Ce qui fait la Grece:T1:D'Homère à Héraclite

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Titre : it la Grece:T1:D'Homère à Héraclite
Auteur(s) : wikipediafr:Cornelius_Castoriadis
Résumé Court : http://www.amazon.fr/Ce-qui-fait-Gr%C3%A8ce-H%C3%A9raclite/dp/2020632519 :

Quatrième de couverture :

«Ce qui fait la Grèce, ce n'est pas la mesure et l'harmonie, ni une évidence de vérité comme "dévoilement". Ce qui fait la Grèce, c'est la question du non-sens ou du non-être. »
Le présent volume, qui reprend les cinq premiers mois d'enseignement de Cornelius Castoriadis à l'École des hautes études en sciences sociales en 1982-1983, est consacré en partie à l'explicitation de ces formules, au premier abord déconcertantes, tirées d'un texte inédit de 1979 également reproduit ici. Sont aussi abordés dans ce volume des thèmes comme le caractère original de la double création grecque de la démocratie et de la philosophie, la place de l'individu et l'expérience de la mort dans le monde homérique, la nature de la religion et de la mythologie grecques, ou la naissance de l'interrogation philosophique chez certains présocratiques comme Anaximandre ou Héraclite. Ces thèmes sont mis en rapport avec ce qui fut l'un des principaux objets de la réflexion de Castoriadis : l'apparition de sociétés capables de mettre en question leurs propres fondements.

Ce qui fait la Grèce, 1 est le deuxième volume de La Création humaine II, publication intégrale des séminaires de Castoriadis à l'EHESS de 1980 à 1995.
Le résumé complet du livre

Difficulté (de lecture) : Aisée.

Écriture claire et limpide. Contenu dense. Auteur très pédagogue !

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Sommaire

1 Résumé



Avant même l’émergence de la polis (cité) on peut discerner les germes de la création dans la première saisie imaginaire du monde et de la vie par les grecs telle qu’elle s’exprime dans la religion et les mythes. Le noyau imaginaire de la saisie grecque du monde consiste en la genèse et destruction soumises à une loi qui est au-delà du sens et du non-sens humains.


1.1 La saisie imaginaire première du monde pour les grecs, avant la philosophie et la démocratie, forme le noyau de la constitution grecque du monde.

Dans les significations des poèmes, l’Iliade et l’odyssée, d’Homère (éducateur ou instituteur de la Grèce) se trouvent les germes de ce qui sera la constitution du monde grec classique. Le mythe établit la liaison fondamentale entre imagination créatrice et mémoire, comme parenté profonde et en même temps altérité. Il devient sacré parce que fondateur de la Grèce et non l’inverse. Ce n’est pas un texte religieux, révélé, prophétique mais un texte poétique. Il rappelle ce qui a été et ce qui est en même temps le linéament de ce qui est, de ce qui peut être. Il dit sans imposer, sans donner d’ordre, sans promettre.

L’essentiel de l’imaginaire grec est la saisie tragique du monde et se retrouve au centre des significations des poèmes. L’Iliade, grand texte fondateur de la Grèce, est en acte et littéralement une tragédie. La tragédie c’est l’inexorable et l’impuissance humaine, le caractère inéluctable de la réalisation du destin, de la moira. C’est le socle de la vision grecque du monde. La moira est une des données fondamentales de l’organisation du monde pour les grecs. L’accomplissement de la moira est constamment conditionné par les transgressions, le dépassement des limites, l’hubris. Et au cœur de cette vision tragique du monde se trouve la donnée incontournable de la mort, mort vécue sans embellissement ni compensation et la contradiction, le déchirement entre l’évitement de la mort et l’évitement d’une vie qui ne contiendrait pas ce qui la rendrait digne d’être vécue.

La fin de l’Iliade est une fin de réconciliation, une réunification d’éléments jusqu’alors antagoniques.

1.1.1 Les grands thèmes des poèmes homériques sont la moira, la liberté, l’universalité, l’impartialité :

Moira : ni le destin ni le fatum mais la mort. C’est une puissance impersonnelle qui s’impose aux hommes comme aux dieux, une loi du monde dont le domaine est celui des limites, des bornes, des perata qui garantit la non transgression même à l’intérieur des activités humaines. Les décrets de la moira concerne la limite ultime de l’existence. Aucun pouvoir n’est éternel pas même celui des dieux. La condition homérique de la moira est la base de toute recherche rationnelle, les lois imposent des limites à toutes choses et l’homme est principe et commencement de ce qui adviendra. Cette coexistence de la loi impersonnelle, non dépendante du divin, et de la libre décision de l’homme face à elle libère l’homme grec pour l’action aussi bien dans le domaine pratique, politique que dans le domaine de la pensée (thème de la liberté). Si l’homme transgresse les limites internes de l’existence c’est qu’il est emporté par l’hubris qui est rage et transgression. La moira est donc le germe de la pensée rationnelle.

