1 SITUATION ACTUELLE
1.1 Le salaire, du pouvoir d’achat au pouvoir économique
« Le salaire tel que nous le concevons actuellement »
Il y a un déplacement à opérer dans le regard que nous portons sur le salaire.
Ce regard est aliéné, les idées reçues sont un très gros handicap aux émancipations radicales dont le salaire est porteur.
Les idées reçues sont qu’avec son salaire on doit pouvoir vivre et faire vivre ceux dont on a la charge, et que chacun doit être payé en proportion de la pénibilité ou de la responsabilité de son travail.
Le salaire est défini comme prix du travail : le salaire sert à satisfaire les besoins des travailleurs, le salaire est le prix de la force de travail, le gagne pain.
Le salaire est défini comme revenu du travailleur : Le salaire est la rémunération du travail, la récompense de l’effort.
La conséquence directe de ces idées reçues est de faire du salaire un pouvoir d’achat. Le salaire donne un pouvoir d’achat à la mesure du travail fourni.
Cela implique deux dérives de pensée ; minorité sociale et contrepartie :
- La minorité sociale renvoie à la définition classique du salarié : en échange de la subordination à un employeur qui assume le risque de la production, il a le droit à la sécurité de ses ressources. C’est un mineur social.
Une part du droit du travail s’est construite sur cette structure asymétrique du rapport salarial, et entretient cette représentation du salaire comme ce qui est dû à un mineur social : un pouvoir d’achat pour satisfaire ses besoins. C’est la représentation courante du salaire comme rémunération de la productivité mais qui ne pose la question de qui décide de la production et sur la base de quelle définition de la valeur. Le travailleur produit pour être payé. Son capital humain n’est pas envisagé du point de vue de la maîtrise de la production qu’il lui permettrait mais juste du point de vue du revenu qu’il est en droit ou en capacité d’en tirer.
Modification de MinoritéSociale
|
- La contrepartie du salaire en travail c’est la représentation du salaire comme pouvoir d’achat à la mesure du travail fourni. Cela a pour conséquence la proratisation.
prise en compte de la durée de cotisation dans le calcul de la pension qui génère notamment une pension de droit directe inférieure de 47 % aux femmes qui ont déjà un salaire inférieur de 20 % à ceux des hommes et qui est un outil qui transforme la pension comme salaire continué en pension comme revenu différé sur le modèle suédois. Modification de Proratisation
|
Le capitalisme pose le temps de travail comme mesure de valeur, à une représentation du salaire comme contrepartie d’un temps de travail.
La représentation du travailleur, et partant du salaire, que tente d’imposer le capital consiste à définir les producteurs par la ressource qu’ils tirent de leur capital humain, et non pour leur capacité à décider de la valeur économique et donc de ce qui va être produit, par qui et comment.
Si la classe dirigeante entend affirmer le lien entre travail, emploi et pouvoir d’achat, c’est que ce lien est un des lieux essentiels de son pouvoir. Afficher « travail, emploi, pouvoir d’achat » est possible parce qu’une majorité adhère au fait que le travail s’exerce dans le cadre d’un emploi et donne au travailleur un pouvoir d’achat, et que cela est bon : plein emploi, hausse du pouvoir d’achat, qu'y a t'il à redire ? Poser qu’il faut, et que nous pouvons nous libérer de ce consensus, c’est souligner l’ampleur du déplacement de nos représentations qu’impose l’indispensable sortie du capitalisme.Modification de ProducteurRessource
|
En appréhendant le salaire du point de vue de la valeur économique, on s’empêche de voir comment il est possible de s’appuyer sur lui pour supprimer le crédit lucratif et la propriété lucrative. Et on en reste à des propositions de taxation du capital, de nationalisation des banques et de certaines entreprises décisives, de création de monnaie par la banque centrale pour financer des investissements publics.
1.2 Qu’est-ce que travailler ?
La distinction entre valeur d’usage et valeur économique repose dans le capitalisme sur deux dimensions du travail, le travail concret et le travail abstrait.
Valeur d’usage et valeur économique : la valeur d’usage d’un bien ou d’un service c’est ce à quoi il sert concrètement. Sa valeur économique s’évalue en monnaie. Un produit sans valeur économique peut bien sûr avoir une valeur d’usage car tout ce qui est utile n’est pas forcément de valeur économique. Exemple : le café préparé au sein d’un foyer entre amis et celui préparé par un garçon de café en ville. La valeur économique dépend de l’institution dans laquelle s’inscrit la production d’usage.
