : « Le peuple français proclame solennellement sont attachement aux droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la déclaration de 1789 confirmés et complétés par le préambule de la constitution de 1946 ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004. Ce préambule est court, et pour ce qui concerne des droits de l’homme il renvoie à deux textes antérieurs : la DDHC et le préambule de la Constitution de 1946 sur laquelle était fondée la 4° république. Il renvoie également à un texte adopté postérieurement : le Charte de l’environnement de 2004 qui a été intégrée par une révision récente de la Constitution (1er Mars 2005).
Le préambule de 1946. Il réaffirme lui aussi les droits contenus dans la déclaration de 1789 mais également ce qu’il appelle les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Pour l’essentiel il s’agit des principes qui ont été affirmés par les lois de la III° république de 1875 à 1940. Il proclame également comme « particulièrement nécessaire à notre temps » un certain nombre de principes politiques, économiques et sociaux. En particulier l’égalité des hommes et des femmes, le droit de grève, le droit syndical la gratuité de l’enseignement public à tous les degrés, le droit à la protection de la santé, le droit à l’emploi, aux loisirs, à la Culture, la sécurité sociale etc. …

De façon générale il existe deux formes de déclaration des droits :

Elles peuvent précéder l’article 1er et donc « le corps » de la Constitution qui comprend ses différents articles. Dans ce cas elle figure le plus souvent dans une première subdivision de la Constitution appelée  « préambule » et elles sont rédigées de façon littéraire.
Elles peuvent figurer dans le corps même de la constitution et elles sont alors rédigées sous la forme d’une énumération d’article = forme juridique. Dans ce cas là on parle de « garantie des droits ».
1.4.1.2.2.1 A. - Le contenu des déclarations des droits

Elles reflètent l’idéologie politique de leur temps. Cela apparaît nettement lorsque l’on compare les multiples déclarations rédigées par les ≠ Etats depuis la fin du XVIII°.
Les déclarations de la fin du XVIII° et XIX° siècle reflètent la pensée libérale qui cherche à protéger l’individu contre l’Etat. Dans ces déclarations ce qui compte c’est l’individu et pas le groupe (en particulier la famille, l’association ou l’entreprise ne sont pas prises en compte). De plus, l’adversaire potentiel des libertés de l’individu c’est l’Etat. Les libertés qu’on trouve dans ces déclarations sont des facultés d’agir conférées aux individus, comme par exemple la liberté de pensée (de conscience, d’opinion), la liberté d’expression (de communication), liberté d’aller et venir, de la Presse ou encore de réunion, d’entreprendre… L’obligation qui pèse sur l’Etat est celle d’abstention, purement négative : l’Etat ne doit rien faire qui puisse entraver l’exercice de ces libertés. Elle a inspiré le plus fameux des textes française : la déclaration de 1789 en particulier article 10 (liberté d’opinion) et 11 (liberté d’expression). Ces droits sont appelés « droits de l’Homme de la première génération ».
Les déclarations des droits de la seconde moitié du XIX° et surtout du XX° siècle voudront instaurer une démocratie économique et sociale. Elles voudront aller plus loin que libéralisme économique et faire jouer à l’Etat un rôle positif. En particulier dans le domaine économique et social l’Etat ne devra pas s’abstenir mais au contraire intervenir pour procurer à tous la santé, l’éducation, la Culture, le travail mais également les loisirs etc. … Les individus vont conserver les droits de la première génération mais parallèlement attendent de l’Etat une intervention en matière économique et sociale. Les droits nouveaux sont ceux qualifiés de la « deuxième génération ». Certains de ces droits sont appelés des droits-créances, l’individu va disposer d’une créance envers l’Etat. Il va pouvoir exiger de la part de l’Etat une prestation positive (service public en général). Le premier d’entre eux c’est le droit à l’éducation, à l’enseignement, mais également à la sécurité sociale, à l’obtention d’une retraite ou le droit au travail, ou encore le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé étant précisé que ce dernier droit peut être considéré comme de la 3 génération parce qu’il n’est pas seulement exigible de l’Etat mais de la solidarité = de tous.
On voit également apparaître dans ces déclarations des droits collectifs : le droit de grève, ou le droit à l’épanouissement de la famille. Désormais dans ces déclarations la personne va être appréhendée, envisagée, dans les rapports sociaux qu’elle entretient, comme membre de groupes sociaux particuliers (famille, entreprise…) étant précisé que ceci aurait été impensable dans les déclarations de la première génération. En d’autres termes on est passé dans les déclarations de la prise en compte d’une personne abstraite, qui se contente de se déplacer de penser et de communiquer, à la prise en compte d’un individu concret : il doit travailler, il aspire à la connaissance, mais également au loisir, il est parfois malade et toujours il vieillit. Et justement, l’Etat moderne ne peut pas rester indifférent à cette situation, ces difficultés rencontrés dans la vie concrète et doit fournir à chaque individu des prestations positives. Ces droits de la deuxième génération sont apparus pour la première fois en France dans le préambule et le chapitre II de la Constitution du 4 Novembre 1848 (II° république) En revanche les lois constitutionnelles de 1875 qui forment la constitution de la III° République ne comportent en revanche aucune déclaration des droits. En France, ces droits seront consacrés dans la déclaration de 1946 sous la forme de principes politiques économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps. Ils seront complétés en 2005 du fait de l’ajout du droit de vivre dans un logement équilibré et respectueux de la santé et d’autres droits qui ont été inscrits dans la Charte de l’environnement.
Le Droit français actuel se réfère au droit de la 1°, de la 2° et même à certains égards de la 3° génération. Ces déclarations ont évolués en fonction des idées de leur temps.

1.4.1.2.2.2 B - La question de la valeur juridique des déclarations de droits.
  • 1) Les termes du débat.

La question de la valeur de ces déclarations est difficile : on peut y apporter deux réponses différentes.
On peut prétendre que les déclarations de droits sont la simple formulation de principes philosophiques ou moraux qui doivent inspirer l’action des gouvernants, les guider. En d’autres termes, elles seraient un simple exposé de principe ayant une valeur politique mais pas juridique. Elles ne constituent pas des règles juridiques et par conséquent ne sont pas obligatoires pour les pouvoirs publics.
A l’opposé, on peut également prétendre que les déclarations de droits sont de véritables règles de droits avec une valeur juridique : la même que les règles relatives au fonctionnement de l’Etat = une valeur constitutionnelle. Si l’on adopte ce point de vue, les déclarations sont obligatoires et leur respect va s’imposer au gouvernement.
Mais comment choisir entre ces deux propositions ?

1ère hypothèse, simple mais peu fréquente : celle où la Constitution règle d’elle-même cette question.
Il existe alors dans la Constitution un article qui affirme soit que la déclaration a une portée obligatoire, soit à l’opposé que les tribunaux ne sont pas compétents pour en imposer le respect.
Ex : Cas de l’Art. 92 de la Constitution de la IVème République ; valeur uniquement politique.
2ème hypothèse, la plus fréquente : le silence de la Constitution ne comporte aucune disposition explicite sur ce point.
Cas plus complexe car plusieurs raisonnement possibles=
Tenu surtout dans le passé, en partie à l’époque de la Révolution de 1789 ; consiste à prendre en compte la place de la déclaration dans le texte constitutionnel
D’un côté la déclaration et plus précisément les préambules ne sont pas intégrés dans la Constitution, précédant l’Art. 1er de celle-ci. Ce sont alors de simples textes introductifs expliquant l’esprit de la Constitution, de valeur purement politique. Ce qui conforte cette analyse, c’est le vague qui caractérise le plus souvent ces textes.
De l’autre, les garanties des droits figurant dans le corps même de la Constitution, rédigés sous forme juridique. En général les 1ers articles de la Constitution. Ils devraient alors se voir reconnaître une valeur juridique : il n’y a aucune raison de faire une différence entre les articles relatifs aux droits de l’Homme et les autres, relatifs à l’organisation et au fonctionnement de l’Etat.
Cette distinction est aujourd’hui dépassée : en effet la proposition précédente n’est plus soutenable.
Tout simplement parce que dans les régimes démocratiques contemporains les Constitution sont le plus souvent soumises à l’appréciation du peuple par le biais de référendums. Cela change que le lorsque le peuple approuve la Constitution, il le fait en bloc, sans distinction entre préambule et corps même de la Constitution.