Universalité : c’est à travers la négation absolue et ultime de la mort que l’universel de l’humanité est établi dans les poèmes homériques. C’est un moment d’identification à l’autre, de sympathie, d’empathie.

Impartialité : égale valeur de tous les hommes. C’est un moment fondateur et essentiel dont le déroulement se trouve dans la philosophie, la démocratie, l’histoire, l’ethnographie, l’autocontestation des institutions politiques de la société, etc. et implique la réflexion, la critique, la relativisation, l’éventuel changement.

1.1.2 Des éléments annonciateurs de la constitution d’une communauté politique, à la base de la polis démocratique se trouvent au sein des poèmes homériques :

La notion de monstre : relatée par l’épisode des Cyclopes. Il y a la position, la définition de ce qui distingue les êtres humains, une collectivité humaine, de ce qui n’est pas humain, de ce qui est monstrueux, inhumain. Les Cyclopes n’ont pas d’assemblées délibératives (agoraï boulephoroi) où se prennent les avis et décisions et n’ont pas de lois posées ni d’institutions (thémistes) caractéristiques des humains. L’épisode donne la définition de la société humaine comme société politique avec des lois et des assemblées délibératives. Il est à noter qu’il y a une assemblée des dieux et délibération de cette assemblée avec agora des dieux.

La conception de la justice : un élément apparaît aussi c’est une conception de la justice – une dické – l’idée des choses justes ou injustes, l’idée d’une norme non encore formulée de façon stricte (loi écrite) mais qui doit guider et permettre de jauger les actes et les comportements.

L’individualisation : par le dépassement du monde héroïque comme monde individualiste où tout est très explicitement centré sur le héros, ses exploits et son destin.

Le Kleos et le Kudos : sont les germes contenus dans les poèmes qui vont pouvoir se développer dans le monde grec ultérieur comme valeurs cardinales. Ce sont la renommée et la gloire. Ces deux éléments donnent à la culture grecque, à la création grecque, un caractère agonistique (agonistique = qui a un rapport au combat) avec en élément essentiel l’aristeia (aristos) qui est l’excellence (la valeur suprême), être supérieur aux autres dans le combat ou les jeux ou dans la cité comme solidarité des citoyens. Cet aspect agonistique se retrouve aussi dans le domaine du savoir et de la compétition discursive (discours) avec l’ho kreittôn logos – le discours qui s’impose (pas le plus fort ou simplement le plus puissant). Le kleos et le kudos sont inséparables de l’honneur et du parler juste dans déformer, soit la parrhésia.

1.1.3 La religion homérique n’était pas une cause mais une condition ayant permis l’émergence d’une libre recherche et d’une collectivité démocratique.

Il y a surgissement avec Homère de dieux, les Olympiens, en tant que divinités politiques - culte unique rattaché à la polis comme unité tendant vers un autogouvernement. C’est un magma de significations imaginaires sociales et contemporain de la constitution de la polis à travers l’adhésion de la communauté des citoyens libres aux valeurs politiques incarnées, notamment, par leurs dieux.

Rapports hommes/dieux : Aucun comportement humain n’a pour conséquence normale, prévisible, d’attirer de la part des dieux récompense ou punition. Pas d’expiation ou de crainte révérencieuse envers les dieux. Pas de conseil pour sa conduite morale. Les hommes ne sont pas indignes par rapport aux dieux.

Les dieux ne sont pas tous puissants ni omniscients, ils sont eux aussi soumis à la moira. Les dieux grecs sont dénués de toute qualité éthique – ils mentent, ils complotent. Un tirage au sort avait déterminé les domaines attribués aux trois dieux principaux, Poséidon, Hadès et Zeus. Les dieux n’avaient pas créé le monde, ils n’étaient pas responsables.

Il n’y a pas de fracture ontologique entre les hommes et les dieux même s’il y a bien trois plans différents entre le non-humain, l’humain et les dieux. Il n’y a pas non plus de véritable transcendance entre non-humains, humains et les dieux mais une articulation. C’est un monde qui est articulé mais sans séparation, sans coupure. Tous (non-humains, humains et humanisés, dieux) émergent du chaos et sont soumis à la moira.

