Plan détaillé minuté de "J'AI PAS VOTÉ - La rencontre - Étienne Chouard, Jacques Testart et Yves Sintomer"
J'AI PAS VOTÉ - La rencontre - Étienne Chouard, Jacques Testart et Yves Sintomer |
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1 J'ai pas voté - La rencontre - Etienne Chouard, Jacques Testart et Yves Sintomer
1.1 (00:25) Le tirage au sort ça change quoi en politique ?
1.1.1 (00:28) Le tirage au sort n'est jamais utilisé seul, il s'accompagne de contrôles et nécessite de la formation ce qui le rend, en matière politique, vertueux. (Etienne Chouard)
- (00:40) A Athènes, les tirés au sort étaient contrôlés, révocables, ils rendaient des comptes devant des jurés parfois composés eux-mêmes de nombreux tirés au sort ; de nombreuses procédures accompagnaient le tirage au sort.
- (00:56) L'idée du tirage au sort consiste à déplacer le contrôle :
- Dans l'élection on contrôle la désignation puis on fait confiance associé aux contrôles, au volontariat.
- Le tirage au sort accompagné par de nombreux contrôles permet de déporter le contrôle sur l'exercice du pouvoir et non plus simplement au moment de la désignation : pendant l'exercice du pouvoir les gens sont révocables, doivent rendre des comptes, peuvent être punis ; les chambres de contrôle et les jurés impliquent une formation.
- (01:47) Montesquieu dans "De l'esprit des lois" - 1748 - les contrôles, le volontariat, les punitions font que les gens biens se présentaient et le tirage sort en devenait vertueux.
- (02:07) Précision de Jacques Testart :
- "Un point important concernant les volontaires, il ne faut pas tirer au sort sur une liste de volontaires car on va retrouver un tas de gens porteurs d’intérêts particuliers, il faut tirer au sort et demander aux gens s'ils acceptent."
- (02:07) Réponse (E. Chouard) :
- Il y a polysémie : volontaires c'est au sens où ils veulent bien et non qu'ils étaient candidats.
1.1.2 (02:32) Expériences concrètes de démocratie participative au niveau des choix technologiques : le tirage au sort permet d'approcher la vérité, d'être une option conforme au bien commun par notamment la formation des citoyens. Développer la démocratie des choix technologiques est un pas pour démontrer la validité de la procédure du tirage au sort et la compétence des citoyens, un pas vers la démocratie politique. (Jacques Testart)
Beaucoup d'expériences ont été faites concernant la démocratie participative au niveaux des grandes options technologies : le nucléaire, les OGM, les Nanotechnologies, etc. Le tirage au sort est la seule façon d'arriver à approcher la vérité, de prendre une option qui soit conforme au bien commun parce que les gens tirés au sort c'est monsieur "Tout le monde". La formation, l'éclairage qu'on va donner aux citoyens tirés au sort est fondamentaux.
- (03:25) Ces procédures sont actuellement décrites précisément notamment la procédure de conférence de citoyens appelée "Convention de citoyens" au sein de la Fondation Sciences Citoyennes. Un projet de loi dort depuis 5 ans, le parlement ne s'en saisit pas ce qui montre la timidité de nos élus pour changer les choses avec certainement une appréhension d'un retrait de leur pouvoir. Nos élus, jamais élus sur des thèmes tenant à la démocratie, délèguent cela à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques lui-même soumis à tous les lobbies ce qui est une énorme carence.
- (04:26) La démocratie des choix technologiques est un pas pour démontrer l validité de la procédure du choix en général du tirage au sort, que les citoyens sont vite compétents, qu'ils peuvent avoir de bonnes idées et faire des propositions intéressantes ; c'est un pas vers la démocratie politique au sens large : il faut donc d'abord démontrer que le système peut marcher.
1.1.3 (04:55) Les trois points fondamentaux : le tirage au sort doit être couplé à la formation, l'information et aux discussions de qualité ; l'importance que l'avis qui en résulte serve à la prose de décision ; tester et multiplier le dispositif procédural à tous niveaux pour affirmer sa crédibilité et ne plus être obligé d'en rester à "démocratie" = élection. (Yves Sintomer)
Les trois points fondamentaux :
- Point 1 - Ce n'est pas le tirage au sort tout seul mais le tirage au sort couplé à une formation, une information, une discussion de qualité qui permet de donner des résultats extrêmement intéressants lorsque les citoyens ordinaires discutent.
- Point 2 - La question fondamentale est :
- Qu'est-ce qu'on fait de l'avis , Est-ce que c'est simplement un avis ou quelque chose qui va peser dans la prise de décision ?
- Et c'est sur ce point que les expériences menées sont décevantes.
- Point 3 - Il a été testé que cela marchait en terme de dispositif procédural.
- C'est en le testant et en le multipliant à plein de niveaux différents que la crédibilité sera donnée à des échelles différentes, pouvant aller jusqu'à des échelles nationales et sur des choix décisifs.
- Passer par ces expériences permettra à une masse croissante d'acteurs de réaliser que nous ne sommes plus obligés d'en rester à ce que nous connaissons aujourd'hui, à savoir "démocratie" = élection.
1.2 (06:21) Le citoyen peut-il faire de la politique ?
