Ce qui fait la Grece:T1:D'Homère à Héraclite : Différence entre versions
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'''Particularité de la religion grecque''' : Il n’y a pas de dogme, pas de révélation, pas de vérité ''ne varietur'' reposant sur une autorité transcendante. Le lien entre l’absence de révélation et la saisie imaginaire première du monde grec, moyennant aussi les autres éléments, permet la discussion, la remise en question de la représentation sociale et non pas une interprétation comme suite aux monothéismes. Cela implique une recréation perpétuelle des mythes, l’exemple le plus riche de cette recréation est la tragédie. Cette liberté de création est en quelque sorte une expression de la communauté politique et fait partie du culte civique.<br><br> | '''Particularité de la religion grecque''' : Il n’y a pas de dogme, pas de révélation, pas de vérité ''ne varietur'' reposant sur une autorité transcendante. Le lien entre l’absence de révélation et la saisie imaginaire première du monde grec, moyennant aussi les autres éléments, permet la discussion, la remise en question de la représentation sociale et non pas une interprétation comme suite aux monothéismes. Cela implique une recréation perpétuelle des mythes, l’exemple le plus riche de cette recréation est la tragédie. Cette liberté de création est en quelque sorte une expression de la communauté politique et fait partie du culte civique.<br><br> | ||
Pour les grecs, les dieux ne sont pas des « dieux grecs », il n’y a pas de caractère national mais juste des dieux. La religion grecque est une religion civique, de la ''polis'' : le culte politique concerne la cité sans corps sacerdotal pour prendre en charge les cérémonies, ce sont des grecs nommés par la cité qui s’occupent du culte. Les dieux ne sont pas non plus exclusifs d’une cité ou même des grecs, ce sont les dieux de tout le monde sans caractère ethnique ou national. Ce sont des dieux universels.<br><br> | Pour les grecs, les dieux ne sont pas des « dieux grecs », il n’y a pas de caractère national mais juste des dieux. La religion grecque est une religion civique, de la ''polis'' : le culte politique concerne la cité sans corps sacerdotal pour prendre en charge les cérémonies, ce sont des grecs nommés par la cité qui s’occupent du culte. Les dieux ne sont pas non plus exclusifs d’une cité ou même des grecs, ce sont les dieux de tout le monde sans caractère ethnique ou national. Ce sont des dieux universels.<br><br> | ||
+ | '''II – Mythes et philosophie'''<br><br> | ||
+ | Le mythe n’a pas pour sens ou fonction d’opérer une organisation logique du monde et surtout pas selon une logique d’oppositions binaires, la logique binaire n’est qu’un instrument (# structuralisme). L’organisation véritable du mythe est celle d’un magma. Le mythe est la figuration au moyen d’un récit du sens dont une société donnée investit le monde, il met en acte ce sens et le figure par un récit. Le mythe est porteur d’un sens essentiel pour la société considérée, et d’un sens qui au moins pour cette société est universel, un sens essentiel et organisateur du monde. Le mythe comme dépositaire premier des significations imaginaires centrales d’une société contient en germe quelque chose comme de la philosophie, il répond à la question sur le sens. Il n’y a pas de rupture ni d’opposition ni de simple continuation entre le mythe et la philosophie.<br><br> | ||
+ | '''II.a - Le passage du mythe grec avec le discours philosophique''' se fait notamment avec le fait que les mythes grecs portent des significations essentielles et universelles qui ne valent pas seulement pour la société qui les a engendrés, ainsi par exemple les mythes de narcisse et d’Œdipe, et ils dévoilent une signification du monde qu’on ne peut réduire à aucun type de rationalité, une signification qui présente constamment le sens sur un fond d’a-sensé (un fond de non-sens) ou le non-sens pénétrant partout le sens – donc '''un a-sensé d’où émerge le sens et y revient qui constitue le sol nourricier de l’imaginaire social grec et qui permettra la création de la philosophie et de la démocratie'''.<br><br> | ||