Cette question de la valeur du préambule ne se pose que s’il existe une ou des juridictions chargées de contrôler la conformité à la Constitution des différents actes adoptés par les pouvoirs publics.
Ce sont ces tribunaux qui déclarent si le préambule doit être considérer comme ayant une valeur juridique.
Dans ce cas le préambule fait partie du bloc de constitutionnalité, et les tribunaux concernés se déclarent compétents pour imposer son respect aux pouvoirs publics.

  • 2) Les cas français : la réponse donnée par le Conseil Constitutionnel.

Décision du 16 juillet 1971 relative à la liberté d’association.
Un certain nombre d’arguments dans le sens d’une valeur politique de ce préambule :

1er argument = un texte court, peu précis, en particulier par le recours au terme « attachant », qui renvoie à un lien affectif plus qu’à la volonté de rendre un texte juridiquement obligatoire.
Ce préambule n’énumère pas lui-même les droits reconnus aux personnes. Se contente de renvoyer à des textes dans un 1er temps adoptés antérieurement à la Constitution.
Au moment de la rédaction de 1958, lors de ce que l’on appelle les travaux préparatoires, opérée sous l’impulsion du gouvernement du Général de Gaulle, cette question a été posée à un représentant du gouvernement qui a répondu par la négative : le préambule n’aura pas de valeur juridique.

Arguments dans le sens d’une valeur juridique

Le texte de la Constitution n’exclue pas le fait qu’on puisse lui attribuer une valeur juridique (ce qui était le cas par exemple de la Constitution de 1946). Le silence peut être interprété comme le permettant implicitement, pas d’interdiction.
L’Art.1er de la Constitution ne commence pas après fin du préambule, mais compris à l’intérieur du préambule ; ainsi le titre 1er relatif à la souveraineté ne commence qu’avec l’Art 2. Or cet Art 1er doit être considéré comme ayant une valeur juridique.
Le peuple français a approuvé par référendum en 1958 l’ensemble du texte y compris son préambule.

Réponse du Conseil Constitutionnel dans la décision du 16/07/1971. Il a opté pour la valeur juridique du texte et ce dans un contexte politique particulier : peu de temps après mai 68, le législateur avait tenté de remettre en question la liberté d’association instituée par la loi de 1901, dans le but de mettre de côté l’extrémisme de gauche. Mais le Président du Sénat, Alain Poher, inquiet d’une atteinte fondamentale, décida de saisir le Conseil Constitutionnel.

Et ce dernier a déclaré cette loi non-conforme à la Constitution et plus précisément à son Préambule.
=> Par cette décision, il confère donc une valeur constitutionnelle à la fois au préambule et aux textes auxquels il se réfère.

Grâce à cette décision (« seconde naissance du Conseil Constitutionnel »), la loi limitant la liberté d’association ne pourra pas entrer en vigueur.

Cette jurisprudence soumet les textes à venir au respect des textes et notamment du Préambule de 58.

Bloc de constitutionnalité :

Préambule de 58
DDHC de 1789
Préambule de 46
Charte de l’environnement de 2004

1.4.1.3 Section 3 : Constitution écrite et Constitution coutumière

1.4.1.3.1 §1 : Les Constitutions coutumières

-> sont essentiellement constituées de règles non écrites.

1.4.1.3.1.1 A – La prépondérance des règles non écrites

Une Constitution est dite coutumière lorsque les règles qu’elle comporte ne sont pas essentiellement établies par un texte, mais issues de la coutume, répétition constante de pratiques ayant acquises dans l’opinion générale une force obligatoire, force de droit.
Jusqu’au XVIIIème, les Constitutions des Etats sont quasi toutes coutumières : le droit constitutionnel est fondé sur des usages qui se sont dégagés au cours des siècles.
A l’époque moderne, disparition quasi-totale de celles-ci.
Avantage = solidité (!) dans la mesure où sec Constituions sont enracinées dans la mémoire collective des peuples.
Inconvénients :

Difficulté d’accès à ces règles, car ne sont pas regroupées dans un texte précis. On doit donc prendre connaissance des usages.
Manque de précision.
Manque de rigidité = cela veut dire qu’elles peuvent être modifiées facilement ; une loi parlementaire peut mettre fin à telle ou telle coutume pourtant répétée depuis des siècles.

Aujourd’hui, le seul grand Etat conservant une Constitution coutumière = Royaume-Uni.
Les règles les plus importantes du régime parlementaire anglais sont coutumières, en particulier celles imposant au monarque de choisir comme Premier ministre le leader du parti vainqueur des législatives.
De même, la règle prévoyant la responsabilité collective du gouvernement devant la Chambre des communes.
En Grande-Bretagne, on appelle ces usages des conventions de la Constitution.

1.4.1.3.1.2 B- L’existence résiduelle de règles écrites

Dans ces Etats, les règles coutumières = place prépondérante. Mais les textes n’en existent pas moins.
En Grande =-Bretagne, il y a des textes posant des règles constitutionnelles relatives non seulement aux pouvoirs publics, mais également aux libertés (= statut des gouvernés).
On peut ainsi citer la Grande Charte de 1215 prévoyant que le Roi ne peut prélever aucun impôt sans le consentement du Parlement ; ou encore l’Habeas corpus (= le droit sur son corps), daté de 1679, autorisant toute personne détenue à saisir un juge afin que celui-ci statue sur la légalité de sa détention.

1.4.1.3.2 §2 : Les Constitutions écrites
1.4.1.3.2.1 A – La prépondérance des règles écrites

Le constitutionnalisme a justement cherché par le biais de Constitutions écrites à enfermer l’exercice du pouvoir dans des limites.
En effet plus précis et plus facile d’accès.
La 1ère Constitution écrite ayant pour but de limiter les pouvoirs = celle de l’Etat américain de Virginie en 1776.

1.4.1.3.2.2 B – L’existence indiscutable de pratiques constitutionnelles

Dans les Etats régis par une Constitution écrite, les règles constitutionnelles sont contenues dans un ou plusieurs textes écrits.
Cela n’empêche pas que des usages, des pratiques répétées y apparaissent.
Complètent et parfois même contredisent les règles écrites.
Des pratiques qui viennent compléter ou interpréter la Constitution :

Les Constitutions sont des textes plus ou moins brefs et de toutes façon ne pouvant pas tout prévoir, surtout lorsque rédigées dans un passé lointain.
Conséquence = lacunes apparaissent, car questions ne se posaient pas à l’époque de la rédaction.
Vont être comblées soit par le juge constitutionnel, soit si pas de tel juge, par la pratique des pouvoirs publics.
Ces pratiques qui viennent s’inscrire dans la Constitution sont appelées « praeter legem ».

Les pratiques qui viennent contredire la Constitution :

Sont alors dites « contra legem ».
De telles pratiques ne peuvent se développer que s’il n’existe de tribunal compétent pour imposer une pratique conforme au texte.
Il ne faut pas oublier que ce sont les acteurs du jeu politique qui vont interpréter la Constitution.
Et leur tendance naturelle sera de le faire en leur faveur. Ceci peut aller jusqu’à la violation de la règle écrite.
Pour cela il suffit que les rapports de force du jeu politique soient favorable à cet organe et constater que si cela se prolonge, la violation pourra même se répéter.
En droit constitutionnel, il n’y a pas seulement le droit, mais également les faits.
Et il peut y avoir un décalage entre faits (Constitution réelle) et le droit (Constitution écrite).
Ex : En 1962, De Gaulle, Président de la République, dispose dans le pays d’une forte légitimité grâce à la résolution du conflit algérien (Accords d’Evian).
Il décide de soumettre directement au peuple un projet de révision de la Constitution visant à faire élire le Président de la République au suffrage universel direct.
Or l’Art. 89 de la Constitution de 58 impose pour toute révision de la Constitution le vote positif du Parlement au préalable.
En l’occurrence, la procédure choisie constituait une violation de la Constitution, car est passée par-dessus la tête du Parlement.
Il recommencera en 1969, en tentant de faire passer une autre révision mais sans succès car le peuple votera non.

Ces pratiques peuvent elles acquérir dès lors qu’elles sont répétées, une force obligatoire à côté ou à l’encontre de la Constitution écrite ?