Produire des valeurs d’usage c’est produire de la richesse mais pas forcement de la valeur économique, c’est être actif mais pas forcement travailler.
Un parent au foyer peut être actif et pourtant il ne travaille pas, son travail de préparer un café ne serait du travail que s’il était employé d’un cafetier. Les retraités sont actifs mais ne travaillent pas. Ces activités, travail concret, produisent des valeurs d’usage et ne vont produire de la valeur économique et ne seront considérées comme du travail que lorsqu’elles sont dans le cadre de leur emploi ou de leur grade.Modification de ValeurUsageExemple
|
Depuis le capitalisme, la valeur économique est définie par le travail abstrait et la définition du travail doit inclure celui-ci.
Le capital a inventé l’abstraction du travail dans une forme qui permet le profit lié à la propriété lucrative. Il a libéré la valeur économique de rapports sociaux qui la naturalisaient et la limitaient, et l’a enfermé dans un autre rapport de pouvoir.
Dans le capitalisme, le travail abstrait est la dépense d’énergie humaine qui, définie par sa durée, sert de mesure de la valeur économique dans une économie qui repose sur l’extraction de plus-value ou survaleur par la réduction des personnes, dans la production, à des forces de travail. Le profit qui permet la mise en valeur d’un capital suppose une violence sociale indéfiniment renouvelée qui place d’un côté des propriétaires lucratifs maîtres de la valeur économique et de l’autre des forces de travail appliquées à produire des « marchandises » sous le joug de la valeur-travail. Les titulaires de force de travail produisent la valeur économique mais n’en sont pas les sujets, ils ne possèdent pas la valeur économique, ni n’en décident. Ils ne maîtrisent pas le travail dans ses fins et ses moyens. Le propriétaire lucratif n’utilise pas lui-même son patrimoine et permet de tirer un revenu qui est né non pas du propriétaire lui-même mais du travail d’autrui. La création pourtant salutaire du travail abstrait n’a pas aboli le pouvoir au cœur de la valeur économique mais en a déplacé le lieu et le fondement au bénéfice du capital.
institution de la convention capitaliste du travail, la marchandise est un bien ou service vendu pour la récupération par le capitaliste de survaleur ou plus-value, qui résulte entre le temps de mobilisation de la force de travail dans les conditions moyennes de productivité (valeur du produit du travail) et le temps de sa (re)production (valeur de la force de travail, salaire) la valeur économique du produit étant supérieure à celle de la force de travail mise en œuvre, apparue dans l’acte de production. Le souci constant d’augmenter le taux de survaleur dans les conditions de la concurrence intercapitaliste conduit à réduire en permanence le temps de force de travail par unité produite donc par plus de technologie d’où une consommation plus grande de capital réduisant les taux de profit poussant à une nouvelle réduction du temps de travail par unité produite conduit à un cercle vicieux. Cette dérive ne peut se résoudre que par des crises périodiques qui réduisent le capital suraccumulé et restaurent le taux de profit, ou par une extension infinie du champ de la production soumise à la loi de la valeur. Le travail abstrait que pratique le capitalisme est aujourd’hui un obstacle décisif au travail concret.Modification de Marchandise
|
Modification de TravailAbstrait
|
L’emploi est l’institution du travail cohérente avec la définition capitaliste de la valeur économique. La valeur économique est crée dans le cadre de l’emploi.
La production de valeur économique est naturalisée, la forme qu’elle prend dans nos sociétés capitalistes est posée comme naturelle, relevant de l’évidence.Ainsi l’évidence du caractère inévitable du gain de temps par le progrès technologique ou l’identification entre travail et emploi, exemple : les retraité sont présumés produire de la valeur d’usage mais pas de la valeur économique parce qu’ils n’ont pas d’emploi et que quelqu’un qui n’a pas d’emploi fait du travail concret mais ne peut pas faire du travail abstrait. C'est l’opinion courante due à l’intériorisation de la forme de valeur économique du capital.
Cette naturalisation s’opère par superposition de la valeur d’usage sur la valeur économique. Le fondement de la valeur économique d’un bien, ce serait « évidemment » sa valeur d’usage.