Ce rapport Homme/dieux est un effet libérateur pour l’action et la conscience.

Particularité de la religion grecque : Il n’y a pas de dogme, pas de révélation, pas de vérité ne varietur reposant sur une autorité transcendante. Le lien entre l’absence de révélation et la saisie imaginaire première du monde grec, moyennant aussi les autres éléments, permet la discussion, la remise en question de la représentation sociale et non pas une interprétation comme suite aux monothéismes. Cela implique une recréation perpétuelle des mythes, l’exemple le plus riche de cette recréation est la tragédie. Cette liberté de création est en quelque sorte une expression de la communauté politique et fait partie du culte civique.

Pour les grecs, les dieux ne sont pas des « dieux grecs », il n’y a pas de caractère national mais juste des dieux. La religion grecque est une religion civique, de la polis : le culte politique concerne la cité sans corps sacerdotal pour prendre en charge les cérémonies, ce sont des grecs nommés par la cité qui s’occupent du culte. Les dieux ne sont pas non plus exclusifs d’une cité ou même des grecs, ce sont les dieux de tout le monde sans caractère ethnique ou national. Ce sont des dieux universels.

1.2 Mythes et philosophie

Le mythe n’a pas pour sens ou fonction d’opérer une organisation logique du monde et surtout pas selon une logique d’oppositions binaires, la logique binaire n’est qu’un instrument (# structuralisme). L’organisation véritable du mythe est celle d’un magma. Le mythe est la figuration au moyen d’un récit du sens dont une société donnée investit le monde, il met en acte ce sens et le figure par un récit. Le mythe est porteur d’un sens essentiel pour la société considérée, et d’un sens qui au moins pour cette société est universel, un sens essentiel et organisateur du monde. Le mythe comme dépositaire premier des significations imaginaires centrales d’une société contient en germe quelque chose comme de la philosophie, il répond à la question sur le sens. Il n’y a pas de rupture ni d’opposition ni de simple continuation entre le mythe et la philosophie.


1.2.1 Le passage du mythe grec avec le discours philosophique

Le passage du mythe grec avec le discours philosophique se fait notamment avec le fait que les mythes grecs portent des significations essentielles et universelles qui ne valent pas seulement pour la société qui les a engendrés, ainsi par exemple les mythes de narcisse et d’Œdipe, et ils dévoilent une signification du monde qu’on ne peut réduire à aucun type de rationalité, une signification qui présente constamment le sens sur un fond d’a-sensé (un fond de non-sens) ou le non-sens pénétrant partout le sens – donc un a-sensé d’où émerge le sens et y revient qui constitue le sol nourricier de l’imaginaire social grec et qui permettra la création de la philosophie et de la démocratie.


1.2.2 Le fond d’a-sensé d’où émerge le sens

Le monde pour les grecs émerge du chaos où l’existence même apparaît comme un excès, une hubris. Le chaos initial est un vide, une béance, un creux, une matrice. L’être advient à partir du non-être essentiel du vide. Le chaos-abîme est un mélange informe où coexistent toutes les formes à venir ; et la condition effective de possibilité et de réalité des formes c’est l’indéterminé - l’apeiron d’Anaximandre (premier philosophe) - l’arkhé élément primordial d’Aristote , l’inconnaissable, sans limite, sans de-finition, sans de-limitation, sans de-termination ; donc l’indifférencié qui contient des possibilités de différenciation. Le premier texte où on trouve le terme khaos (chaos) est dans la Théogonie d’Hésiode (en premier est advenu le vide Khaos puis la Terre Gaia puis Eros).

La possibilité historique de la philosophie dépend du fait que le monde, à la fois, est et n’est pas sensé. Il s’agit d’instaurer un certain cosmos dans un monde humain qui, sans exclure toute forme d’ordre, n’est pas ordonné par lui-même de part en part. La loi est à instaurer contre les éléments chaotiques, hubristiques du monde humain. C’est ce rapport sens – non sens qui permet l’auto-institution de la collectivité par une activité politique.

1.2.3 Ce rapport sens – non sens se retrouve dans le couple Kosmos - Kaos ou encore le couple Diké - hubris qui ouvre la dimension philosophique et la dimension anthropologique.

Il y a deux niveaux de sens du couple hubris (transgression) – diké (justice).