1.2.1 (06:25) Tous les sociologues ayant étudié les conférences de citoyens tirés au sort ont pu noter que ces citoyens ayant travaillé sur des sujets anthropologiques se sont investis pour réfléchir sur l'avenir du monde et ont muté. (Jacques Testart)
- Les quelques centaines de conférences de citoyens qui se sont déjà tenues dans le monde dont les procédures comprennent le tirage au sort, l'accompagnement des experts et une demande de travail sur des thèmes anthropologiques concernant vraiment l'humanité ont montré que ces citoyens se sont investis avec d'autres tirés au sort dans une réflexion sur une période assez longue qui pouvait être de plusieurs mois.
- Tous les sociologues qui ont étudié ces conférences de citoyens sont d'accord sur le fait que les citoyens ont changé, qu'ils se sont modifiés.
- Les citoyens eux-mêmes expriment que cela leur a changé la vie, qu'on leur avait donné l'occasion de parler et qu'ils avaient l'espoir qu'ils allaient pouvoir changer les choses.
Voir aussi : Plan détaillé minuté : Jacques Testart - Comment les citoyens peuvent s'emparer des choix de société ? ( Pi Wu)
1.2.2 (08:00) Le tirage au sort oblige les gens à s'investir beaucoup plus que les professionnels bien que le sujet ne leur soit pas familier mais si ce qu'ils ont pu dire est négligé comme actuellement alors on casse le système du tirage au sort et on se moque des citoyens. (Jacques Testart)
- Jacques Testart :
- Le tirage au sort c'est très bien mais cela oblige les gens qui ne sont pas des professionnels à s'investir très fort, beaucoup plus que les professionnels, souvent sur une période assez longue, sur un thème qui ne leur est pas familier donc c'est vraiment un effort considérable ; et si ensuite on néglige complétement tout ce qu'ils ont pu dire, comme c'est en gros arrivé jusqu'ici, alors c'est déplorable, d'une part on casse le système du tirage au sort d'autre part on s'est moqué de ces citoyens.
1.2.3 (08:30) Toutes les expériences avec le tirage au sort montrent que les citoyens sont capables de discuter de façon raisonnable moins dans un intérêt corporatiste mais plus dans le sens de l'intérêt général, tout en les reconnaissant comme étant des citoyens à part entière. (Yves Sintomer)
- Ce qui est intéressant dans ces expériences c'est qu'on voit effectivement que les citoyens quand on leur donne les conditions pour être bien informés et pour bien discuter, ils prennent la parole et sont contents de la prendre. * Ils discutent de façon raisonnable moins dans un intérêt corporatiste mais plus dans le sens de l'intérêt général.
- Cette expérience là les reconnaît, ce qui est exceptionnel dans notre système, comme ayant un droit égal à la prise de parole, comme étant des citoyens à part entière.
1.3 (09:05) Comment on tire au sort aujourd'hui ?
1.3.1 (09:09) Le tirage au sort c'est concrètement tirer au sort un échantillon représentatif de citoyen. On va avoir une image en petit de ce qu'est le peuple en son ensemble, un microcosme du peuple en son ensemble. (Yves Sintomer)
- Aujourd'hui quand on dit qu'on va tirer au sort des citoyens concrètement on dit qu'on va tirer au sort un échantillon représentatif de citoyens, on va avoir une image en petit de ce qu'est le peuple en son entier : des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux, des riches, des pauvres, des éduqués, des pas éduqués, des gens venant de tel endroit, des gens venant de tel autre endroit.
- Ces techniques se sont d'abord développées à travers les Sciences, puis sont passées avec les sondages progressivement dans la politique. On fait des sondages représentatifs qui permettent d'extrapoler à partir d'échantillons les tendances nationales.
- Aujourd'hui avec le tirage au sort on va avoir un microcosme du peuple en son ensemble.
1.3.2 (10:04) Question du nombre des tirés au sort - petit nombre on cherche la variété maximale, grand nombre on tend vers la représentativité - exemple des conférences de citoyens et d'un sénat.(Jacques Testart, Yves Sintomer, Etienne Chouard)
- Jacques Testart
- Le tirage au sort n'est pas forcement représentatif au sens statistique ou il faudrait i millier de personnes. Dans les conventions de citoyens, il y a une quinzaine de personnes, on cherche la variété maximale.
- Yves Sintomer
- En terme technique quand on tire quinze citoyens ils ne sont pas représentatifs, ils sont diversifiés et plus l'échantillon est important plus on tend vers une représentativité.
- Etienne Chouard
- Si on tire au sort mille personnes pour la France ces mille personnes sont un échantillon représentatif.
- Si on faisait un Sénat tiré au sort qui serait la Chambre des Citoyens, amateurs, mandats courts, non renouvelables, tirés au sort continuant à exercer leur métier on aurait cette espèce de mini-France qui nous représenterait et qui devrait accepter les lois elle aussi en plus de l'assemblée professionnelle des partis. Il faudrait qu'elle fasse mille personnes.
- Jacques Testart
- Avec cinq cents on s'en sort.
1.3.3 (11:04) Concrètement pour un petit échantillon le tirage au sort doit s'accompagner de quota pour obtenir une diversité et éviter une surreprésentation des couches favorisées suite aux éventuels refus spontanés car la marge d'erreur statistique d'un point de vue mathématique est trop grande. (Yves Sintomer)
- Quand on veut constituer un échantillon représentatif ou en tous cas diversifié de la population il faut procéder par quotas pour avoir quelque chose de sérieux.