+ | '''II.b - Le fond d’a-sensé d’où émerge le sens''' : le monde pour les grecs émerge du chaos où l’existence même apparaît comme un excès, une ''hubris''. Le chaos initial est un vide, une béance, un creux, une matrice. L’être advient à partir du non-être essentiel du vide. Le chaos-abîme est un mélange informe où coexistent toutes les formes à venir ; et la condition effective de possibilité et de réalité des formes c’est l’indéterminé - l’''apeiron'' d’Anaximandre (premier philosophe) - l’''arkhé'' élément primordial d’Aristote , l’inconnaissable, sans limite, sans de-finition, sans de-limitation, sans de-termination ; donc l’indifférencié qui contient des possibilités de différenciation. Le premier texte où on trouve le terme ''khaos'' (chaos) est dans la Théogonie d’Hésiode (en premier est advenu le vide ''Khaos'' puis la Terre ''Gaia'' puis ''Eros'').<br><br> | ||
+ | La possibilité historique de la philosophie dépend du fait que le monde, à la fois, est et n’est pas sensé. Il s’agit d’instaurer un certain cosmos dans un monde humain qui, sans exclure toute forme d’ordre, n’est pas ordonné par lui-même de part en part. La loi est à instaurer contre les éléments chaotiques, hubristiques du monde humain. '''C’est ce rapport sens – non sens qui permet l’auto-institution de la collectivité par une activité politique.'''<br><br> | ||
+ | '''II.c - Ce rapport sens – non sens se retrouve dans le couple ''Kosmos'' - ''Kaos'' ou encore le couple ''Diké'' - ''hubris'' qui ouvre la dimension philosophique et la dimension anthropologique.'''<br><br> | ||
+ | Il y a deux niveaux de sens du couple ''hubris'' (transgression) – ''diké'' (justice).<br><br> | ||
+ | '''Au plan anthropologique''', au niveau profond, il n’y a pas d’opposition mais chaos, loi d’annihilation régnant sur le monde. Dans la conception originaire grecque du monde, il n’y a aucune ''diké'' pour l’homme, aucune rétribution, aucun rapport entre ses actes, ses mérites et son destin.<br><br> | ||
+ | '''Au niveau social et politique''', il y a une ''diké'' qui règle les affaires inter-humaines et aboutira à la conception d’une loi instaurée dans et par la cité ; l’être humain est créateur en vue de l’activité politique. Anaximandre (premier philosophe) dit que les être se donnent les uns aux autres « ''diké'' », justice, ajustement, rétablissement d’un ordre qui a été troublé de l’injustice « ''adikia'' » ou ''hubris'' humaine. Tout vient de l’''apeiron'' (l’indéterminé)et tout y retourne ; et l’''hubris'' et l’''adikia'' dont les êtres doivent payer le prix, c’est leur existence même car c’est le même principe exister et annihiler l’exister qui préside à leur engendrement et à leur corruption. La première saisie imaginaire du monde pour les grecs est que la loi ultime est elle-même aveugle : elle est ce qu’elle est, émergence et destruction, elle n’a aucune raison et n’est pas rationalisable. La philosophie depuis Anaximandre est d’essayer de comprendre comment l’''apeiron'' peut être principe d’un ''Kosmos'' et comment on arrive quand même à ce qu’il y ait pour nous du ''peras'', c'est-à-dire du déterminé. La pensée apparaît comme intéressée par son propre intérêt, se crée de la vérité au sens factuel, une vérité qui est toujours interrogation.<br><br> |
Version du 31 janvier 2013 à 00:50
Titre : | it la Grece:T1:D'Homère à Héraclite |
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Auteur(s) : | Castoriadis |
Résumé Court : | http://www.amazon.fr/Ce-qui-fait-Gr%C3%A8ce-H%C3%A9raclite/dp/2020632519 :
Quatrième de couverture :
Ce qui fait la Grèce, 1 est le deuxième volume de La Création humaine II, publication intégrale des séminaires de Castoriadis à l'EHESS de 1980 à 1995. |
Difficulté (de lecture) : | Aisée.
Écriture claire et limpide. Contenu dense. Auteur très pédagogue ! |
Pages liées : | Spécial:Pages_liées/Ce qui fait la Grece:T1:D'Homère à Héraclite |
Résumé
Avant même l’émergence de la polis (cité) on peut discerner les germes de la création dans la première saisie imaginaire du monde et de la vie par les grecs telle qu’elle s’exprime dans la religion et les mythes. Le noyau imaginaire de la saisie grecque du monde consiste en la genèse et destruction soumises à une loi qui est au-delà du sens et du non-sens humains.