La réponse apportée par la doctrine est en général négative ; seules les règles écrites ont une valeur obligatoire.
En d’autres termes, la coutume ne peut pas être une source de droit constitutionnel dans les états qui ont une Constitution écrite.
Plus précisément, pour ajouter une règle à la Constitution ou la modifier, il n’y a qu’une seule voie : c’est le respect de la procédure de la révision prévue par la Constitution.



Mais quand même : certains auteurs ou membres de la doctrine estiment qu’une coutume même contra legem peut être admise lorsque le peuple va donner son accord à cette pratique des pouvoirs publics et ce même en dehors des formes prévues par la Constitution.
Pourquoi ? Parce que le peuple dans une démocratie est le souverain, le pouvoir suprême.

C’est cet argument qui a été retenu par certain pour estimer que la violation de la Constitution commise par De Gaulle en 1962 et répétée en 69 qu’elle a pu donner naissance à une coutume constitutionnelle.
Cette coutume permettrait de soumettre directement au peuple, sans passer par le Parlement, et contrairement à l’Art 89 de la Constitution, un projet de révision de celle-ci.

1.4.2 Chapitre 2 : Les modalités d’établissement et de révision des Constitution.

1.4.2.1 Section 1 : L’établissement des Constitution

Deux questions se posent :

Qui établit la Constitution ?
Et Comment ?
1.4.2.1.1 §1 : Le pouvoir constituant originaire

C’est le pouvoir d’établir les règles constitutionnelles.
Son titulaire doit fixer le statut de l’Etat en mettant en place des organes dits pouvoirs constitués, et doit répartir les compétences de l’Etat entre ces organes.

Ce pouvoir a 2 caractéristiques :

Il est premier lieu originaire, ou encore initial, ce qui veut dire qu’il ne dérive d’aucun autre pouvoir.
En second lieu, ce pouvoir est sans limites, inconditionné dans la mesure où il n’est pas tenu de respecter des règles de droit positif.



Il ne va trouver à s’exercer que dans certaines circonstances particulières qui sont toujours des situations de vide juridique.
En effet seule l’existence de ce vide permet d’expliquer qu’un pouvoir sans limite puisse s’exercer temporairement.

Deux catégories de circonstances :

L’apparition d’un nouvel Etat : il peut s’agir soit d’un Etat qui s’est détaché d’un Etat antérieur (Ex des pays colonisés lorsqu’ils ont accéder à l’indépendance), ou encore lors de l’éclatement d’un Etat. Soit il s’agit d’un Etat constitué par agrégation de plusieurs Etats antérieurement indépendants les uns des autres.
Seconde hypothèse : dans un Etat donné, l’ordre juridique antérieur a été balayé, en général par la violence, ce qui veut dire que toutes les règles qui venaient encadrer ou limiter l’exercice du pouvoir ont disparu. C’est l’hypothèse de la révolution, ou encore du coup d’Etat ou bien dans certains cas celle de la guerre qui peut entrainer l’effondrement du régime politique antérieur. Dans ces hypothèses, il y a une mise entre parenthèses de la légalité, une chute du pouvoir légal, au profit d’un gouvernement de fait (s’opposant au gouvernement de fait).



Dans ces deux cas, il y a une situation de pur fait, éclipse de la légalité. Parce que la légalité ancienne est morte, elle n’est plus effective ; et la légalité future n’est pas encore née.
En d’autres termes, le pouvoir constituant originaire est un pouvoir de pur fait, qui échappe au droit.

Ex : Dans les colonies ayant acquis leur indépendance, le droit de l’ancien colonisateur n’était plus applicable, et il va alors appartenir aux leaders de l’indépendance d’élaborer une Constitution afin de fonder la légalité nouvelle.
-=>Situation de transition

Il s’exerce en dehors de tout cadre juridique, et même plus souvent en total rupture avec l’ordre juridique ancien : les institutions mises en place vont être le plus souvent radicalement différentes de celles qui leur préexistaient.

Ex : Ceci apparaît très nettement avec la Révolution française ; l’ordre juridique de l’Ancien Régime a été balayé par la Révolution et ce sont les Etats généraux qui se sont autoproclamés Assemblée Nationale en juin 89, puis Assemblée constituante en juillet 89. Ils représentaient alors le PCO, en élaborant la première Constitution française de 1791, fondée sur la séparation des pouvoirs.

Il est fondé sur la force : cette force il la tire au mieux de sa légitimité, du fait qu’il est accepté par la population, au pire il va la tirer de la violence dont il use.

C’est un pouvoir dont le droit doit constater l’existence, car il permet de comprendre ce qu’on appelle la dynamique constitutionnelle. Des changements de régime accompagnés de changement de Constitution vont s’opérer dans la rupture violente et non pas dans la continuité.
Mais c’est un pouvoir que le droit ne peut pas expliquer.

Ex : Imaginons un Etat africain dans lequel s’applique une Constitution ; a lieu un coup d’Etat. Dans ce cas, les auteurs de celui-ci vont décider d’élaborer une Constitution sans respecter la procédure de révision de celle qui était en vigueur.
Il y a donc rupture constitutionnelle et seule la violence (le coup d’Etat) peut l’expliquer.

1.4.2.1.2 §2 : Les techniques d’établissement des Constitutions

Ceux qui détiennent le PCO dans un Etat, c'est-à-dire les détenteurs effectifs du pouvoir politique, vont exercer ce pouvoir en fonction de la conception qu’ils ont du titulaire du pouvoir suprême, c'est-à-dire du souverain dans l’Etat.

Ils estiment que le souverain c’est eux.
Dans ce cas, ils exerceront eux le pouvoir de faire une Constitution. La technique d’élaboration est alors dite autoritaire.
La Constitution sera octroyée au peuple qui ne va pas participer à l’élaboration.
Ce mode d’établissement est celui choisi par les dictatures.

Autres alternative : les détenteurs temporaires estiment que le souverain c’est le peuple.
Conformément aux exigences démocratiques, l’exercice de ce pouvoir va être confié au peuple.
La technique d’élaboration est dite démocratique.

  • Cette participation du peuple peut se faire sous trois formes :

Forme 1 : L’Assemblée constituante souveraine :

Le peuple est invité par le gouvernement provisoire à élire une telle assemblée, chargée de rédiger et d’adopter définitivement la Constitution.
Procédé utilisé à plusieurs reprises en France, en particulier pour l’adoption de la Constitution de la IIIème République, puisqu’en 1871, c’est l’Assemblée nationale élue cette même année qui va élaborer et adopter définitivement les lois constitutionnelles de 1875 composant la Constitution.
Ce procédé a un avantage : il permet une large discussion des dispositions de la Constitution au sein de l’Assemblée.
Mais actuellement, c’est plutôt un autre système qui lui a été préféré.


Forme 2 : L’Assemblée constituante non souveraine :

Le peuple va élire une Assemblée constituante qui sera chargée d’élaborer une Constitution.
Mais cette Constitution n’entrera en vigueur que si le peuple l’approuve par le biais d’un référendum.
Le pouvoir souverain n’appartient donc pas aux élus mais bien au peuple.
Dans ce cas, l’Assemblée n’est plus souveraine, car elle partage le pouvoir constituant.
Utilisé en France pour l’élaboration de la Constitution de la IVème République ; ce qui est intéressant, c’est que le peuple en 1946 a rejeté le premier projet daté du 19 avril 1946 élaboré par la première Assemblée constituante élue en octobre 45. Une deuxième Assemblée a été élue, et c’est le projet élaboré par elle qui a été approuvé par référendum et qui est devenu la Constitution de 1946.
L’inconvénient de cette conception c’est bel et bien la lourdeur ; mais en revanche, le recours au référendum est une garantie très importante : ce système est donc plus démocratique que le précédent, dans la mesure où la discussion au sein de l’Assemblée ne reste pas confinée mais bien prolongée par une discussion dans tout le pays.


Forme 3 : Résulte cette fois de la collaboration d’une personnalité politique et du peuple :

Lorsqu’on recourt à ce procédé, le texte constitutionnel va le plus souvent être élaboré par la personnalité politique dominante dans l’Etat (le plus souvent le chef de l’exécutif provisoire ou gouvernement), pour être soumis au peuple par référendum dans un second temps.
Ce procédé est moins démocratique que les précédents a priori : tout simplement parce qu’aucune assemblée représentant le peuple ne dispose du pouvoir de discuter et éventuellement de modifier, d’amender le texte proposé.
L’unique pouvoir qui appartient au peuple, c’est celui de dire oui ou non à un texte sans possibilité intermédiaire. Donc oui ou non à la personnalité qui lui soumet ce texte, c'est-à-dire au pouvoir du leader du gouvernement.
Cette personnalité est donc déjà politiquement dominante dans l’Etat, et la Constitution risque fort de servir les intérêts de celle-ci.
Le peuple a ainsi tendance à répondre « oui ou non » non pas au texte en lui-même mais bien envers la personnalité qui l’a constitué.
On appelle ces référendums des plébiscites ; ils permettent souvent l’instauration de régime qui n’ont qu’une apparence démocratique, en réalité plutôt autoritaires.