- On fait un choix des critères qui sont les plus pertinents par rapport à la question posée.
par exemple : avoir autant d'homme que de femmes, avoir des gens aux revenus élevés et des gens qui n'ont pas de revenus élevés, etc.
- Une fois qu'on a établi ces quotas, à ce moment là, on tire au sort jusqu'à ce que le quota soit rempli.
- On fait une liste d'attente s'il y a refus ou désistement mais on cherche à avoir ces case remplies.
- C'est la seule manière de faire parce qu'autrement à partir des refus spontanés, à partir du moment où la participation n'est pas obligatoire quand on a été tiré au sort, on aurait des gens des groupes subalternes qui spontanément s'estiment moins légitimes pour participer et donc on aurait une surreprésentation des couches favorisées.
- De toute façon pour un groupe de quinze à vingt personnes même si c'est obligatoire la marge d'erreur statistiques d'un point de vue purement mathématique serait trop grande pour que l'on procède seulement par tirage au sort.
1.3.4 (12:35) Concernant un grand échantillon, la marge d'erreur statistique est peu significative, le tirage au sort doit soit être obligatoire soit être accompagné du processus de quota. (Yves Sintomer)
Quand on passe à un groupe de plusieurs centaines de personnes la marge d'erreur statistique serait beaucoup moins significative. Il n'en resterait pas moins qu'on risquerait d'avoir une distorsion forte par le biais des refus de participer.
Il y a deux solutions :
- soit il faut rendre la chose obligatoire, alors on a un groupe représentatif mathématiquement.
- soit il faut procéder par quotas et avoir ces cases qu'on remplit par tirage au sort.
1.4 (13:13) Qui tire au sort ?
1.4.1 (13:14) Les instituts de sondage ont la technicité en France pour constituer, entre quotas et tirage au sort, l'échantillon représentatif (Yves Sintomer)
Qui concrètement va procéder à la constitution de l'échantillon représentatif, à ce mixte entre quotas et tirage au sort, dans la plupart des cas ce sont les instituts de sondage parce qu'ils ont une technicité qui, en France, est bonne pour ce faire. Simplement, ils coûtent cher.
1.4.2 (13:34) Dérive des instituts de sondage qui s'approprient l'ensemble de la procédure dont la formation des citoyens : la facilité au dépend de l'objectivité et intérêts particuliers des instituts - importance d'un comité de pilotage de personnes diverses et aux idées opposées pour construire un programme de formation plus objectif (Jacques Testart)
Il y a une dérive avec les instituts de sondage : progressivement ils s'approprient l'ensemble de la procédure. Non seulement ils s'occupent de la formation du jury ce qui est leur savoir-faire mais progressivement ils ont voulu s'occuper de la formation des citoyens. Aujourd'hui il est plus facile pour quelqu'un qui veut organiser une conférence de citoyens de demander à l'institut de sondage de lui livrer clé en main et c'est catastrophique.
- Remarque de Etienne Chouard :
Pourquoi c'est catastrophique ? Est-ce qu'on retombe dans des intérêts particuliers ?
- Réponse de Jacques Testart :
Un institut de sondage a un intérêt à ce que la conférence de citoyens conduise à quelque chose qui ne va pas bouleverser le système, afin de garder la main-mise sur l'organisation.
Pour les conférences de citoyens on propose un comité de pilotage qui va construire le programme de formation, ce comité de pilotage est constitué d'une dizaine de personnes qui ne sont pas d'accord entre-eux, ces personnes sont identifiés par leurs écrits (livres, journaux) sur le sujet qui est un sujet de controverse dans la société et elles vont se mettre d'accord sur le programme. C'est la seule façon d'espérer une certaine objectivité dans la formation qui sera offerte aux citoyens ; autrement c'est forcément la magouille.
1.4.3 (14:53) Les instituts de sondage n'ont pas la technicité d'animation de débats ni véritablement d'organisation de conférences de citoyens, la solution de facilité à leur donner toute l'organisation aboutit à des catastrophes. (Yves Sintomer)
Les instituts de sondage ont une vraie technicité sur le choix de l'échantillon représentatif, ils n'ont pas de technicité ni d'animation de débats ni véritablement même d'organisation de conférences citoyennes ou de choses assimilées. La solution de facilité qui consiste à leur donner toute l'organisation aboutit à des catastrophes.
1.4.4 (15:19) Débat sur la commodité de passer par les instituts de sondage aux intérêts privés et la capacité d'assemblée citoyenne à appliquer par elle-même les techniques nécessaires - complexité et problèmes techniques extrêmement difficiles à résoudre, (Etienne Chouard, Yves Sintomer)
- Question d'Etienne Chouard :
Qu'est ce qui vous conduit à leur reconnaître la maîtrise de la technicité dont nous serions incapables ?
Etes-vous certains que nous ne serions pas capables ?
Les instituts de sondage, bien que commode, sont des organes privés ; ainsi l'ancienne Présidente du MEDEF Laurence Parisot est Vice-Présidente de l'institut de sondage IFOP, il en est de même pour les autres. je ne leurs fait pas confiance du tout pour organiser nos recherches.
Ne pourrait-on faire aujourd'hui comme le faisaient les Athéniens antiques dont le Klérotèrion étaient utilisé par des tirés au sort ?