I - La saisie imaginaire première du monde pour les grecs, avant la philosophie et la démocratie, forme le noyau de la constitution grecque du monde.
- Dans les significations des poèmes, l’Iliade et l’odyssée, d’Homère (éducateur ou instituteur de la Grèce) se trouvent les germes de ce qui sera la constitution du monde grec classique. Le mythe établit la liaison fondamentale entre imagination créatrice et mémoire, comme parenté profonde et en même temps altérité. Il devient sacré parce que fondateur de la Grèce et non l’inverse. Ce n’est pas un texte religieux, révélé, prophétique mais un texte poétique. Il rappelle ce qui a été et ce qui est en même temps le linéament de ce qui est, de ce qui peut être. Il dit sans imposer, sans donner d’ordre, sans promettre.
- L’essentiel de l’imaginaire grec est la saisie tragique du monde et se retrouve au centre des significations des poèmes. L’Iliade, grand texte fondateur de la Grèce, est en acte et littéralement une tragédie. La tragédie c’est l’inexorable et l’impuissance humaine, le caractère inéluctable de la réalisation du destin, de la moira. C’est le socle de la vision grecque du monde. La moira est une des données fondamentales de l’organisation du monde pour les grecs. L’accomplissement de la moira est constamment conditionné par les transgressions, le dépassement des limites, l’hubris. Et au cœur de cette vision tragique du monde se trouve la donnée incontournable de la mort, mort vécue sans embellissement ni compensation et la contradiction, le déchirement entre l’évitement de la mort et l’évitement d’une vie qui ne contiendrait pas ce qui la rendrait digne d’être vécue.
La fin de l’Iliade est une fin de réconciliation, une réunification d’éléments jusqu’alors antagoniques.
I.a - Les grands thèmes des poèmes homériques sont la moira, la liberté, l’universalité, l’impartialité :
Moira : ni le destin ni le fatum mais la mort. C’est une puissance impersonnelle qui s’impose aux hommes comme aux dieux, une loi du monde dont le domaine est celui des limites, des bornes, des perata qui garantit la non transgression même à l’intérieur des activités humaines. Les décrets de la moira concerne la limite ultime de l’existence. Aucun pouvoir n’est éternel pas même celui des dieux. La condition homérique de la moira est la base de toute recherche rationnelle, les lois imposent des limites à toutes choses et l’homme est principe et commencement de ce qui adviendra. Cette coexistence de la loi impersonnelle, non dépendante du divin, et de la libre décision de l’homme face à elle libère l’homme grec pour l’action aussi bien dans le domaine pratique, politique que dans le domaine de la pensée (thème de la liberté). Si l’homme transgresse les limites internes de l’existence c’est qu’il est emporté par l’hubris qui est rage et transgression. La moira est donc le germe de la pensée rationnelle.
Universalité : c’est à travers la négation absolue et ultime de la mort que l’universel de l’humanité est établi dans les poèmes homériques. C’est un moment d’identification à l’autre, de sympathie, d’empathie.
Impartialité : égale valeur de tous les hommes. C’est un moment fondateur et essentiel dont le déroulement se trouve dans la philosophie, la démocratie, l’histoire, l’ethnographie, l’autocontestation des institutions politiques de la société, etc. et implique la réflexion, la critique, la relativisation, l’éventuel changement.
I.b - Des éléments annonciateurs de la constitution d’une communauté politique, à la base de la polis démocratique se trouvent au sein des poèmes homériques :
La notion de monstre : relatée par l’épisode des Cyclopes. Il y a la position, la définition de ce qui distingue les êtres humains, une collectivité humaine, de ce qui n’est pas humain, de ce qui est monstrueux, inhumain. Les Cyclopes n’ont pas d’assemblées délibératives (agoraï boulephoroi) où se prennent les avis et décisions et n’ont pas de lois posées ni d’institutions (thémistes) caractéristiques des humains. L’épisode donne la définition de la société humaine comme société politique avec des lois et des assemblées délibératives. Il est à noter qu’il y a une assemblée des dieux et délibération de cette assemblée avec agora des dieux.
