Constitution montagnarde de 1793
1 Histoire
La Constitution de l'an I (ou constitution montagnarde) est élaborée pendant la Révolution française par la Convention montagnarde et promulguée solennellement le 6 messidor an I (24 juin 1793). Elle ne fut jamais appliquée.
Approuvée par référendum dans des circonstances assez spécifiques (il y eut plus de cinq millions d'abstentionnistes sur un contingent d'environ sept millions d'électeurs, en raison de la publicité du vote, à savoir que le caractère secret du vote n'était pas mis en avant), cette constitution très démocratique – suffrage universel masculin – et décentralisatrice ne fut pas appliquée, en raison de conflits internes ainsi qu'externes au sein de l'Etat Français.
2 Constitution De La 1ere République 1793
La Constitution du 24 juin 1793
2.1 Décret du 21 septembre 1792
La Convention nationale déclare : 1° Qu'il ne peut y avoir de Constitution que celle qui est acceptée par le Peuple ; 2° Que les personnes et les propriétés sont sous la sauvegarde de la Nation.
2.2 Décret des 21-22 septembre 1792
La Convention nationale décrète à l'unanimité que la royauté est abolie en France.
2.3 Déclaration du 25 septembre 1792
La Convention nationale déclare que la République française est une et indivisible.
2.4 Constitution du 24 juin 1793
2.4.1 DECLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN
Le peuple français, convaincu que l'oubli et le mépris des droits naturels de l'homme, sont les seules causes des malheurs du monde, a résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, ces droits sacrés et inaliénables, afin que tous les citoyens pouvant comparer sans cesse les actes du gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais opprimer, avilir par la tyrannie ; afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de sa liberté et de son bonheur ; le magistrat la règle de ses devoirs ; le législateur l'objet de sa mission. - En conséquence, il proclame, en présence de l'Etre suprême, la déclaration suivante des droits de l'homme et du citoyen.
2.4.1.1 ARTICLE PREMIER.
Le but de la société est le bonheur commun. - Le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la puissance de ses droits naturels et imprescriptibles.
2.4.1.2 ART. 2.
Ces droits sont l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété.
2.4.1.3 ART. 3.
Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi.
2.4.1.4 ART. 4.
La loi est l'expression libre et solennelle de la volonté générale ; elle est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ; elle ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société ; elle ne peut défendre que ce qui lui est nuisible.
2.4.1.5 ART. 5.
Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois publics. Les peuples libres ne connaissent d'autres motifs de préférence, dans leurs élections, que les vertus et les talents.
2.4.1.6 ART. 6.
La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui : elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait.
2.4.1.7 ART. 7.
Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la vole de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s'assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits. - La nécessité d'énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.
2.4.1.8 ART. 8.
La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.
2.4.1.9 ART. 9.
La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui gouvernent.
2.4.1.10 ART. 10.
Nul ne doit être accusé, arrêté ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites. Tout citoyen, appelé ou saisi par l'autorité de la loi, doit obéir à l'instant ; il se rend coupable par la résistance.
2.4.1.11 ART. 11.
Tout acte exercé contre un homme hors des cas et sans les formes que la loi détermine, est arbitraire et tyrannique ; celui contre lequel on voudrait l'exécuter par la violence a le droit de le repousser par la force.
2.4.1.12 ART. 12.
Ceux qui solliciteraient, expédieraient, signeraient, exécuteraient ou feraient exécuter des actes arbitraires, seraient coupables, et doivent être punis.
2.4.1.13 ART. 13.
Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.
2.4.1.14 ART. 14.
Nul ne doit être jugé et puni qu'après avoir été entendu ou légalement appelé, et qu'en vertu d'une loi promulguée antérieurement au délit. La loi qui punirait les délits commis avant qu'elle existât serait une tyrannie ; l'effet rétroactif donné à la loi serait un crime.
2.4.1.15 ART. 15.
La loi ne doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaires : les peines doivent être proportionnées au délit et utiles à la société.
2.4.1.16 ART. 16.
Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie.
2.4.1.17 ART. 17.
Nul genre de travail, de culture, de commerce, ne peut être interdit à l'industrie des citoyens.
2.4.1.18 ART. 18.
Tout homme peut engager ses services, son temps ; mais il ne peut se vendre, ni être vendu ; sa personne n'est pas une propriété aliénable. La loi ne reconnaît point de domesticité ; il ne peut exister qu'un engagement de soins et de reconnaissance, entre l'homme qui travaille et celui qui l'emploie.
2.4.1.19 ART. 19.
Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement, si ce n'est lorsque la nécessité publique légalement constatée l'exige, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.
2.4.1.20 ART. 20.
Nulle contribution ne peut être établie que pour l'utilité générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir à l'établissement des contributions, d'en surveiller l'emploi, et de s'en faire rendre compte.
2.4.1.21 ART. 21.
Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler.
2.4.1.22 ART. 22.
L'instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens.
2.4.1.23 ART. 23.
La garantie sociale consiste dans l'action de tous, pour assurer à chacun la jouissance et la conservation de ses droits ; cette garantie repose sur la souveraineté nationale.
2.4.1.24 ART. 24.
Elle ne peut exister, si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si la responsabilité de tous les fonctionnaires n'est pas assurée.
2.4.1.25 ART. 25.
La souveraineté réside dans le peuple ; elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable.
2.4.1.26 ART. 26.
Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais chaque section du souverain assemblée doit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec une entière liberté.
2.4.1.27 ART. 27.
Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes libres.
2.4.1.28 ART. 28.
Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.
2.4.1.29 ART. 29.
Chaque citoyen a un droit égal de concourir à la formation de la loi et à la nomination de ses mandataires ou de ses agents.