- Réponse d'Yves Sintomer :
Tout simplement quand on veut tirer au sort à travers le maximum de personnes c'est extrêmement compliqué, il y a plein de problèmes techniques qui se posent et qui sont extrêmement difficiles à résoudre.
- Remarque d'Etienne Chouard :
Est-ce que justement une assemblée citoyenne de gens normaux ne seraient pas capables de comprendre les difficultés à connaître pour tirer au sort dans de bonnes conditions, tirer conséquence des points auxquels il faudrait faire attention et l'appliquer ? Faut-il vraiment s'en remettre à des experts pris par leurs intérêts ?
- Réponse d'Yves Sintomer :
Avant d'avoir constitué un groupe tiré au sort il faut déjà tirer au sort et pour le tirage au sort il y a une technicité qui n'est pas évidente, tirer au sort de façon satisfaisante demande de faire des choix préalables extrêmement lourds. C'est un énorme boulot, c'est énorme pour des gens qui ne l'ont jamais fait.
1.5 (17:49) Une révolution du peuple est-elle possible ?
1.5.1 (17:52) Le plus efficace serait une révolution basée sur les aspirations d'une large partie de la population : démontrer que le tirage au sort est la forme privilégiée d'administration de la société. Désintérêt des journalistes, des syndicats, du milieu associatif et des politiques - incompréhension de la signification politique du tirage au sort ou peur de perdre des prérogatives. (Jacques Testart)
- Le plus efficace serait une révolution qui serait basée sur les aspirations d'une large partie de la population.
- La population n'est pas prête à demander le tirage au sort car elle ne sait pas ce que cela signifie et n'en voit pas l'intérêt.
- Il faut d'abord arriver à démontrer le bien fondé du fait que le tirage au sort est la forme privilégiée d'administration de la société.
- Les journalistes ne s'intéressent pas aux conférences de citoyens, un citoyen anonyme n'a aucun intérêt pour un journaliste.
- Les syndicats et le milieu associatif ne s'y intéressent pas non plus car ils ne comprennent pas du tout la signification politique du tirage au sort et sa différence par rapport au militantisme quotidien.
Les associations, par exemple, ne comprennent pas pourquoi demander aux gens leur avis sur les OGM alors qu'elles-mêmes savent et peuvent donner leur avis.
- Les politiques, les élus ne sont pas intéressés parce qu'ils ont peur, peur que cela rogne sur leur prérogatives.
Exemple d'un débat ayant eu lieu il y a deux ans à l'Assemblée Nationale et lancé par le député UMP Jean Leonetti :
- Il a été proposé que l'on donne au Comité National d’Éthique, qui n'a plus grand chose à faire aujourd'hui, l'organisation de conférences de citoyens sur des thèmes d'éthique. Le débat a duré une demie-journée et la droite comme la gauche ont dit que cela faisait partie de leurs prérogatives d'élus et qu'il n'y avait pas à demander aux gens qui ne sont même pas élus leur avis car cela n'était pas démocratique.
1.5.2 (19:56) L'avenir politique pour le tirage au sort devrait être pensé comme processus transformant radicalement et anthropologiquement la société sur une période de temps relativement brève grâce à des acteurs qui émergent et d'autres qui s'en saisissent (exemple du féminisme) et non une révolution de type "prise de la Bastille". (Yves Sintomer)
- Il ne faut pas penser la révolution du 19° et du 20° siècle, ce n'est pas la prise de la Bastille, pas la prise du Palais d'Hiver. Il faut plutôt penser au mouvement féministe qui avait émergé au 19° siècle et qui a pris force massive dans les années 1970 et qui a contribué à transformer radicalement et anthropologiquement la société et a été un bouleversement époqual.
- L'avenir politique du tirage au sort ne devrait pas être pensé comme la prise du palais d'hiver mais comme comme des processus qui à un moment donné font basculer des choses, des acteurs improbables qui émergent, d'autres acteurs qui de façon improbable étaient déjà là qui s'en saisissent ; puis sur une période de temps relativement brève de deux ou trois décennies, on s'aperçoit qu'on a transformé les choses.
- On ne peut pas exclure des choses plus classiques mais l'on n'est plus dans un schéma de révolution type : prise de la Bastille.
1.6 (21:08) Que pensez-vous du printemps arabe ?
1.6.1 Arte - 28 minutes - 17 octobre 2013 (extrait) : La "Révolution de Jasmin" a été une crise politique qui a paralysé la Tunisie
Trois ans après l'élan, la révolution a laissé la place au chaos et à l'instabilité. Il y a eu déception car il n'y a pas eu d'amélioration sur le plan économique, la crise politique a paralysé le pays.
1.6.2 (21:37) La Tunisie est un bon exemple pour réfléchir : pas de travail d'éducation populaire de préparation, pas de tirage au sort mais l'élection d'une législative constituante fabriquant des conflits d'intérêt, travaillant à huit clos, à l'écoute des lobbys, sans débat public et sans présentation de la constitution finale au référendum. (Etienne Chouard) C'est une importation d'une démocratie occidentale. (Jacques Testart)
- La Tunisie est un bon exemple pour réfléchir :
- Ils se sont soulevé pour chasser le tyran et la première chose qu'ils font c'est qu'ils désignent une assemblée qui est à la fois législative et constituante. Ils n'ont pas fait le travail préparatoire d'éducation populaire et n'avaient pas envie du tirage au sort de l'assemblée constituante.