La conception de la justice : un élément apparaît aussi c’est une conception de la justice – une dické – l’idée des choses justes ou injustes, l’idée d’une norme non encore formulée de façon stricte (loi écrite) mais qui doit guider et permettre de jauger les actes et les comportements.
L’individualisation : par le dépassement du monde héroïque comme monde individualiste où tout est très explicitement centré sur le héros, ses exploits et son destin.
Le Kleos et le Kudos : sont les germes contenus dans les poèmes qui vont pouvoir se développer dans le monde grec ultérieur comme valeurs cardinales. Ce sont la renommée et la gloire. Ces deux éléments donnent à la culture grecque, à la création grecque, un caractère agonistique (agonistique = qui a un rapport au combat) avec en élément essentiel l’aristeia (aristos) qui est l’excellence (la valeur suprême), être supérieur aux autres dans le combat ou les jeux ou dans la cité comme solidarité des citoyens. Cet aspect agonistique se retrouve aussi dans le domaine du savoir et de la compétition discursive (discours) avec l’ho kreittôn logos – le discours qui s’impose (pas le plus fort ou simplement le plus puissant. Le kleos et le kudos sont inséparables de l’honneur et du parler juste dans déformer, soit la parrhésia.
I.c- La religion homérique n’était pas une cause mais une condition ayant permis l’émergence d’une libre recherche et d’une collectivité démocratique.
Il y a surgissement avec Homère de dieux, les Olympiens, en tant que divinités politiques - culte unique rattaché à la polis comme unité tendant vers un autogouvernement. C’est un magma de significations imaginaires sociales et contemporain de la constitution de la polis à travers l’adhésion de la communauté des citoyens libres aux valeurs politiques incarnées, notamment, par leurs dieux.
Rapports hommes/dieux : Aucun comportement humain n’a pour conséquence normale, prévisible, d’attirer de la part des dieux récompense ou punition. Pas d’expiation ou de crainte révérencieuse envers les dieux. Pas de conseil pour sa conduite morale. Les hommes ne sont pas indignes par rapport aux dieux.
Les dieux ne sont pas tous puissants ni omniscients, ils sont eux aussi soumis à la moira. Les dieux grecs sont dénués de toute qualité éthique – ils mentent, ils complotent. Un tirage au sort avait déterminé les domaines attribués aux trois dieux principaux, Poséidon, Hadès et Zeus. Les dieux n’avaient pas créé le monde, ils n’étaient pas responsables.
Il n’y a pas de fracture ontologique entre les hommes et les dieux même s’il y a bien trois plans différents entre le non-humain, l’humain et les dieux. Il n’y a pas non plus de véritable transcendance entre non-humains, humains et les dieux mais une articulation. C’est un monde qui est articulé mais sans séparation, sans coupure. Tous (non-humains, humains et humanisés, dieux) émergent du chaos et sont soumis à la moira.
Ce rapport Homme/dieux est un effet libérateur pour l’action et la conscience.
Particularité de la religion grecque : Il n’y a pas de dogme, pas de révélation, pas de vérité ne varietur reposant sur une autorité transcendante. Le lien entre l’absence de révélation et la saisie imaginaire première du monde grec, moyennant aussi les autres éléments, permet la discussion, la remise en question de la représentation sociale et non pas une interprétation comme suite aux monothéismes. Cela implique une recréation perpétuelle des mythes, l’exemple le plus riche de cette recréation est la tragédie. Cette liberté de création est en quelque sorte une expression de la communauté politique et fait partie du culte civique.
Pour les grecs, les dieux ne sont pas des « dieux grecs », il n’y a pas de caractère national mais juste des dieux. La religion grecque est une religion civique, de la polis : le culte politique concerne la cité sans corps sacerdotal pour prendre en charge les cérémonies, ce sont des grecs nommés par la cité qui s’occupent du culte. Les dieux ne sont pas non plus exclusifs d’une cité ou même des grecs, ce sont les dieux de tout le monde sans caractère ethnique ou national. Ce sont des dieux universels.