Ex : Il faut savoir que sous réserve de certaines nuances, ce procédé a été utilisé en 1958 par De Gaulle pour l’élaboration de la Constitution de la Vème République ; c’est le projet élaboré par le gouvernement du Général De Gaulle qui a été soumis au peuple par référendum.

1.4.2.2 2 : La révision des constitutions

On peut évidemment se poser la question suivante : une Constitution pourrait elle rester en vigueur pour l’éternité ?
Bien sur que non, pour deux raison :

L’œuvre des Hommes n’est jamais parfaite ; et toute Constitution présentera des défauts
Et même si une Constitution devait être proche de la perfection, il n’empêche que les sociétés régies par ces Constitutions évoluent. Et c’est cette évolution qui risque de la rendre imparfaite.



Quelle conclusion en tirer : le constituant originaire doit prévoir dans la Constitution une procédure de révision de celle-ci. Il doit donner à un organe les moyens de remédier à ces imperfections.

1.4.2.2.1 §1 : Le pouvoir constituant dérivé ou institué PCD

Le pouvoir mis en œuvre lors d’une révision et l’autorité à laquelle appartient ce pouvoir est appelé PCD.

Il dérive de la Constitution, il est institué et mis en place par cette Constitution. Il va devoir s’exercer dans le cadre posé par cette Constitution.

En d’autres termes et à la différence du PCO, il est à la fois second et conditionné. Il doit respecter les conditions posées par la Constitution.

1.4.2.2.1.1 A – Distinction entre Constitution souple et Constitution rigide

Différence concerne la procédure de révision qu’elle prévoit, qui peut être plus ou moins facile à mettre en œuvre.

Constitution est dite rigide lorsque la procédure qu’elle prévoit pour sa révision est une procédure particulière qui est plus contraignante ou plus solennelle que la procédure prévue pour l’adoption des lois ordinaires.
Difficile à réviser.
Contraintes = variables. Il peut s’agir d’un délai particulier de réflexion à respecter avant l’adoption de la révision ; il peut s’agir de la réunion des chambres en une assemblée unique ; peut s’agir également d’une majorité renforcée à respecter ; peut s’agir d’une double intervention du Parlement e du peuple ; ou encore si l’Etat est fédéral, d’une double intervention du Parlement fédéral et des Parlements des Etats fédérés.
Pourquoi cette difficulté ? Il s’agit de garantir le caractère durable de la Constitution, en évitant des révisions trop fréquentes.
Révision = toujours un acte grave pour un Etat. Il faut éviter que les pouvoirs auxquels la Constitution a pour fonction de s’imposer puissent la modifier trop facilement.
Explique pourquoi dans les Etats fédéraux les Constitutions sont toujours des Constitutions rigides : on veut préserver les droits des Etats fédérés.
Par ailleurs les constituants qui souhaitent conférer des droits fondamentaux aux personnes et qui se méfient du législateur, adoptent également des Constitutions rigides. La Constitution française actuelle est rigide, dont la procédure de révision est organisée par l’Art. 89.

Une Constitution est dite souple lorsque sa révision n’est soumise à aucune procédure contraignante.
Soit la procédure est identique à la procédure législative ordinaire, soit elle s’en distingue mais reste globalement très facile à mettre en œuvre.
Les Constitutions coutumières sont le plus souvent des Constitutions souples.
C’est le cas de la Constitution du Royaume-Uni : elle peut être en théorie modifiée par un simple acte du Parlement. Mais en pratique les révisions sont quand même assez rares, car l’attachement du peuple à la tradition va conférer une certaine rigidité de fait aux Constitutions coutumières.
Il existe également des exemples de Constitution écrite souple : la Constitution de l’Etat d’Israël ou chinoise.
Ces constitutions souples ont un inconvénient : le fait que la supériorité théorique de la Constitution sur la loi ordinaire n’a dans ce cas là aucune conséquence pratique. Le Parlement peut modifier comme il l’entend la Constitution en adoptant une loi ordinaire ; ce système peut alors être dangereux, en particulier si la Constitution protège les libertés des personnes.
En d’autres termes que sur le plan juridique, la protection accordée aux droits des personnes est moindre dans un tel Etat que dans ceux qui ont une Constitution rigide.

1.4.2.2.1.2 B – Les limites à l’exercice du PCD

A coté des limitations de procédures, la Constitution peut prévoir d’autres limitations : en temps et/ou de fond.

Les limitations de temps :

Ont pour objet de limiter les révisions pendant certaines périodes ; peut valoir lorsque certaines circonstances qui permettent de douter de la légitimité d’une révision se produisent.
Ex : Art. 89 de la Constitution actuelle : interdit d’engager ou de poursuivre une révision lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire.



Les limitations de fond : objet = interdire que certaines dispositions de la Constitution soient révisées.

Art. 89 interdit de modifier la forme républicaine du gouvernement, étant préciser que la République c’est le régime politique fondé sur l’élection, s’opposant à la monarchie.
1.4.2.2.2 §2 : Les techniques de révision des Constitutions rigides
1.4.2.2.2.1 A – La révision partielle des Constitution

Révision partielle = seule une partie de la Constitution est modifiée. Le plus souvent plusieurs étapes.
Trois :

La phase de l’initiative : les organes qui disposent du pouvoir d’initiative, pouvoir de proposer une révision de la Constitution, varient selon les Etats.
Le plus souvent appartient à la fois au pouvoir exécutif et aux membres du Parlement.
Certaines Constitutions prévoient ce que l’on appelle une initiative populaire : c’est le cas en Suisse, mais également dans certain fédérés américains ; les citoyens vont pouvoir prendre eux-mêmes l’initiative de la révision, et la procédure va s’ouvrir par une pétition devant recueillir un nombre minimal de signature.
Deuxième phase : celle durant laquelle il va falloir prendre en compte l’initiative et qui va permettre de lui donner suite.
Appartient le plus souvent au Parlement.
C’est durant cette phase que va se situer la discussion du projet de révision, avec possibilité d’amendement.
En France c’est l’alinéa 2 de l’Art. 89 qui prévoit que le projet doit être adopté dans les mêmes termes par les deux Chambres.
Troisième phase : adoption définitive du projet, ratification de la révision.
Ce pouvoir est généralement attribué au peuple, mais pas toujours. En France c’est le cas, en vertu de l’Art. 89, al.3. Mais la Constitution peut prévoir une procédure alternative, en particulier pour les révisions de faibles importances.
L’Art. 89 prévoit que le chef de l’Etat peut décider, lorsqu’il s’agit d’un projet d’origine gouvernemental, de ne pas recourir au référendum, mais peut convoquer le Parlement en Congrès (réunion des deux chambres en France, siégeant exceptionnellement ensemble). Et la révision n’entrera alors en vigueur que si elle est approuvée par le Congrès à la majorité des 3/5.
1.4.2.2.2.2 B – La révision totale ou abrogation des Constitutions

C’est l’ensemble du texte qui va disparaître de l’ordre juridique.
Il existe :

L’abrogation par la violence ; dans ce cas là, la procédure de révision de la Constitution n’est pas respectée.
Autre technique d’abrogation des Constitutions : la révision abrogation.



La révision abrogation : la Constitution est abrogée, mais la procédure de révision prévue par la Constitution en vigueur est respectée ; il n’y a donc pas de rupture en apparence dans la légalité, et le pouvoir constituant qui va s’exercer est bien un PCD.

Le problème est que l’adoption de la nouvelle Constitution est le plus souvent précédée d’une révision de la procédure de révision de la Constitution en vigueur : cette révision initiale est extrêmement importante car elle a pour objet de modifier le titulaire du pouvoir de révision en le confiant à la nouvelle personnalité politique ou au nouvel organe dominant de l’Etat.
Dans cette hypothèse, deux étapes :

Une première révision modifiant le titulaire du pouvoir de révision.
Le nouveau titulaire de révision va abroger la Constitution et la remplacer par une autre.