- Ils fabriquent donc les conflits d’intérêts car l'assemblée est constituée de gens à la fois juges et partis; de législateurs qui devraient craindre la constitution mais qui vont écrire eux-mêmes cette constitution.
- De plus les Tunisiens après avoir élu cette législative constituante sont rentrés chez eux et ne l'ont pas surveillée.
- Les constituants travaillent à huit clos, n'informent pas le peuple de ce qu'ils font et il ne peut y avoir de débat public.
- Les constituants se sont doublé leur salaire, se sont voté l'immunité judiciaire, reçoivent les lobbys en secret et notamment les lobbys des banques qui ne vont pas manquer de leur imposer l'indépendance de la Banque centrale ce qui est un sabordage monétaire catastrophique en matière sociétale. Les conséquences sont majeures et ils sont même en train de se préparer à ne pas présenter au référendum le texte sur motif de complexité de mise en oeuvre.
- Remarque de Jacques Testart :
Ils ont importé une démocratie occidentale.
1.6.3 (23:25) Importance de préparer le terrain avec une formation populaire pour que le tirage au sort réapparaisse dans les consciences. (Etienne Chouard)
La révolution pourra se passer par une insurrection ou pas, peu importe qu'elle soit violente, pacifique ou en douceur mais de toute façon il faudra avoir préparé le terrain avec une formation populaire pour que le tirage au sort réapparaisse même dans les consciences.
Il faudrait que nous soyons de millions, de milliards, que cela ne concerne pas qu'un seul pays, il faut que cela soit mondial pour éviter la guerre des oligarchies.
1.6.4 (24:14) Le salut viendra peut-être de la Chine où des intellectuels critiques influents veulent démocratiser et densifier la démocratie et où de nombreuses expériences et des propositions concernant le tirage au sort se multiplient, et ce, à très grande échelle (Yves Sintomer) - La chine peut être le lieu où vont se développer de nouvelles formes démocratiques. (Jacques Testart)
- La solution viendra peut-être de la Chine. (Yves Sintomer)
Il y a des intellectuels critiques chinois aujourd'hui qui ont une influence non négligeable qui souhaitent démocratiser le pays mais sans importer un système qui a été conçu au XVIII° siècle qui visiblement fonctionne mal dans les pays occidentaux et dont l'importation brutale dans les anciens pays d’Europe de l'Est donne des conséquences catastrophiques. Il veulent densifier la démocratie et notamment introduire le tirage au sort.
Il y a aujourd'hui en Chine des expériences non négligeables et des propositions multipliées mais on n'est pas encore absolument sûrs que cela puisse se faire. Dans une situation autoritaire le tirage au sort pourrait être utilisé comme une espèce de sondage grandeur nature permettant de mieux gouverner tout en gardant le pouvoir mais il est aussi possible de penser, et c'est une des possibilités ouvertes pour les deux décennies qui viennent, que pourront se faire des expérimentations du tirage au sort à des échelles énormes utiles pour nous dans l'effort pédagogique.
- La chine peut être le lieu où vont se développer de nouvelles formes démocratiques.(Jacques Testart)
Il y a 4-5 ans a pu se faire une conférence à l'Académie des Sciences de Pékin sur le tirage au sort qui n'aurait pas pu se faire à l'Académie des Sciences française. Il est fort possible qu'en Chine arrivent à se faire des percées qu'on n'arrive pas à faire en Europe.
1.7 (26:21) Et en France ? Sommes-nous en démocratie ?
1.7.1 (26:24) Les élus diront que oui mais on peut s'interroger suite à leur façon de céder aux pressions, au fait qu'ils ne veulent pas rendre de compte et qu'ils sont accrochés à leurs privilèges et n'ont pas envie que cela bouge. Cela entraîne quasiment de la violence. (Jacques Testart)
- Les élus diront diront que nous sommes dans un système de démocratie politique puisqu'on a voté et qu'ils sont en place avec notre assentiment majoritaire maintenant quand on voit les pressions par exemple qui s'exercent sur les élus, leur façon de céder assez facilement que pas mal de problèmes et en particulier dans le domaine des techno-sciences (OGM, nanotechnologies, clonage, etc.) On peut s'interroger et aussi quand on voit plus politiquement comment les élus protègent leurs avantages et ne veulent pas rendre compte des dépenses qu'ils pourraient avoir pour assumer leur charge (refus du contrôle de leurs indemnités pour frais de mandat par les députés - jeudi 19 juillet 2012).
- Comment, si on a des idées intéressantes, peut-on les faire passer devant un tel mur de gens qui sont des privilégiés et qui sont accrochés à leurs privilèges ? Là on ne peut pas dire qu'on est dans un système de démocratie politique parce qu'apparemment cela entraîne quasiment de la violence. Il va falloir heurter ces gens-là, les renverser, ils n'ont pas du tout envie que cela bouge.
1.7.2 (28:10) L'élection démocratique est un oxymore. L'élection c'est choisir le meilleur (aristos) mais le système de la candidature et des partis politiques font que ce sont plutôt les plus riches qui arrivent à financer les campagnes et acheter les médias. Le nom qui convient à notre régime est ploutocratie et cela a été voulu ainsi dès l'origine, notamment par Sieyès et le suffrage censitaire. (Etienne Chouard)
- L'élection démocratique est un oxymore car l'élection par construction consiste à choisir le meilleur, le meilleur : aristos, l’élection est aristocratique et c'est pour cela qu'on n'est pas du tout dans un régime démocratique.