II – Mythes et philosophie
Le mythe n’a pas pour sens ou fonction d’opérer une organisation logique du monde et surtout pas selon une logique d’oppositions binaires, la logique binaire n’est qu’un instrument (# structuralisme). L’organisation véritable du mythe est celle d’un magma. Le mythe est la figuration au moyen d’un récit du sens dont une société donnée investit le monde, il met en acte ce sens et le figure par un récit. Le mythe est porteur d’un sens essentiel pour la société considérée, et d’un sens qui au moins pour cette société est universel, un sens essentiel et organisateur du monde. Le mythe comme dépositaire premier des significations imaginaires centrales d’une société contient en germe quelque chose comme de la philosophie, il répond à la question sur le sens. Il n’y a pas de rupture ni d’opposition ni de simple continuation entre le mythe et la philosophie.
II.a - Le passage du mythe grec avec le discours philosophique se fait notamment avec le fait que les mythes grecs portent des significations essentielles et universelles qui ne valent pas seulement pour la société qui les a engendrés, ainsi par exemple les mythes de narcisse et d’Œdipe, et ils dévoilent une signification du monde qu’on ne peut réduire à aucun type de rationalité, une signification qui présente constamment le sens sur un fond d’a-sensé (un fond de non-sens) ou le non-sens pénétrant partout le sens – donc un a-sensé d’où émerge le sens et y revient qui constitue le sol nourricier de l’imaginaire social grec et qui permettra la création de la philosophie et de la démocratie.
II.b - Le fond d’a-sensé d’où émerge le sens : le monde pour les grecs émerge du chaos où l’existence même apparaît comme un excès, une hubris. Le chaos initial est un vide, une béance, un creux, une matrice. L’être advient à partir du non-être essentiel du vide. Le chaos-abîme est un mélange informe où coexistent toutes les formes à venir ; et la condition effective de possibilité et de réalité des formes c’est l’indéterminé - l’apeiron d’Anaximandre (premier philosophe) - l’arkhé élément primordial d’Aristote , l’inconnaissable, sans limite, sans de-finition, sans de-limitation, sans de-termination ; donc l’indifférencié qui contient des possibilités de différenciation. Le premier texte où on trouve le terme khaos (chaos) est dans la Théogonie d’Hésiode (en premier est advenu le vide Khaos puis la Terre Gaia puis Eros).
La possibilité historique de la philosophie dépend du fait que le monde, à la fois, est et n’est pas sensé. Il s’agit d’instaurer un certain cosmos dans un monde humain qui, sans exclure toute forme d’ordre, n’est pas ordonné par lui-même de part en part. La loi est à instaurer contre les éléments chaotiques, hubristiques du monde humain. C’est ce rapport sens – non sens qui permet l’auto-institution de la collectivité par une activité politique.
II.c - Ce rapport sens – non sens se retrouve dans le couple Kosmos - Kaos ou encore le couple Diké - hubris qui ouvre la dimension philosophique et la dimension anthropologique.
Il y a deux niveaux de sens du couple hubris (transgression) – diké (justice).
Au plan anthropologique, au niveau profond, il n’y a pas d’opposition mais chaos, loi d’annihilation régnant sur le monde. Dans la conception originaire grecque du monde, il n’y a aucune diké pour l’homme, aucune rétribution, aucun rapport entre ses actes, ses mérites et son destin.
Au niveau social et politique, il y a une diké qui règle les affaires inter-humaines et aboutira à la conception d’une loi instaurée dans et par la cité ; l’être humain est créateur en vue de l’activité politique. Anaximandre (premier philosophe) dit que les être se donnent les uns aux autres « diké », justice, ajustement, rétablissement d’un ordre qui a été troublé de l’injustice « adikia » ou hubris humaine. Tout vient de l’apeiron (l’indéterminé)et tout y retourne ; et l’hubris et l’adikia dont les êtres doivent payer le prix, c’est leur existence même car c’est le même principe exister et annihiler l’exister qui préside à leur engendrement et à leur corruption. La première saisie imaginaire du monde pour les grecs est que la loi ultime est elle-même aveugle : elle est ce qu’elle est, émergence et destruction, elle n’a aucune raison et n’est pas rationalisable. La philosophie depuis Anaximandre est d’essayer de comprendre comment l’apeiron peut être principe d’un Kosmos et comment on arrive quand même à ce qu’il y ait pour nous du peras, c'est-à-dire du déterminé. La pensée apparaît comme intéressée par son propre intérêt, se crée de la vérité au sens factuel, une vérité qui est toujours interrogation.