La valeur économique rabattue sur la valeur d’usage ne serait que la mesure, la quantification (valeur économique, travail abstrait) du qualificatif (valeur d’usage, travail concret). Et non seulement le prix mais le type et les quantités de biens produits seraient décidés par la demande. La valeur économique ne serait enjeu de pouvoir qu’entre les capitalistes qui se font concurrence pour produire au moindre prix. Ce seraient donc au final les consommateurs qui décideraient de la valeur économique avec la notion de pouvoir d’achat du salaire. Les travailleurs producteurs de la valeur économique ne sont définis que par leur capacité à produire des valeurs d’usage. La force de travail n’existe que relativement à la production de valeur économique et donc au travail abstrait mais l’idéologie de légitimation du capital en fera la forme naturelle de la capacité à produire de la valeur d’usage. « Chacun a une force de travail. »Modification de NaturalisationValeurUsageValeurEconomique
|
Le capital construit et entretient un récit du travail comme activité rémunérée et la représentation du salaire comme pouvoir d’achat. La monnaie serait une institution diaphane qui sert à troquer des valeurs d’usage entre elles selon la loi de l’offre et de la demande ; les pris et les quantités renverraient aux « préférences » du consommateur.
La convention capitaliste du travail ce sont les institutions dans lesquelles est produite la valeur économique dans le capitalisme et donc la définition du travail abstrait qui y prévaut et comporte la propriété lucrative, le marché du travail (le marché des forces du travail), la valeur-travail et la création monétaire par le crédit bancaire.
L’anticipation de la production valeur économique, à la base de toute création monétaire, est ainsi étroitement articulée à la production de marchandises capitalistes puisque la monnaie est créée d’abord par le prêt que les banques consentent aux entreprises sur la base de leur chiffre d’affaire attendu. Qu’il s’agissent pour les banques de prêter des dépôts de monnaie déjà en circulation ou de créer de la monnaie au-delà de ces dépôts, le prêt est une institution décisive de la convention capitaliste du travail. L’appropriation de la survaleur par les propriétaires lucratifs fait de ceux-ci des prêteurs et du crédit la source légitime du financement de l’investissement et elle fait de la création monétaire l’occasion d’une dette ce qui renforce singulièrement l’affirmation des propriétaires lucratifs comme seuls acteurs de la valeur économique. Le travail est dans cette convention la production de survaleur par les forces de travail pour un propriétaire lucratif. Le salaire est le pouvoir d’achat de ces forces de travail. Exemple : le cafetier travaille, pas la personne qui fait du travail chez elle, pas le producteur de café indépendant ni le fonctionnaire qui fait du café dans un restaurant de l’administration.Modification de ConventionCapitaliste
|
En faisant du travail abstrait une pièce décisive de sa convention du capital ; le capitalisme fait du travail, de la monnaie et du salaire l’objet d’un conflit central. Même si la focalisation sur la valeur d’usage tente de poser comme « naturelle » la définition capitaliste du travail, elle ne parvient pas à l’y enfermer. A la fois parce que d’autres logiques du travail que la logique capitaliste coexistent dans cette dernière (la convention salariale du travail produite par la fonction publique) mais aussi et surtout parce que, dans la dynamique même du capital, se sont construites dans le salaire des institutions contraires à la propriété lucrative, à la valeur-travail, au marché du travail et au crédit.
1.3 III Quel salaire ?
La valeur économique dans le capitalisme est réservée aux marchandises et mesurées par le travail abstrait quelles contiennent entendu comme le temps de travail en moyenne nécessaire à leur production. C’est une construction sociale propre au capitalisme. Ce sont les rapports sociaux capitalistes qui la déterminent et qu’elle conforte, contrairement à une fable naturaliste qui fait du temps de travail l’instrument de quantification à la fois naturel –tout peut se rapporter au temps de travail) et nécessaire à l’échange (les valeurs d’usage sont incommensurables et il faut bien leur trouver un dénominateur commun). En réalité, le temps de travail comme mesure de la valeur attribuée à des marchandises est l’outil décisif du profit, de l’appropriation par les propriétaires lucratifs d’une partie de la valeur créée par autrui (la survaleur).
L’appropriation par une minorité d’une partie de la valeur économique repose sur la différence entre deux temps de travail.
- Le premier est le temps de travail nécessaire à la production d’une marchandise « force de travail » reconnu dans le salaire.
- Le second, reconnu dans le prix de vente, est le temps de travail pendant lequel cette « force de travail » produit des biens et services (réduits eux aussi à l’état de « marchandises », produits avec la recherche constante de réduction de leur temps de production).