On serait plutôt dans un régime aristocratique si nous arrivions à choisir les meilleurs mais le système de la candidature et les partis politiques font que ce ne sont pas les meilleurs, ce sont les plus riches qui arrivent à financer les campagnes électorales et à acheter les médias sans lesquels on n'est pas élus et généralement c'est un gouvernement de riches par les riches pour les riches.
- Le nom qui convient à notre régime est "ploutocratie" et cela a été voulu ainsi dès l'origine, notamment par Sieyès avec le gouvernement représentatif et le suffrage censitaire qui est un suffrage qui favorise les riches.
1.7.3 (29:31) La réponse ne peut être simple car il y a eu et il y a des conceptions très différentes qui se sont affrontées, des dynamiques sociales. Le pouvoir ne se réduit pas aux élus et régulièrement des groupes subalternes ont fait peser leurs intérêts, opinions et volontés qui ont été pris en compte et il y a aussi un débat public institutionnalisé. Il y a donc des traits ploutocratiques ou oligarchiques mais on ne peut réduire notre situation à cela. (Yves Sintomer)
On ne peut donner une réponse simple à la question "est-ce qu'on est en démocratie ou pas ?" parce que les systèmes et les dynamiques politiques qui sont mises en place en France, aux Etats-Unis et en Angleterre depuis deux siècles ne peuvent se réduire à une seule idée, à une seule conception. Il y a eu des conceptions très différentes qui se sont affrontées et qui continuent à s'affronter aujourd'hui. Il y a eu des dynamiques sociales de politique très différentes, des transformations d'ampleur de la politique depuis deux siècles et on ne peut réduire l'expérience des deux derniers siècles à une ploutocratie ou à une oligarchie libérale. Il y a plutôt des traits ploutocratiques ou oligarchiques.
- Question d'Etienne Chouard
Y-a-t-il des exemples des gouvernements représentatifs qui ne donnent pas le pouvoir aux riches ?
- Réponse d'Yves Sintomer
D'abord il y a tout de même pendant le XX° siècle à travers les partis ouvriers la promotion, à beaucoup d'échelles mais jusqu'au niveau national, de personnes issues des classes populaires.
Deuxièmement le pouvoir ne se réduit pas simplement aux élus et une des caractéristiques des deux derniers siècles c'est que régulièrement les groupes subalternes ont fait irruption sur la scène politique, ont fait peser leurs intérêts, leurs opinions, leurs volontés qui ont été pris en compte. On ne pourrait pas expliquer sans cela l'Etat Providence (ensemble des interventions économiques et sociales de l'Etat. Ex : le système de protection sociale) qui est un compromis.
Le fait qu'il y ait un débat public institutionnalisé sur les choses de la cité constitue un élément fort qui est un élément qui tend vers la démocratie même si le poids des différents groupes sociaux n'est pas égal dans ce débat.
1.8 (31:24) Qu'est-ce qui bloque la modernisation de la politique ?
1.8.1 (31:27) Les représentants politiques servent l’intérêt des banquiers qui achètent les journaux et les télévisions. Il y a corrélation parfaite entre le nombre de passages à la télévision et les résultats électoraux. Le pouvoir médiatique est plus dangereux que le Parlement. (Etienne Chouard)
Nos représentants politiques manifestement servent l'intérêt des banquiers, c'était le cas hier mais cela ne se voyait pas, aujourd'hui cela se voit. Quand les banques achètent les journaux, la télévision et quand on voit la corrélation parfaite qu'il y a entre le nombre de passages à la télévision et les résultats aux élections nos discussion, nos évolutions politiques ne changent rien aux élections. Si nous arrivions à créer un mouvement populaire il n'aurait d'impact que s'il était médiatisé.
Le fait d'être propriétaire du média, donc de son contenu, rend ce propriétaire dangereux. Celui qui possède les médias peut faire élire qui il veut.
Montesquieu, aujourd'hui, ajouterait aux pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires le pouvoir médiatique car il est plus dangereux que le parlement.
1.8.2 (33:09) Ce n'est pas simplement les élus directement qui interviennent pour fabriquer le choix démocratique des citoyens mais aussi les commentateurs, non élus, qui par leurs chroniques à la radio, à la télévision, dans les journaux ont un pouvoir énorme et font que des idées deviennent dominantes sans avoir été discutées. Cela ne correspond pas à une situation démocratique. (Jacques Testart)
Cela dépasse même le cadre des élus, c'est pour tout, un tas de choses de la vie quotidienne.
Ce ne sont pas seulement les élus qui interviennent pour fabriquer finalement ce que l'on appelle le choix démocratique mais c'est aussi par exemple tous ces gens, ces espèces de commentateurs, qui ont des chroniques à la radio, à la télévision, dans les journaux et qui parlent de tous les sujets même débordant de leur domaine de compétence. Ces gens-là sont peu nombreux, quelques dizaines, ils ne sont pas élus mais ont un pouvoir énorme.
C'est vrai que les médias font en sorte qu'il y ait des idées qui deviennent dominantes sans avoir été discutées et que les gens progressivement amassent ça et que cela ne correspond pas à unes situation démocratique.
- Remarque d'Etienne Chouard :
Ils font la doxa sans nous.