2.4.1.30 ART. 30.
Les fonctions publiques sont essentiellement temporaires ; elles ne peuvent être considérées comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs.
2.4.1.31 ART. 31.
Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul n'a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens.
2.4.1.32 ART. 32.
Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l'autorité publique ne peut, en aucun cas, être interdit, suspendu ni limité.
2.4.1.33 ART. 33.
La résistance à l'oppression est la conséquence des autres Droits de l'homme.
2.4.1.34 ART. 34.
Il y a oppression contre le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.
2.4.1.35 ART. 35.
Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.
2.4.2 ACTE CONSTITUTIONNEL
2.4.2.1 ARTICLE PREMIER.
La République française est une et indivisible.
2.4.2.2 ART. 2.
Le peuple français est distribué, pour l'exercice de sa souveraineté, en Assemblées primaires de canton.
2.4.2.3 ART. 3.
Il est distribué, pour l'administration et pour la justice, en départements, districts, municipalités.
2.4.2.4 ART. 4.
Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; - Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année - Y vit de son travail - Ou acquiert une propriété - Ou épouse une Française - Ou adopte un enfant - Ou nourrit un vieillard ; - Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l'humanité - Est admis à l'exercice des Droits de citoyen français.
2.4.2.5 ART. 5.
L'exercice des Droits de citoyen se perd - Par la naturalisation en pays étranger - Par l'acceptation de fonctions ou faveurs émanées d'un gouvernement non populaire ; - Par la condamnation à des peines infamantes ou afflictives, jusqu'à réhabilitation.
2.4.2.6 ART. 6.
L'exercice des Droits de citoyen est suspendu - Par l'état d'accusation ; - Par un jugement de contumace, tant que le jugement n'est pas anéanti.
2.4.2.7 ART. 7.
Le peuple souverain est l'universalité des citoyens français.
2.4.2.8 ART. 8.
Il nomme immédiatement ses députés.
2.4.2.9 ART. 9.
Il délègue à des électeurs le choix des administrateurs, des arbitres publics, des juges criminels et de cassation.
2.4.2.10 ART. 10.
Il délibère sur les lois.
2.4.2.11 ART. 11.
Les Assemblées primaires se composent des citoyens domiciliés depuis six mois dans chaque canton.
2.4.2.12 ART. 12.
Elles sont composées de deux cents citoyens au moins, de six cents au plus, appelés à voter.
2.4.2.13 ART. 13.
Elles sont constituées par la nomination d'un président, de secrétaires, de scrutateurs.
2.4.2.14 ART. 14.
Leur police leur appartient.
2.4.2.15 ART. 15.
Nul n'y peut paraître en armes.
2.4.2.16 ART. 16.
Les élections se font au scrutin, ou à haute voix, au choix de chaque votant.
2.4.2.17 ART. 17.
Une Assemblée primaire ne peut, en aucun cas, prescrire un mode uniforme de voter.
2.4.2.18 ART. 18.
Les scrutateurs constatent le vote des citoyens qui, ne sachant pas écrire, préfèrent de voter au scrutin.
2.4.2.19 ART. 19.
Les suffrages sur les lois sont donnés par oui et par non.
2.4.2.20 ART. 20.
Le voeu de l'Assemblée primaire est proclamé ainsi : "Les citoyens réunis en Assemblée primaire de... au nombre de... votants, votent pour ou votent contre, à la majorité de..."
2.4.2.21 ART. 21.
La population est la seule base de la représentation nationale.
2.4.2.22 ART. 22.
Il y a un député en raison de quarante mille individus.
2.4.2.23 ART. 23.
Chaque réunion d'Assemblées primaires, résultant d'une population de 39 000 à 41 000 âmes, nomme immédiatement un député.
2.4.2.24 ART. 24.
La nomination se fait à la majorité absolue des suffrages.
2.4.2.25 ART. 25.
Chaque Assemblée fait le dépouillement des suffrages, et envoie un commissaire pour le recensement général au lieu désigné comme le plus central.
2.4.2.26 ART. 26.
Si le premier recensement ne donne point de majorité absolue, il est procédé à un second appel, et on vote entre les deux citoyens qui ont réuni le plus de voix.
2.4.2.27 ART. 27.
En cas d'égalité de voix, le plus âgé a la préférence, soit pour être ballotté, soit pour être élu. En cas d'égalité d'âge, le sort décide.
2.4.2.28 ART. 28.
Tout Français exerçant les droits de citoyen est éligible dans l'étendue de la République.
2.4.2.29 ART. 29.
Chaque député appartient à la nation entière.
2.4.2.30 ART. 30.
En cas de non-acceptation, démission, déchéance ou mort d'un député, il est pourvu à son remplacement par les Assemblées primaires qui l'ont nommé.
2.4.2.31 ART. 31.
Un député qui a donné sa démission ne peut quitter son poste qu'après l'admission de son successeur.
2.4.2.32 ART. 32.
Le peuple français s'assemble tous les ans, le 1er mai, pour les élections.
2.4.2.33 ART. 33.
Il y procède quel que soit le nombre de citoyens ayant droit d'y voter.
2.4.2.34 ART. 34.
Les Assemblées primaires se forment extraordinairement, sur la demande du cinquième des citoyens qui ont droit d'y voter.
2.4.2.35 ART. 35.
La convocation se fait, en ce cas, par la municipalité du lieu ordinaire du rassemblement.
2.4.2.36 ART. 36.
Ces Assemblées extraordinaires ne délibèrent qu'autant que la moitié, plus un, des citoyens qui ont droit d'y voter, sont présents.