Cette différence est récupérée par l’acheteur de la « force de travail » lorsqu’il vend les « marchandises » que celle-ci a produites. Là est la source de l’accumulation du capital entre les mains d’une minorité qui va continuer avec toujours plus de force à imposer sa définition et sa pratique de la valeur économique.
Les sociétés capitalistes avancées comme la notre sont aujourd’hui dans une impasse à laquelle conduisent la définition et la pratique capitaliste de la valeur.
La logique d’extorsion de valeur conduit nos sociétés dans un cercle d’abord vertueux (le travail concret est complètement libéré de toutes les entraves nées des rapports sociaux de domination antérieurs et de l’inégalité statutaire des personnes, et la production d’usage peut se développer) mais très vite vicieux. La nécessaire recherche tant de la différence entre temps d’usage productif et temps de production des forces de travail que du gain de temps de force de travail par marchandise produite impose de réduire sans cesse l’usage de forces de travail (seule source de survaleur) dans le capital mis en œuvre pour produire. Pour parer à cette inévitable baisse des taux de profit, les propriétaires lucratifs n’ont à leur disposition que la fuite en avant : dictature toujours plus pressante du temps qui s’oppose au bien travailler et fait du travail un temps de souffrance, crises périodiques toujours plus vives pour détruire une partie du capital suraccumulé et suppression d’emploi et de savoir-faire : extension infinie de la logique de la production de marchandises par des forces de travail, avec comme conséquence un recul des services publics et la production de biens et services à la valeur d’usage négative comme les produits financiers et tant d’autres.Modification de Impasse
|
Les expressions « cotisation employeur » et « cotisation salarié », legs de l’histoire, loin d’aider à la compréhension de la cotisation, ont aujourd’hui des effets particulièrement nocifs.
- D’une part les salariés sont attentifs surtout à la cotisation « salarié » et s’intéresse peu à la cotisation « employeur ». Attachés au salaire brut, ils ont peu conscience du salaire total et souvent n’identifient pas le gel ou le recul de la cotisation « employeur ».
- D’autre part, le fait même d’affecter au « salarié » ou à son « employeur » la cotisation encourage l’idée selon laquelle le salaire total généré à l’occasion de chaque emploi trouve son origine dans la valeur créée par le titulaire de l’emploi : l’expression « salaire net » signifie qu’on lui ôte les cotisations.
Est ainsi alimentée la représentation des cotisations comme des prélèvements et est ainsi confortée la représentation propre au capitalisme selon laquelle il ne se crée de valeur économique que dans l’emploi producteur de marchandises et que le financement du non-marchand s’opère par ponction sur la valeur marchande : les salariés sont alors présentés comme des « cotisants » qui financent des non-producteurs de valeur.
Il y a trois types de cotisations sociales majoritaires qui sont calculées en pourcentage du salaire brut et vont à des caisses de Sécurité sociale : les contributions fiscales (impôts sur le revenu affectés au régime général de la Sécurité sociale : CSG, CRDS notamment), des contributions hybrides calculées en pourcentage du salaire mais n’allant pas à des caisses de Sécurité sociale (contributions au logement ou à la formation professionnelle continue que l’employeur peut dépenser en interne pour son propre personnel alors que la sécurité sociale repose sur une mutualisation à l’échelle nationale des cotisations). La création du régime général de sécurité sociale en 1945 transforma le plafond d’affiliation en « plafond de cotisation » : tous les salariés devaient relever du nouveau régime mais on n’y cotisait que dans la limite d’un salaire de référence plafonné. Le plafond n’a plus aujourd’hui d’importance quantitative car le caractère dégressif des cotisations a disparu : soit les cotisations ont été déplafonnées et portent sur la totalité du salaire (cotisation maladie) soit des régimes complémentaires sont venus compléter le régime général avec un taux de cotisation au-delà du plafond quasiment identique au taux de cotisation en deçà. Compte tenu des exonérations de cotisation employeur au régime général pour les salaires inférieurs à 1,6 SMIC brut les cotisations pour la vieillesse obligatoires sont de 17,53% du salaire brut au SMIC et progressent jusqu’à atteindre 27,53% entre 1,6 SMIC et le plafond de 3031 € et sont ensuite de 25,53% pour les salaires supérieurs au plafond jusqu’à huit plafonds. L’impact qualitatif de la distinction entre régime de base et régime complémentaire est aujourd’hui énorme. Il est possible de s’appuyer sur les régimes complémentaires pour changer le sens de la sécurité sociale.Modification de ExpressionNocive
|
1.4 La qualification et sa réforme
La confusion entre certification (diplôme) et qualification exprime la focalisation sur la valeur d’usage par quoi est naturalisée la convention capitaliste du travail.