1.8.3 (34:19) Il faut nuancer le schéma de la formation d'une pensée consensuelle de l'opinion publique par les médias car les spectateurs ne sont pas passifs et ont une capacité de distanciation ; l'émergence d'Internet a aussi permis une démocratisation considérable de l'information et des sources de discussion dans le débat public. (Yves Sintomer)
- En même temps il y a cet élément là qui me semble évident mais il ne faut pas sous-estimer le fait que les médias ce n'est pas un bloc compact. Il y a une diversité entre les médias selon les pays et une diversité de qualité, de même pour les journalistes.
- L'émergence d'Internet aussi a permis une démocratisation considérable de l'information.
- Puis les gens qui travaillent sur la réception des médias montrent que les spectateurs sont loin d'être passifs, il y a une capacité de distanciation par rapport à ce que l'on écoute.
Il est nécessaire de nuancer fortement le schéma selon lequel finalement il y aurait à travers l'achat direct ou indirect des médias par les banques une formation totalement consensuelle de l'opinion publique. Cette dimension là existe mais on ne peut réduire le débat public à cela.
1.8.4 (35:28) On a l'impression que les acteurs politiques ne servent pas l’intérêt général et servent l'intérêt d'une poignée de privilégiés dont l’intérêt est plus important que l'intérêt général. La façon dont ils ont été désignés joue un rôle important dans les intérêts qu'ils servent. L'élection rend nos acteurs politiques débiteurs d'acteurs puissants économiquement, s'ils étaient tirés au sort ils ne seraient pas débiteurs. Le tirage au sort découple structurellement le politique de l'économie. (Etienne Chouard)
En matière écologique, en matière économique, on a affaire à des catastrophes contre lesquelles on a des tas de solutions et on ne les voit pas du tout appliquées. On a l'impression que les acteurs politiques ne servent pas l'intérêt général et servent l'intérêt d'une poignée de privilégiés dont l'intérêt est plus important que l'intérêt général. On se demande pour qui travaillent les acteurs politiques.
La façon dont les acteurs politiques ont été désignés joue un rôle important dans les intérêts qu'ils servent. S'ils ont été élus grâce à l'argent des médias, qui sont les médias des banques ou des multinationales, et s'ils seront réélus grâce au même argent des mêmes banques, mêmes multinationales, avec les mêmes médias, il n'est pas difficile de comprendre qu'il y a un lien de cause à effet.
Si les acteurs politiques étaient tirés au sort ils ne seraient pas débiteurs comme l'élection les rend débiteurs.
L'élection rend nos acteurs politiques débiteurs d'acteurs puissants économiquement.
On a beaucoup à perdre que ce soit les plus grandes structures économiques qui arrivent à décider à travers le gouvernement prétendument représentatif de qui va être au pouvoir. C'est pour cela que l'idée du tirage au sort est quelque chose de majeur. Le tirage au sort structurellement découple le politique de l'économie.
Si nous tirions au sort plutôt qu'élire nos représentants on permettrait toujours qu'il y ait des riches et des puissants mais ils ne seraient pas en même temps puissants politiquement. Comme c'était à Athènes où il y avait des riches n'avaient pas le pouvoir, ce n'était pas eux qui faisaient les lois, c'était les pauvres.
1.8.5 (37:29) Les élus assument une politique mais ce n'est pas eux qui la créent, ils sont engagés par pas mal d'industriels et de banquiers qui soutiennent les candidats. C'est complètement vérifié par le fait que ces candidats d’obédiences variées font finalement la même politique et c'est pareil dans les autres pays. (Jacques Testart)
L'idée que des forces relativement occultes, pas mal de banquiers et d'industriels, soutiennent les candidats est complètement vérifiée par le fait que des candidats d'obédiences variées , de tendance de gauche ou de droite, font finalement la même politique alors qu'ils ont tenu un discours pour être élus qui était assez contradictoire. Au bout du compte il faut deux à trois mois pour que cela tourne et on se retrouve avec le même gouvernement qu'avant.
Il y a là quelque chose qui montre que ces gens élus assument une politique mais que ce n'est pas eux qui la créent et qu'ils sont obligés, qu'ils sont engagés par toujours les mêmes qui sont dans la coulisse pour faire que cette politique là soit celle de notre pays. Et c'est pareil dans tous les autres pays, c'est pareil partout.
1.8.6 (38:19) Pendant quelques décennies il y avait des canaux de communication entre citoyens et décideurs à travers des partis au nombre d'adhérents plus important qui étaient au milieu d'un réseau de mouvements qui les imbibaient de leurs demandes. Ce rôle là n'existe plus. On a l'impression que la politique en général tourne à vide et constitue une espèce de théâtre masquant le fait que les décisions les plus importantes se passent en coulisse. (Yves Sintomer)
L'un des problèmes fondamentaux de notre conjoncture actuelle c'est que pendant un certain temps, pendant quelques décennies sans doute, à travers les partis politiques on avait d'un coté la canalisation de ce qui se faisait dans la société à travers des structures assez hiérarchisées, à travers un personnel politique qui ne reflétait pas la réalité de la population, mais on avait tout de même des canaux de communication entre citoyens et décideurs, et cela n'existe plus ou n'existe qu'à la marge. Ces canaux se faisaient à travers ces partis qui avaient plus d'adhérents qu'aujourd'hui (Le parti communiste avait 630 000 adhérents en 1978 - 138 000 en 2014 ; le RPR avait 700 000 - l'UMP 205 000 en 2014) et qui étaient au milieu d'un réseau de mouvements qui les imbibaient de leurs demandes. Avec le poids croissant de la "crise économique et sociale", la mondialisation néolibérale telle qu'elle s'est pratiquée dans les dernières décennies on a l'impression que la politique en général tourne de plus en plus à vide et constitue une espèce de théâtre masquant le fait que les décisions les plus importantes se passent en coulisse.