Ce PCD est ainsi assez proche du PCO car il va s’exercer dans une situation de crise du régime, pour aboutir à une transformation totale des organes de l’Etat.
En apparence la transition est douce, les procédures sont respecter, mais en réalité la révision initiale montre que le régime traverse une crise grave, et seule une personnalité extérieure sera apte à le faire évoluer (c'est-à-dire à l’abandonner pour mettre en place un nouveau régime).

Ex :

En France, le régime de Vichy est né d’une révision abrogation de la Constitution de la Troisième République. A été permise par l’adoption de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 votée par les deux chambres du Parlement de la IIIème.
Ces deux chambres, quelques jours après la défaite face à l’Allemagne, ont utilisé leur pouvoir de révision de la Constitution non pas pour réviser la Constitution, mais pour se dessaisir de leur pouvoir et confier au gouvernement du Maréchal Pétain celui d’élaborer une nouvelle Constitution « garantissant les droits du travail, de la famille et de la patrie ».
La Vème République est également née d’une révision abrogation de la Constitution de 1946 : le Parlement de la IVème, dans une situation de crise du régime, par une loi constitutionnelle du 3 juin 1958 va confier au gouvernement du Général de Gaulle le pouvoir d’élaborer une nouvelle Constitution.

1.4.3 Chapitre 3 : La sanction des violations de la Constitution, le contrôle de constitutionnalité des lois

La Constitution = norme suprême, celle qui se situe au sommet de la hiérarchie des normes.
A ce titre elle s’impose à l’ensemble des autres normes qui lui sont subordonnées et qui doivent lui être conforme.
Mais cette supériorité ne sera effective que s’il existe à la disposition des personnes ou de certaines autorités un ou des moyens de sanctionner ou de faire sanctionner les éventuelles violations de la Constitution.

En l’absence de telles sanctions, la supériorité de la Constitution a toutes les chances de rester théorique, car rien n’empêchera les pouvoirs constitués de violer la Constitution.

: On peut distinguer les sanctions politiques des sanctions juridiques.

Sanctions politiques pouvant être infligées par les citoyens ou par l’un des pouvoirs constitués.
Exercice par les citoyens de leur droit de résistance à l’oppression
Ce droit de résistance a été consacré par plusieurs constitutions révolutionnaire, et fait partie du droit positif français, puisqu’il figure à l’Art. 2 de la DDHC en tant que droit imprescriptible de l’Homme.
L’exercice de ce droit se heurte à deux obstacles : cette sanction, quand exercée de façon violente ne va pouvoir être utilisée qu’en dernière nécessité, et uniquement en cas de violation très grave de la Constitution. De plus, l’insurrection contre les institutions est pénalement sanctionnée ; et ces sanctions pénales s’appliqueront si l’insurrection échoue ; en d’autres termes l’insurrection doit réussir sous peine d’être réprimée judiciairement.
Destitution du chef de l’Etat ou des ministres
Va les obliger à quitter le pouvoir. Pourra être opérée en cas d’abus flagrants par ces organes, notamment en cas de violation grave de la Constitution. Elle va concrètement consister dans la mise en œuvre d’une procédure d’accusation devant une Cour particulière.
La composition de celle-ci est variable selon les Etats : le plus souvent s’agit d’une émanation du Parlement. C’est le cas en France de la Haute-Cour, compétente pour destituer le Président de la République en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat.
Aux Etats-Unis c’est le Sénat qui est compétent pour juger le Président.
Limites : ne peut aussi jouer qu’an dernière extrémité du fait de la gravité de ses conséquences, et ne vaut pour l’exécutif, et non pas le Parlement.



C’est pourquoi il n’est pas inutile de prévoir une autre sanction de type juridique cette fois.
Il s’agit agit du contrôle juridictionnel de constitutionnalité.

Consiste à faire constater par un tribunal qu’un acte juridique adopté par une autorité publique a été pris en violation de la Constitution, en d’autres termes qu’il est inconstitutionnel.
Ainsi il est dépourvu de toute force juridique.

1.4.3.1 Section 1 : La légitimité du contrôle juridictionnel de constitutionnalité

En théorie tous les actes adoptés par les pouvoirs constitués doivent respecter la Constitution.
Mais il y a un obstacle important à la mise en place d’un tel contrôle : pour certains types d’actes (en particulier des lois), on peut se demander si l’institution de celui-ci est compatible avec la démocratie.

Si cette question se pose c’est parce que dans une démocratie, le souverain c’est le peuple. Les lois adoptées par le Parlement expriment la volonté du peuple, car Parlement = émanation du peuple.
Or portée de l’institution d’un Contrôle de constit = confier à un tribunal composé de juges indépendants non pas élus par le peuple mais le plus souvent choisis par des autorités politique le pouvoir de contrôler la loi votée par le Parlement. Et si ce tribunal la déclare inconstitutionnelle, elle ne pourra pas entrer en vigueur ou sera annulée.
La volonté populaire exprimée par le Parlement ne pourra pas se réaliser du fait de la volonté du juge.

1.4.3.1.1 A - Arguments défavorables

On peut soutenir que du fait de la mise en place d’un contrôle de constit, le système politique ne sera plus véritablement démocratique pour deux raisons :

D’abords parce que la loi ne serait plus souveraine, mais devra respecter la Constitution.
Même si on admet que la Constitution doit l’emporter sur la loi, la seconde objection à cette instauration = risque d’un gouvernement des juges. Lorsqu’un tel contrôle est instauré, c’est la Constitution qui va l’emporter sur la loi, et la Constitution telle qu’elle sera interprétée par les juges constitutionnels.



Ce danger est réel pour la démocratie dans le sens où les textes constitutionnels sont brefs et vagues, et laissent donc place large à l’interprétation.
En cas d’hésitation sur le sens d’une disposition, le risque existe que le choix entre plusieurs interprétations possibles se fasse en fonction des a priori de l’interprète.

Le risque = Gouvernement des juges.

Et ce risque s’est réalisé aux Etats-Unis durant une certaines période des années 1865 aux années 30 : la Cour Suprême sous prétexte d’interpréter la Constitution a imposé aux pouvoirs publics une conception intransigeante du libéralisme économique en déclarant inconstitutionnelles les lois sociales adoptées par les Etats fédérés et les principales lois du New-Deal adopté par l’Etat fédéral sous l’impulsion du Président Roosevelt.

Si on prend en compte ces deux critiques, les rédacteurs des Constitutions seraient face à un choix :

Soit ils respectent les exigences démocratiques en ne prévoyant pas de contrôle de constitutionnalité. Dans ce cas, les exigences de la hiérarchie des normes sont sacrifiées au profit des exigences démocratiques.
Tel a été le cas en France avant la Vème République, car la tradition française était favorable à la souveraineté de la loi face à la Constitution, et donc défavorable au contrôle.
Soit ils cherchent à assurer le respect de la hiérarchie des normes en mettant en place un contrôle constitutionnel ; la loi n’est alors plus souveraine, mais la Constitution telle qu’elle sera interprétée qui prévaudra.
Dans ce cas, les exigences démocratiques sont sacrifiées au profit des exigences de la hiérarchie des normes.



Aujourd’hui, deuxième solution = tendance prédominante, car la plupart des démocraties libérales ont mis en place un tel contrôle.
Cela signifie t’il que ces Etats ne sont plus des démocraties ? La réponse = demeurent des démocraties, mais cette dernières notion a évolué avec le temps.

1.4.3.1.2 B - Arguments favorables

Réponse à la première objection : on estime aujourd’hui que la démocratie n’implique pas la souveraineté de la loi.
On insiste sur le fait que la Constitution elle-même a été adoptée par le peuple, mais également sur le fait que la Constitution a pour fonction, par les droits qu’elle reconnaît aux personnes, de protéger la minorité contre l’oppression de la majorité.
L’expérience a prouvé que les lois adoptées par la majorité peuvent être liberticides, méconnaissant les libertés fondamentales. C’est pourquoi la démocratie c’est certes le pouvoir de la majorité, mais dans le respect des droits de la minorité, donc dans le respect de la Constitution.