- La certification est la reconnaissance d’un niveau de savoir et de savoir-faire et renvoie à la valeur d’usage du produit de l’activité.
- Le diplôme est un attribut de la personne qui dit sa capacité à produire telle valeur d’usage.
La capacité à produire telle valeur d’usage peut-être acquise à l’école et au travail, d’où des formations en alternance et l’existence, à côté de la certification scolaire, de diplômes acquis en dehors de l’école, par reconnaissance de l’expérience professionnelle, comme en atteste la Validation des acquis de l’expérience (VAE).
La qualification renvoie à l’autre dimension de la production, la production de la valeur économique. Elle atteste que ce qui est qualifié peut participer à un certain niveau de création de valeur économique et a donc droit à tel niveau de salaire. La qualification n’est pas d’abord un attribut personnel, dans la majorité des cas ce sont des choses qui sont qualifiées et la qualification des personnes est minoritaire : le capitalisme demeure dominant pour autant qu’il réussit à s’opposer à la qualification des personnes et à maintenir leur réduction à la force de travail. En tout cas, qualifier c’est toujours attribuer deux choses inséparables : un niveau de participation potentielle à la production de valeur économique (potentielle car la qualification est attribuée ex ante, avant l’acte de production) et un niveau de salaire.
Tout comme la valeur d’usage et la valeur économique, certification et qualification appartiennent à deux ordres différents de la réalité, sans qu’on puisse faire de la seconde la quantification de la première. Si la certification est en général une condition de la qualification (tel diplôme est exigé pour la tenue de tel poste ou l’obtention de tel grade) c’est parce que la valeur économique s’applique à la valeur d’usage. En aucun cas certifier n’est qualifier sauf à confondre la valeur économique d’un bien et service et sa valeur d’usage, et donc à naturaliser la convention capitaliste du travail qui dote une partie des valeurs d’usage d’une valeur économique. Voire qui, dans l’état actuel de la crise de la convention du capital du travail, prétend doter toute marchandise capitaliste d’une valeur d’usage, au prix d’une imposition de pratiques de consommation dont la légitimité est à juste titre mise en doute.Modification de CertificationQualification
|
La définition naturalisante superposant valeur d’usage et valeur économique fait de l’emploi un « poste de travail » voué à telle valeur d’usage dans la nécessaire division technique du travail concret. Il y a emploi quand il y a un poste de travail appliqué à tel segment de la production d’une valeur d’usage mais le travail engage et la production de valeur d’usage et la production de valeur économique : à ce dernier titre l’emploi est un poste de travail doté d’une qualification. Il n’y a « emploi » que lorsque c’est au poste de travail, et non pas à son titulaire, qu’est affectée la qualification : ainsi les conventions collectives qualifient des postes, pas des personnes. Le capitalisme implique que la propriété lucrative soit doublée d’un marché du travail, et c’est le cas si c’est le poste de travail qui est qualifié et non la personne.
Le salarié du privé, pourtant le producteur de la valeur, est réduit en permanence à être un « demandeur d’emploi » : jamais un salarié du privé n’est payé, c’est son poste. L’emploi et le marché du travail qui lui est consubstantiellement lié sont des institutions cohérentes avec la valorisation du capital, au contraire du salaire à vie qui pose la personne comme productrice de la valeur économique, libérée du passage par le marché du travail pour produire cette valeur.
La fonction d’employeur n’existe que dans la convention collective capitaliste du travail. Un employeur, en embauchant ou en débauchant un salarié, décide de son travail concret, comme le fait tout responsable hiérarchique, y compris dans la fonction publique ou dans une coopérative, mais aussi décide de sa capacité ou non à créer de la valeur économique, déterminée par la qualification du poste qu’il lui attribue ou lui refuse.
Qualifier les postes laisse toutes les cartes aux employeurs et à travers eux aux actionnaires et aux prêteurs, maîtres du nombre, de la localisation, de la qualification et de l’attribution des postes de travail : depuis trente ans, ils utilisent cette maîtrise dans un chantage à la « sauvegarde de l’emploi permettant de supprimer ses dimensions émancipatrices.Modification de EmploiQualification
|
La convention capitaliste du travail cherche à se légitimer dans l’insistance sur la certification des personnes alors même qu’elle s’emploie à les nier comme porteuses de la création économique. Mesurer les diplômes et les diverses capacités d’une personne à produire des valeurs d’usage et conclure à sa « qualification » entretient la focalisation sur la valeur d’usage qui interdit le débat sur la valeur économique. Il y a un brouillage.