Au plan anthropologique, au niveau profond, il n’y a pas d’opposition mais chaos, loi d’annihilation régnant sur le monde. Dans la conception originaire grecque du monde, il n’y a aucune diké pour l’homme, aucune rétribution, aucun rapport entre ses actes, ses mérites et son destin.

Au niveau social et politique, il y a une diké qui règle les affaires inter-humaines et aboutira à la conception d’une loi instaurée dans et par la cité ; l’être humain est créateur en vue de l’activité politique. Anaximandre (premier philosophe) dit que les être se donnent les uns aux autres « diké », justice, ajustement, rétablissement d’un ordre qui a été troublé de l’injustice « adikia » ou hubris humaine. Tout vient de l’apeiron (l’indéterminé)et tout y retourne ; et l’hubris et l’adikia dont les êtres doivent payer le prix, c’est leur existence même car c’est le même principe exister et annihiler l’exister qui préside à leur engendrement et à leur corruption. La première saisie imaginaire du monde pour les grecs est que la loi ultime est elle-même aveugle : elle est ce qu’elle est, émergence et destruction, elle n’a aucune raison et n’est pas rationalisable. La philosophie depuis Anaximandre est d’essayer de comprendre comment l’apeiron peut être principe d’un Kosmos et comment on arrive quand même à ce qu’il y ait pour nous du peras, c'est-à-dire du déterminé. La pensée apparaît comme intéressée par son propre intérêt, se crée de la vérité au sens factuel, une vérité qui est toujours interrogation.


1.3 La philosophie et la démocratie naissent ensemble du même mouvement.

La démocratie et la philosophie sont inséparables et indissociables dans le fait de leur genèse et au plan de la signification. Elles remettent en cause et en question la domination et l’institution héritée. Il y a un nouveau rapport de l’homme à la vérité et à la loi, une ouverture d’un espace public, une création. L’activité politique et l’activité philosophique posent elles-mêmes des critères de la justice et de la vérité. La Grèce a le monopole de la démocratie et de la philosophie.

La naissance de la polis est en même temps naissance d’une mise en question généralisée. La raison au sens premier c’est cela. La constitution de la polis et d’une communauté qui se pose la question de la loi est déjà une philosophie en acte, une philosophie agie, qui soulève la question de ce qu’il faut faire et en même temps la question des critères en fonction desquelles on y répondra.

La pensée grecque s’articule contre le chaos et un affrontement entre l’apparence et l’être, la vérité et la doxa (illusion, erreur, division)


1.3.1 Anaximandre

Pour Anaximandre l’être est apeiron , indéfini, indéterminé, illimité et sans forme, hors terme et hors mesure. L’harmonie, le terme, la mesure grecque sont créés et conquis sur et contre cette expérience fondamentale et originaire des grecs avec en contre poids l’expérience de la phusis (nature) comme ordre vivant et sensible, auto engendrement régulier, puissance portée d’elle-même à l’acte, harmonie et beauté naturelles, ordre désigné sous le nom de Kosmos (ordre, bon ordre, forme).


1.3.2 Héraclite

Héraclite arrive à un moment crucial, la même période que le démos dirigé par Clisthène en 508 av JC introduit la démocratie, au plein sens du terme.

Une nouvelle étape de la pensée s’effectue avec Héraclite car il délimite pleinement le domaine grec en affirmant cette universalité du logos et l’égale participation de tous au logos – position foncièrement démocratique. Il a dit en philosophie que la possibilité d’accéder à la vérité appartient à tous les hommes. C’est dans Héraclite que l’on trouvera la première affirmation dans toute l’histoire connue sur la capacité universelle de tous les êtres humains d’accéder à la vérité.

Le logos : Héraclite va se passionner pour la question de savoir sous quelles conditions on peut énoncer quelque chose de vrai, sous quelles conditions l’énonciation est possible. Les hommes sont dans le langage, le logos, un langage inadéquat parce qu’il sépare. Le langage est obligé de fixer, de séparer arbitrairement les prédicats des choses et de l’être. La prédiction est obligée de séparer en quoi elle ne correspond pas à ce est et elle est nécessairement relative à, pros ti , le risque est de transformer un prédicat relatif en prédicat absolu.