On ajoute également la marge de manœuvre du juge constitutionnel qui, lorsqu’il interprète la Constitution, même si elle est réelle, n’en est pas moins étroite.
En effet, les pouvoirs publics peuvent réagir en cas d’abus de pouvoir des juges :

L’arme de la révision de la Constitution reste toujours entre les mains des pouvoir publics ; si la loi est déclarée inconstitutionnelle, les pouvoirs publics peuvent toujours modifier la Constitution sur le point litigieux dans le sens qui était celui de la loi. C’est au pouvoir de révision de la Constitution que va revenir en réalité le droit de dernier mot.
Dans certains cas, Constitution quasi impossible à modifier ; mais si les juges s’opposent de manières quasi abusive et systématique à la volonté du législateur, les pouvoirs publics peuvent faire pression sur les juges constitutionnels par divers biais. Ex : Président Roosevelt a utilisé une menace contre la Cour Suprême, en 1937 ; l’a menacée d’opérer « une fournée de juge » (augmentation du nombre de juge à la Cour, qui est fixé par la loi), et ainsi faire basculer la majorité à la Cour en faveur du législateur.
Les juges membres de ces cours sont conscients de ces possibilités, et s’autolimitent.

1.4.3.2 Section 2 : Les formes de contrôle juridictionnel de constitutionnalité

Il n’y a pas un système de CCL, mais plusieurs, entre lesquels les rédacteurs des Constitution vont pouvoir choisir.
Ce choix peut s’exercer à différents niveaux.

1.4.3.2.1 §1 : L’organe compétent

Le CCL ne sera crédible que si il est confié à une juridiction, et non pas à un organe de type politique.
Bien sur les membres d’un tel tribunal sont le plus souvent nommés par des autorités politiques (Parlement, personnalité, ...), mais une fois nommés, les juges vont jouir d’un statut leur assurant une totale indépendance à l’égard des autres pouvoirs.

Soit ils sont nommés à vie (USA), soit désignés pour une durée assez longue et dans ce cas, leur mandat n’est pas renouvelable.

En tant que juridiction, cet organe devra uniquement statuer en droit, c'est-à-dire en utilisant uniquement des arguments juridiques et non pas des arguments d’opportunités politiques. Ce tribunal doit pouvoir rendre des décisions s’imposant à tous les pouvoirs publics.

  • 1 – Le contrôle diffus

Ce sont les juridictions ordinaires qui sont compétentes pour exercer le contrôle de constitutionnalité des lois.
Ex : Le cas des USA ; il faut savoir que ce contrôle est considérer comme un prolongement normal de la fonction du juge. Depuis le fameux arrêt rendu en 1803 par la Cour Suprême : arrêt Marbury/Madison. Chaque juge, s’il est saisi dans une demande en ce sens, doit vérifier la conformité de la loi à la Constitution et refuser d’appliquer une loi inconstitutionnelle. Ce contrôle n’était pas prévu par la Constitution, ce sont les juridictions elles mêmes qui ont décidé de l’exercer.

Contrôle diffus car non monopolisé par une juridiction centrale, unique. Mais il s’effectue sous le contrôle de la juridiction qui est située au sommet de la hiérarchie des juridictions, à savoir la Cour Suprême pour les USA.

La Cour Suprême des USA joue un rôle d’unification de la jurisprudence en matière constitutionnelle comme dans les autres matières ; c’est elle qui va statuer sur les recours exercés par les juridictions inférieures, leurs imposant sont interprétation de la Constitution.

Composition de la Cour Suprême :

Elle est composée de 9 juges nommés à vie par le Président des Etats-Unis, mais avec l’accord du Sénat ; étant précisé que le Sénat se contente de vérifier la moralité du candidat ainsi que sa modération dans les prises de décisions politiques qui ont pu être les siennes de manière antérieure.
C’est un contrôle qui n’est pas politique, mais important.
Les Présidents choisissent pour essentiel des juges qui sont du même parti qu’eux, tout en veillant à ce que la Cour soit toujours représentative des différentes composantes de la société américaine : un équilibre doit être respecté être le Nord et le Sud des Etats-Unis, les minorités sont en général représentées, la représentation des femmes, ...



Choix politisés, mais il n’empêche que les membres de la Cour vont exercer leurs fonctions en toutes indépendances.

  • 2 – Le contrôle concentré

Dans ce cas, il est réservé à une juridiction qui a été spécialement crée à cet effet.

C’est ce que l’on appelle le modèle européen de CCL.
On le trouve réalisé dans de nombreux Etats européens (Allemagne, Espagne, Autriche, France, ...).

Ce système a été inventé car les juges ordinaires bénéficient d’un prestige moins grand que dans les pays anglo-saxons, avec la conséquence qu’ils n’ont jamais pris la responsabilité de censurer la loi. La loi était considérée comme l’expression inattaquable de la volonté nationale.

Et lorsqu’on a voulu mettre en place un tel contrôle au XXème en Europe, ce pouvoir a été confié par une disposition express de la Constitution à une juridiction spécifique.

Ex : En France, c’est le conseil constitutionnel qui est chargé à titre exclusif de contrôler la constitutionnalité des lois ; composé de 9 membres, nommés pour 9 ans ; trois sont désignés par le Président de la République, trois par le Président de l’Assemblée nationale, et trois par le Président du Sénat. C’est lorsque la révision de 2008 entrera en vigueur, ces nominations seront précédées d’un avis public rendu par chaque assemblée, étant précisé qu’elles disposeront d’un droit de veto à la majorité de 3/5 à leur égard.
A ces membres nommés s’ajoutent les anciens Présidents de la République, qui sont membres de droit de ce conseil, du fait de la fonction qu’ils ont exercé.

En Allemagne, la Cour Constitutionnelle va être élue par le Parlement ; il comprend 16 membres, et chacune des deux chambres désigne 8 juges, à la majorité des 2/3. Là encore les considérations politiques vont être importantes : les partis politiques se répartissent les sièges, car la majorité a besoin d’une partie de la minorité pour élire les juges.

1.4.3.2.2 §2 : La procédure de contrôle
1.4.3.2.2.1 A – Les autorités de saisine

Question de savoir qui va pouvoir déclencher le CCL.
Plusieurs systèmes envisageables.


Le système le plus ouvert : celui dans lequel ce droit de saisine est donné à toute personne.
Cette solution s’applique forcément lorsque le contrôle est diffus, car ce sont les personnes qui saisissent les juridictions ordinaires.
Cette solution est beaucoup plus difficile à mettre en place lorsque le contrôle est concentré : les juges de la Cour constitutionnelle risqueraient d’être rapidement dépassés par l’ampleur de la tâche, du fait du nombre des recours.
Système envisageable pour un contrôle concentré, c’est une saisine directe mais limitée à des types de litiges particuliers.
Par exemple, en Allemagne, lorsqu’une personne s’estime atteint dans l’un de ses droits fondamentaux du fait d’une loi, mais unique dans ce cas là, et bien elle peut saisir directement le tribunal constitutionnel.
En revanche cette possibilité n’existe pas en France, même depuis 2008.
Ce droit de saisine peut être confié en cas de contrôle concentré à un nombre restreint de personnes, qui sont alors de certains acteurs de la vie institutionnelle et politique de l’Etat. Dans ce cas là, il faut absolument trouver un équilibre politique si on veut que le système soit efficace et crédible. En effet si on confie ce droit à des autorités appartenant à la majorité, même si on multiplie ces autorités, le système de contrôle a toutes les chances d’être inefficace : les saisines sont le plus souvent facultatives, et ces autorités n’ont tout simplement aucun intérêt politique à saisir la Cour constitutionnelle.
En revanche les recours vont être beaucoup plus nombreux et le système d’autant plus efficace si la Constitution confie également ce droit à l’opposition. Un certain nombre de parlementaires pourra ainsi saisir la Cour. La minorité étant toujours frustrée de sa place, verra la Cour constitutionnelle comme un dernier rempart contre l’entrée en vigueur de la loi.
En France, le Conseil peut être saisi depuis 74 par 60 députés ou 60 sénateurs, dons par une minorité de chaque chambre, en plus du Président de la République, du Premier ministre, et des Présidents des assemblées.
Dernière possibilité, ne valant que dans le cas d’un contrôle concentré : les tribunaux ordinaires, par définition incompétent dans le domaine du CCL dans un tel système, peuvent se voir confier le pouvoir de saisir la Cour constitutionnelle, lorsqu’une question de constitutionnalité se pose au cours d’un litige, et que la réponse à cette question à la solution du litige.
Cette possibilité existe dans de nombreux Etats européens, et viens d’être introduite en France. En France, seul la Cour de cassation et le Conseil d’Etat pourront saisir le Conseil constitutionnel, éventuellement sur saisine des juridictions du fonds, et seuls les droits et libertés garantis par la Constitution pourront être invoqués.