1.9 Conclusion - Propositions de solution
1.9.1 (39:54) La mise en évidence de la centralité du tirage au sort par les philosophes à l'époque athénienne a bien été retenue par les classes possédantes d'où sa non-application et son non-enseignement dans les écoles. Une école démocratique enseignerait le choix de société qu'il y a entre tirage au sort et élection. (Etienne Chouard)
Il semble que cette mise en évidence de la centralité du tirage au sort par les philosophes à l'époque athénienne a bien été retenue par les classes possédantes et que c'est ce qui explique qu'ensuite ils aient bien fait attention à ce que non seulement plus jamais on n'applique le tirage au sort mais même à ce qu'on ne l'enseigne pas à l'école. Dans les écoles républicaines on n'entend pas parler du tirage au sort, on n'en explique pas la centralité et l'importance.
Une école démocratique enseignerait le choix de société du tirage au sort qu'il y a entre tirage au sort et élection.
Dès l'époque athénienne le tirage au sort était connu comme central.
1.9.2 (40:55) On a une urgence démocratique, on est dans une situation périlleuse, on est dans l'inédit. Les solutions ne sont pas apportées par ceux qui nous dirigent puisque tout continue. Les choses évoluent plus vite que les conférences internationales qui sont supposées les régler. Les solutions à trouver ne peuvent venir que de la base. (Jacques Testart)
Là on a une urgence démocratique à régler, on est dans une situation tout à fait périlleuse : on est en train de fabriquer un climat qui va être hostile à tous les êtres vivants, on est en train de polluer complètement, de diminuer la diversité, on est en train d'aller dans des choses inédites. On est dans l'inédit, on a une urgence de faire des choix et on ne peut plus considérer les choses de façon un peu académique. Aujourd'hui il faut qu'on trouve des solutions or les solutions ne nous sont visiblement pas apportées par ceux qui nous dirigent puisque tout continue. Il y a des réunions internationales mais il ne se passe rien or les choses évoluent à une vitesse beaucoup plus rapide que les conférences internationales qui sont supposées les régler donc il faut trouver d'autres solutions.
Ces solutions ne peuvent venir que de la base.
Argumenter que ce serait du populisme, c'est un peu facile, à dire soit l'élitisme soit le populisme, on n'avance pas.
1.9.3 (41:25) Le tirage au sort ne pourra venir que sur la base de multiples expériences réellement menées sur des sujets importants ; sur la base de travail de "propagande" de gens convaincus dans les milieux militants, associatifs, universitaires et de la presse ; avec la conjonction de la demande populaire, des instituts de sondages, des journalistes, de certains élus voire d'industriels ou de grands groupes. (Yves Sintomer)
Le tirage au sort ne pourra venir que sur la base d’expérimentations pratiques déjà réalisées qui auront donné à ces acteurs différents potentiels, la sensation que cela pouvait marcher, que c'était intéressant, que c'était une voie dynamique.
Donc sur la base de ces multiples expériences, on peut penser qu'on pourra avoir la conjonction :
- - de demande populaire - pour trouver d'autres modes que l'élection, donc le tirage au sort,
- - des instituts de sondage - qui auront envie du tirage au sort parce que cela leur fera un marché supplémentaire,
- - des journalistes - qui à travers le tirage au sort pourront se faire les porte-paroles de ces processus. Le tirage au sort sera un pouvoir supplémentaire dans leurs mains par rapport aux élus,
- - certains élus - vu l'état de méfiance des citoyens par rapport au système politique. On peut se profiler de façon positive à travers le tirage au sort,
- - voire des industriels ou de grands groupes - pour prendre de la distance par rapport aux intérêt de cette classe politique sachant que la politique telle qu'elle fonctionne aujourd'hui mène dans le mur.
On aura des gens très différents avec des objectifs fondamentalement diversifiés qui, si cela peut se cristalliser, se cristallisera sur la base d'expériences réelles menées sur des sujets importants et aboutissant aussi à des inflexions au moins des politiques publiques menées pour montrer que cela peut produire des effets concrets ET sur la base de travail de "propagande" de gens qui en sont convaincus, dans le milieu militant, dans le milieu associatif, dans le milieu universitaire, dans la presse.
2 Réflexions complémentaires - Liens - Livres
- Plan détaillé minuté : Jacques Testart - Comment les citoyens peuvent s'emparer des choix de société ? ( Pi Wu)
- Jacques Testart : les conferences citoyennes
- L'humanitude au pouvoir - Comment les citoyens peuvent décider du bien commun
- Jacques Testart : les conferences citoyennes
- Yves Sintomer: représentation et tirage au sort
- Document:Petite histoire de l'expérimentation démocratique, Tirage au sort et politique d'Athènes à nos jours de Yves Sintomer
- Débat Etienne Chouard & Jacques Testart :