La relativité des données sensorielles : Héraclite pose la relativité des données sensorielles ainsi que la contrariété qui est coexistence des contraires et à la fois détermination ontologique (constitutive de ce qui est) et principe actif, cette coexistence étant aussi principe d’unité et d’harmonie (harmonie résultant donc des contraires). Ce qui s’oppose à soi-même s’accorde avec soi-même. La plus belle harmonie est celle qui est produite par des entités en conflit. Tout advient selon l’eris, discorde et dispute.

La loi : Pour Archélaos (premier philosophe athénien connu au V° siècle) le juste et l’injuste existent non pas dans et par la nature mais dans et par la loi. Héraclite oppose la recherche à la tradition, il établit la nécessité de la loi pour la communauté politique. Le questionnement univoque sur la loi est une racine, un fondement de l’institution. Qu’est-ce-que la loi, qu’es t-ce-qu’une loi juste, quand une loi est-elle juste ? « Le peuple doit se battre pour la loi comme pour ses murailles. » Pour Héraclite le seul daimôn auquel nous soyons soumis c’est notre propre éthos, notre disposition, attitude ou façon d’être par rapport au monde.

Les apparences : L’apparaître (ou les apparences) et l’être (ce qui est vraiment) ne sont pas séparés, les hommes ne voient que les apparences et s’ils constatent qu’il s’agit d’apparences ils en restent à cette séparation radicale entre ce qui apparaît et ce qui est. Il ya la capacité universelle d’accéder à la vérité à travers l’idée de l’unité des contraires et affirmation d’un monde qui est le même pour tous, que derrière les apparences se trouve une unité de ce qui apparaît et de ce qui est, que dans ce contexte tout est un, avec l’affirmation de l’unité de tout. Sur cet un règnent incontestablement une diké (une justice) et un nomos (une loi).

Unité : Il existe un monde unique et commun et être éveillé c’est vivre dans ce monde-là, ce monde que parcours le logos et auquel les hommes participent. Le penser est commun à tous, il appartient à tous les hommes de se connaître eux-mêmes et de pense correctement. La sensorialité, source d’erreurs, fait partie de la réalité et il existe toujours une correspondance entre elle et tout ce sui est ; aussi, les hommes, grâce à la sensorialité, ne peuvent jamais être totalement privés d’accès à la réalité. Tout est un, un est le cosmos concret et actif, tout diffère et tout est un, tout change en étant éternel. Le cosmos est lui-même soumis à la loi.

L’homme : L’erreur et le malheur de l’homme c’est qu’il introduit une séparation sans savoir que c’est lui qui l’introduit par sa croyance en sa pensée propre (idia phronésis) qui le sépare du xunos logos, de la raison qui sous-tend et parcourt tout ce qui est et le nourrit aussi. L’homme doit surmonter son idia phonésis par un travail constant de la pensée.


1.4 Démocratie des cités grecques et démocratie

1.4.1 La démocratie des cités grecques :

L’émergence :

La position ontologique affective des grecs est la découverte, la désoccultation de l’Abîme. Il y a reconnaissance, décision et volonté d’affronter l’Abîme.

L’humanité constate son inexistence et se met à faire, à se faire. L’expérience fondamentale grecque est le dévoilement du non-sens irrémissible, l’être étant indissociablement enchaîné au non-être.

Le cycle éternellement recommencé de l’injustice, de la démesure et de l’outrage conduisant à la catastrophe et à la destruction permettant un rétablissement de l’ordre par la diké et le nemesis est le premier fonds sur lequel se constitue la première saisie imaginaire du monde par les grecs. Ce premier fonds contient déjà la notion d’universalité avec la notion d’impartialité du regard, relativisation des lois, des normes et des mots mêmes.

L’apparition des sociétés qui mettent en cause et en question leurs institutions représente une création ontologique, un eidos qui se modifie en tant qu’eidos. L’interrogation est une activité de transformation de l’institution, est une position interrogeante qui présuppose et entraine qui s’interroge elle-même.

La loi et les affaires communes deviennent pour la première fois objet d’activité collective explicite, réfléchie au sens qu’elle est discutée comme telle dans ses finalités mêmes (pas seulement dans ses modalités, moyens, aspects techniques) donc activité qui vise l’institution de la société comme telle, activité explicite et autonome, politique.