Ces systèmes ne sont bien évidemment as exclusifs les uns les autres, et peuvent être mis en place en parallèle.

1.4.3.2.2.2 B – Le moment de la saisine

Deux possibilités : avant ou après que la loi ne soit entrée en vigueur.

  • 1 – Le contrôle a priori

C’est celui qui est exercé avant l’entrée en application de la loi.
Cette possibilité existe en France depuis 58, et était d’ailleurs exclusive avant 2008.

Avantage :

La sécurité juridique : le problème de constitutionnalité sera réglé avant que la loi ne soit appliquée aux citoyens.
Lorsque la loi entre en vigueur, les personnes savent de façon définitive quels sont leurs droits et leurs obligations.

Inconvénients :

Intervient alors que les passions politiques qui se sont parfois déchainées au Parlement ne sont pas encore calmées, avec un risque pour la Cour constitutionnelle d’être accusée de rendre des décisions politiques, soit par l’opposition soit par la majorité.
La Cour intervient avant que la loi ne soit appliquée ; or certains problèmes de constitutionnalité n’apparaissent qu’avec l’application de la loi. Ainsi contrôle trop précoce.
  • 2 – Le contrôle a posteriori

Exercé après que la loi soit entrée en application.
Avantage essentiel = plus dépassionné que l’a priori, parce que du temps va s’écouler entre le moment de l’adoption de la loi et le moment où le juge statue.
Inconvénient : insécurité juridique, dans laquelle il place les particuliers, car une loi pourra être annulée donc disparaître d’un effet rétroactif des années après son entrée en vigueur.

En France un tel contrôle vient d’être introduit par la révision de 2008, mais justement avec une sanction plus douce que l’annulation, qui est l’abrogation de la loi inconstitutionnelle.

1.4.3.2.2.3 C – L’objet et les effets de la saisine
  • 1 – Le contrôle par voie d’action

L’auteur du recours attaque la loi, exerçant ainsi une action, en demandant à la Cour constitutionnelle soit d’empêcher la promulgation de la loi, soit de l’annuler si déjà entrée en vigueur.
C’est là un contrôle abstrait, car ne s’exerce pas à l’occasion d’un procès entre deux personnes : le procès est fait directement à la loi.
Il a le mérite d’aboutir à une situation claire, parce que la sanction de l’inconstitutionnalité est la disparition de la loi de l’ordre juridique.

  • 2 – Le contrôle par voie d’exception

Contrôle concret de constitutionnalité : est exercé à l’occasion d’un litige en cours d’examen devant une juridiction.
Le procès n’a pas pour objet principal la question de savoir si la loi est ou non constitutionnelle ; simplement au cours d’un procès quelconque, l’une des partie à qui l’on tente d’appliquer la loi, va soulever une exception d’inconstitutionnalité.

Deux hypothèses : soit le contrôle est diffus. C’est alors le juge saisi de la question principal qui statuera sur l’exception ; la question de constitutionnalité est dite préalable.
Soit le contrôle est concentré ; le juge ordinaire devra saisir la juridiction constitutionnelle qui tranchera la question de constitutionnalité et l’affaire reprendra son cours normal devant la juridiction ordinaire. Dans ce cas là, la question de constitutionnalité est dite préjudicielle.

1.5 Titre 3 : Le citoyen

La démocratie est définie par l’art 2 de l’actuelle constitution française, comme « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
La source de tout pouvoir est donc le peuple, peuple qui est composé de l’ensemble des citoyens.

S’oppose par conséquent à la monarchie, où le pouvoir n’appartient qu’à un seul, mais également à l’oligarchie, où le pouvoir appartient à un petit nombre de personnes.

A la fin du XXème siècle, la plupart des prétendues démocraties socialistes ou populaires se sont effondrées (URSS, ...) ; étaient fondées sur un système de parti unique, exerçant une véritable dictature dans l’Etat, et ne respectaient pas les libertés fondamentales.

En ce début de XXIème siècle, le seul modèle de démocratie subsistant est celui de la démocratie libérale et pluraliste.
Dans cette forme libérale, la démocratie implique que la source de tout pouvoir se situe dan le peuple, mais également d’une part la liberté politique (c'est-à-dire la liberté de choix par les citoyens de leurs opinions politiques et leur libre expression), d’autre part le pluralisme des partis politiques.
Ce sont des conditions indispensables à l’exercice effectif par le peuple de leurs possibilités de choisir leurs gouvernants.

1.5.1 Chapitre 1 : Les fondements de la participation du citoyen au pouvoir

1.5.2 Chapitre 2 : Les systèmes de participations du citoyen au pouvoir

Trois systèmes de participation.

1.5.2.1 Section 1 : La démocratie directe

Dans ces systèmes, le peuple se gouverne lui-même, par la participation de tous les citoyens à la gestion de l’Etat : il n’y a pas de représentants (ni assemblée, ni gouvernement).

Dans un tel système, les gouvernés sont eux même les gouvernants, et ils se réunissent pour délibérer des affaires publiques.

C’est peut être la forme idéale de la démocratie, mais ce qui est sur c’est qu’il relève davantage de l’utopie que d’une réalité observable. En effet les problèmes sont nombreux :

Ce système n’est envisageable à l’Etat pur que dans un micro Etat où le nombre de citoyens est extrêmement réduit. A moins de recourir à des procédés de vote à distance, ce que permet l’informatique aujourd’hui.
Second problème = provient du désintérêt d’une partie importante de la population et du caractère superficiel des débats. En effet, la gestion d’un Etat moderne implique une nécessaire spécialisation.

1.5.2.2 Section 2 : La démocratie représentative

Système opposé au précédent, car dans ce cas l’exercice du pouvoir est uniquement confié à des représentants qui sont élus au suffrage universel chargés de décider au nom de la Nation ou de l’ensemble du peuple.

Il faut savoir que dans le passé la représentation était justifiée à la fois par l’impossibilité matérielle de mettre en œuvre la démocratie directe dans les grands Etats, mais également par la prétendue incapacité des citoyens à comprendre la chose politique.
En effet il faut bien comprendre que le régime représentatif permet, une fois l’élection achevée, de tenir le peuple à l’écart de la délibération des affaires publiques.

Aujourd’hui cette vision est en partie dépassée, et on peut dire que le degré de conscience politique des citoyens, leur éducation et leur information ont augmenté. Ce qui va plaider en faveur d’une certaine participation directe du peuple à la gestion des affaires publiques.
Mais cet argument conserve un certain poids, en particulier dans les domaines techniques, où une certaine spécialisation peut s’avérer nécessaire. D’une manière générale, la gestion des affaires de l’Etat est devenue un véritable métier, en particulier du fait de la diversification des taches qu’assure aujourd’hui l’Etat.
Ce qui est sur, c’est que le système représentatif envisagé au XVIIIème n’est plus celui dont on peut observer le fonctionnement aujourd’hui, notamment à partir du début du XIXème.
D’un coté l’interdiction du mandat impératif est maintenue (= mandat qui permet aux électeurs d’imposer aux élus le respect de certaines directives et de les révoquer en cas de non respect de celles-ci). Mais cette interdiction a été largement remise en cause dans les faits, en raison des caractéristiques actuelles de la vie politique.
Cela veut dire qu’en principe, l’élu n’est lié à la nation que par un mandat représentatif, qui laisse à l’élu une liberté totale à l’égard de ses électeurs.
Mais en réalité, à nuancer ; en pratique les choses se passent différemment, d’abord parce que les candidats aux élections affirment le plus souvent prendre la défense des intérêts locaux. Et donc une fois élus, ces représentants de la nation se comportent aussi en représentants de leur circonscription. Second constat, l’appartenance fréquente des élus à un parti politique limite leur liberté : va permettre à l’électeur de faire son choix en connaissance de cause et ce grâce aux programmes des différents partis. Ensuite, une fois élu, le représentant voit sa liberté encadrée par le parti auquel il appartient, parti qui va le plus souvent lui imposer une discipline de vote.
=> Aujourd’hui les élus sont moins libres que dans le passé, non pas parce que les règles juridiques ont changé, mais parce que la vie politique a évolué en particulier grâce à l’apparition des grands partis politiques modernes (ont contribué à démocratiser le régime représentatif en accentuant le lien entre les élus et les électeurs).

Le risque de tout régime représentatif pur, c’est bien sur la confiscation par les représentants de la souveraineté appartenant normalement au peuple dans une démocratie.
=> Souveraineté populaire laissant la place à une souveraineté parlementaire

C’est pourquoi on a imaginé un troisième type intermédiaire de régime, ménageant au citoyen une plus grande participation.

1.5.2.3 Section 3 : La démocratie semi-directe

C’est un régime représentatif dans lequel ont été introduits des éléments de démocratie directe.
Dans un tel régime, il va y avoir coexistence d’organes représentatifs et de procédures d’interventions populaires directes.
En d’autres termes, dans certaines matières, le peuple sera érigé en autorité de proposition ou de décision concurrente du Parlement.

Certains Etats ont toujours pratiqué la démocratie semi-directe : c’est le cas de la Suisse, mais également les Etats fédérés américains.
De façon générale, on peut constater que la démocratie semi directe a connu un regain d’intérêt durant la seconde moitié du XXème siècle, parce que de nouveaux Etats, en particulier européens, on intégré des procédures de démocratie directe dans leurs Constitution (Italie en 1947, ou encore la France en 1958).

Différentes techniques de démocratie directes auxquelles les Etats représentatifs peuvent décider de recourir.

1.5.2.3.1 §1 : Le veto populaire

Lorsqu’un Etat le met en place, le peuple a le droit de s’opposer à l’entrée en vigueur d’une loi votée par le Parlement.

La Constitution va prévoir que les lois ne pourront être appliquées qu’après un certain délai durant lequel les citoyens pourront examiner la loi.
Cela veut dire que lorsqu’une loi qui vient d’être votée suscite une opposition, un nombre déterminé de citoyens peut déposer une pétition. Si cette pétition obtient le nombre de signatures exigé par la Constitution, la loi devra être soumise à un référendum.
En d’autres termes dans ce système, le peuple dispose d’une faculté d’empêcher à l’égard du Parlement.
=> Droit de veto

La portée d’un tel système = lorsque ce système est applicable à l’ensemble des lois du Parlement, il permet de soumettre le Parlement au contrôle permanent du peuple. Il va ainsi limiter les effets du mandat représentatif, c'est-à-dire la liberté des élus ; les électeurs pourront vérifier si la volonté exprimée par les élus coïncide avec la leur.

Ce système extrêmement démocratique est pratiqué par la Suisse (Art. 141 de la Constitution suisse).

1.5.2.3.2 §2 L’initiative populaire

C’est le droit donné par la Constitution à un certain nombre de citoyens de proposer une loi dont l’adoption leur parait souhaitable.
Plusieurs systèmes d’initiative populaire sont envisageables

- Système le plus élémentaire = une fraction du peuple déterminée par la Constitution dispose du droit de soumettre au Parlement une proposition qui pourra être rédigée en articles. Mais cette initiative n’a pas d’effet contraignant sur les pouvoirs publics.
En effet la Constitution ne prévoit rien au cas où le Parlement ne discuterait pas ou n’adopterait pas la proposition.
Ex : Constitution italienne de 1947, Art. 71.
- Système intermédiaire : plus intéressant pour le peuple.
Le Parlement dans ce cas de figure est contraint sur initiative populaire de légiférer dans le domaine concerné.
En effet s’il ne le fait pas, c'est-à-dire s’il n’examine pas la proposition ou s’il la rejette, le projet est alors soumis à un référendum.
Plus intéressant pour le peuple, car celui-ci peut surmonter un éventuel refus du Parlement.
On le trouve appliqué en Suisse, dans certaines hypothèses de révision de la Constitution.
- Le plus élaboré et favorable au peuple : va permettre l’adoption d’une loi sur initiative populaire, mais sans aucune intervention du Parlement.
C’est l’hypothèse du référendum d’initiative populaire.
Un certain nombre de citoyens peut demander l’organisation d’un référendum pour adopter ou abroger une loi.
Ex : La Suisse, qui y recourt pour d’autres hypothèses de révision de la Constitution ; mais également l’Italie, puisque la Constitution italienne permet à un certain nombre d’électeurs de demander l’organisation d’un référendum d’abrogation d’une loi en vigueur.



En France, en 58, le référendum en matière législative a été introduit, mais pas le droit à l’initiative, qui n’a pas été reconnu au citoyen. Toutefois, la révision du 23 juillet 2008 a introduit une initiative partagée, à la fois populaire et parlementaire.
En réalité il s’agit d’une forme assez rudimentaire, car se situant entre le 1 et le 2 : en effet en cas d’initiative d’1/5ème des membres du Parlement soutenu par 1/10ème des électeurs inscrits sur les listes électorales, une proposition de loi devra être examinée par les deux assemblées dans un certain délai. Et c’est seulement en cas d’absence d’examen que la proposition devra être soumise à référendum.
=> Suffit que le Parlement rejette la proposition pour qu’il n’y ait pas de référendum et qu’il ait le dernier mot.

1.5.2.3.3 §3 : Le référendum

Il consiste à soumettre un texte à l’approbation de l’ensemble des citoyens.

Là encore, plusieurs types :

- Le référendum constituant/législatif : sera constituant si le texte est de nature constitutionnelle ; législatif lorsqu’il est de nature législative.
La Constitution française prévoit ces deux types : législatif à l’Art. 11, constituant à l’Art. 89. On peut rappeler que le Général de Gaulle n’a pas hésité à utiliser l’Art. 11 pour des révisions constitutionnelles.
- Le référendum obligatoire/facultatif : sera obligatoire lorsque seul le peuple est compétent pour adopter le texte considéré ; facultatif lorsque la loi aurait pu être adoptée par le Parlement.
En France le référendum législatif est pour l’essentiel facultatif ; en revanche en matière constitutionnelle, le référendum est obligatoire lorsque le projet de révision émane d’un membre du Parlement, et n’est facultatif que s’il émane de l’exécutif.
- Le référendum d’acceptation/abrogation : acceptation, c’est l’adoption même du texte qui nécessite l’approbation du peuple ; dans le second cas, le peuple peut mettre fin pour l’avenir à un texte déjà en vigueur.
En Italie, depuis 1970, il existe un référendum d’abrogation d’initiative populaire.
- Le référendum consultatif/décisionnel : il est décisionnel lorsque le peuple décide l’adoption d’une loi, et consultatif lorsque le peuple est simplement consulté sur une loi. Dans ce dernier cas, l’avis du peuple ne lie pas les pouvoirs publics.
- Distinction suivant les organes qui sont habilités à en prendre l’initiative :
-> Premier cas de figure = initiative appartient à un certain nombre de citoyens ; dans ce cas, référendum d’initiative populaire. C’est le système le plus démocratique, car le peuple choisi de se saisir lui même d’une question qui lui tient à cœur.
-> Peut appartenir au Parlement ; soit uniquement à la majorité, soit également à la minorité.
Si l’initiative est donnée uniquement à la majorité, le système risque de ne pas fonctionner, car peut de chance de se dessaisir lui même. En revanche si initiative minoritaire, l’opposition pourra alors être à l’origine de référendum, mais le risque est celui de l’instabilité législative, c'est-à-dire que l’opposition use et abuse de cette procédure pour remettre en cause les choix législatifs de la majorité.
La révision de 2008, l’initiative est désormais minoritaire. Mais cette initiative ne pourra pas porter sur l’abrogation d’une décision législative entrée en vigueur depuis moins d’un an.
-> Confiée à l’exécutif, soit au chef de l’Etat soit au gouvernement. Cette initiative peut être très dangereuse, dans le sens où si son champ d’application est trop large, elle peut entraîner un déséquilibre des institutions au profit de l’exécutif.
Risque qu’en cas de refus du Parlement de voter les lois de l’exécutif, c’est que l’exécutif recourt ou ne menace de recourir de façon systématique au référendum ; et cette possibilité constitue un instrument redoutable d’asservissement de domination du Parlement.
Ce système est encore plus dangereux lorsqu’il bénéficie au chef de l’Etat, car les référendums peuvent facilement dévier en plébiscites.
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