La philosophie en acte :

Dans les cités grecques, dès le VII° siècle, avant Thales, a surgit une philosophie en acte – ergô – et pas seulement en paroles – logô- comme lutte politique à l’intérieur de la communauté avec une remise en question de l’ordre institué. Avant la philosophie, le démos (peuple) fait de la philosophie en acte en contestant dans et par ses actes par les discours et discussions, par une argumentation et une réflexion, l’idée d’une loi donnée et donc en interrogeant à la fois le contenu et la source de la loi (qui pose la loi, le nomos ?), en voulant y répondre en se définissant lui-même comme cette source (la question du nomos posé en acte par l’activité politique amène le démos à s’auto définir comme source de la loi), siège du pouvoir effectif, de la capacité législative et de l’exercice de la justice. L’opposition nomos/phusis (loi/nature) permettra la constitution d’une communauté instituée et instituante.

La polis en communauté politique :

Pour transformer la polis en communauté politique, le démos doit créer le logos comme discours exposé au contrôle et à la critique de tous et de soi-même ; pour cela le démos instaure en acte un espace public et commun pour l’exposition des opinions, la discussion et la délibération présupposant et entraînant une égalité et une liberté en vue de rechercher la vérité, la loi dans la finalité des actes et la loi comme telle elle-même. La démocratie est le seul régime où un espace public véritable existe.

Espace public : L’agora, à Athènes, était portée par l’intérêt actif des citoyens qui décident suite à la discussion incessante des affaires communes par la délibération. C’est la démocratie directe définie entre autres par le tirage au sort des magistrats, les postes électifs se limitant aux stratèges concernant des tâches de technicité et d’expertise (les stratèges étant choisis par le peuple). La loi est posée par les êtres humains et par la communauté politique.

La démocratie directe :

La démocratie directe des athéniens implique que le corps politique légifère et gouverne en personne, elle requiert une participation effective des citoyens aux affaire de la polis, participation encouragée et optimale par l’éthos général de la communauté. La polis démocratique n’est pas un état mais elle est la communauté des citoyens.

Les institutions de la polis démocratique des Athéniens traduisent un processus d’auto-institution explicite continuée pendant quatre siècles.

L’échec de la démocratie athénienne :

Cette démocratie échoue par l’hubris, parce qu’elle n’arrive pas à s’autolimiter ni à s’universaliser. Elle a planté elle-même les germes de a guerre du Péloponnèse et de sa défaite en restreignant la liberté, l’égalité et la justice à l’espace étroit de la cité.

1.4.2 La démocratie :

La démocratie signifie que le peuple se pose comme peuple d’égaux quant au pouvoir et à la loi. Le peuple pose et dit le droit à partir de lui-même.

La démocratie est le régime qui n’a à craindre que ses propres erreurs. Elle n’est pas garantie contre elle-même. Elle est auto-institution explicite puisque rien ne limite le pouvoir légiférant du peuple et que toute limite qui serait imposée à ce pouvoir résulterait d’un acte de ce pouvoir. La démocratie est une activité politique explicitement auto-instituante de la collectivité. La politique est une activité qui vise l’institution de la société comme telle.

L’institution de la démocratie ne connait d’autre limite que son autolimitation, autolimitation pour l’individu et pour le peuple (démos) par la loi et la justice.

La démocratie est le régime qui s’institue comme auto-instituante explicite permanente et qui institue les conditions de son autolimitation. Elle tente de maitriser l’hubris qui appartient à tout ce qui est humain. Elle est réponse à l’hubris mais non son extinction. Il ne peut exister de barrière externe à la possibilité d’hubris des humains. Personne et rien ne peut les garantir contre eux-mêmes.

Lien entre la démocratie et l’histoire : Ce n’est qu’en démocratie qu’il peut y avoir une histoire explicite et réciproquement une mémoire historique explicite et critique est une condition du fonctionnement et de l’existence même de la démocratie en tant qu’autolimitation et repère par un dialogue silencieux du peuple avec son propre passé ; l’histoire sauvant de l’oubli les origines multiples qui ont été le passé est en vérité la libération du présent et ouverture de l’avenir.

1.5 Quelques repères chronologiques :

Cités démocratiques :

Fin VII° siècle av JC Crète à Dréros ( première loi écrite avec des éléments démocratiques)
Athènes – les lois de Dracon en 620 av JC - législation de Solon en 592 av JC – Rhétra de Chios

Instauration de la grande démocratie classique :

Athènes – réforme de Clisthène en 508 av JC

Guerres médiques : 490- 480 av JC

Guerres du Péloponnèse qui est la défaite historique de la démocratie même si la démocratie subsiste encore au IV ° siècle av JC à Athènes : 431 – 404 av JC


Le résumé du Tome 2 "La cité et les lois" qui poursuit le sujet

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