Il faut tenir avec force que seuls les fonctionnaires et les professionnels libéraux sont qualifiés et qu’un salarié du privé, quels que soient ses diplômes et l’ampleur de son savoir-faire, n’est jamais qualifié ; il faut tenir avec force que seuls les postes du privé sont qualifiés et qu’un poste de la fonction publique, quel que soit le niveau de responsabilité qu’il implique dans la division du travail n’est jamais qualifié. A ce brouillage s'ajoute celui qu'introduit la notion de « qualification du travail », mesurée à partir du contenu du travail concret qui évacue le travail abstrait et laisse le champ libre à la définition capitaliste de la valeur économique.Modification de Brouillage
|
La lutte contre la qualification qu’ont entreprise les réformateurs vise à restaurer la pratique capitaliste du travail abstrait avec :
- la privation d’entreprises dont les salariés sont fonctionnaires ou ont un quasi-statut de fonction publique, avec qualification personnelle : pour France Telecom, La Poste, EDF-GDF, la SNCF notamment avec une marginalisation des fonctionnaires et un détricotage minutieux du statut, dont les régimes de pension ;
- dans l’administration, le projet de faire disparaître le grade par création de l’ « emploi public » à la place de la fonction publique, la réforme visant à faire de l’emploi, qui était jusque-là un simple poste budgétaire, le cœur des droits de personnels que l’on continuera peut-être à appeler « fonctionnaires » mais qui ne relèveront plus d’une logique de grade ;
Les manifestations de cette entreprise de constitution d’un emploi public sont :
|
- Le remplacement du salaire continué dans la pension par la pension comme revenu différé ;
Elle a pour ambition non d’en finir avec la répartition, mais avec la répartition comme mode de financement d’un salaire continué dans la pension, lequel repose sur quatre dimensions : à un âge légal le plus bas possible, droit à une pension indexée sur les salairesavec un taux de remplacement le plus élevé possible d’un salaire de référence qui soit le plus proche possible du meilleur salaire net perçu pendant la carrière.
En maintenant la proraritisation (principe des annuités) la pension est posée comme la contrepartie des emplois passés de retraités qui, n’ayant plus d’emploi, sont désormais étrangers à la logique de qualification et c’est faire de la cotisation non plus l’attribution de valeur au non-marchand mais la contrepartie d’un revenu différé. C’est dire : « j’ai cotisé, j’ai droit » à récupérer mes cotisations à travers celles des actifs actuels, seuls producteurs de valeur, au lieu de dire « j’ai enfin ma qualification personnelle, mon activité non marchande comme retraité non soumis au marché du travail est reconnue comme étant du travail, j’ai droit au salaire à vie … et tout le monde devrait y avoir droit comme les retraités. »
Faire de la pension la contrepartie du passé des emplois du retraité, et donc de son travail subordonné passé, et non de l’actualité de sa qualification ( et donc de son travail émancipé actuel de retraité payé à vie) suppose et conforte le marché du travail, la valeur-travail et la marchandise, la subordination à la propriété lucrative.Modification de RestaurationCapitalistePension
|
- La tentative de faire de l’emploi non plus un poste de travail support de la qualification mais le lieu d’exercice de l’employabilité du travailleur. La réforme empreinte deux voies : la marginalisation du salaire à la qualification et le remplacement de la qualification du poste par l’employabilité de son titulaire.
La marginalisation du salaire à la qualification s’appuie sur la construction autour du SMIC d’une carrière alternative à la carrière salariale déconnectée de toute qualification de poste. Le SMIC est largement financé par les salariés eux-mêmes du fait du remplacement de la cotisation employeur au régime général de la Sécurité sociale par une dotation budgétaire ; les mesures politiques de l’emploi ont multiplié les situations de travail défini non pas à partir de la qualification d’un poste mais en pourcentage du SMIC (0,5 SMIC, 1,2 SMIC, etc.) et l’intéressement et l’épargne salariale. En ces deux derniers ce sont les salaires les plus élevés que l’on tente de détacher de la qualification su poste en référant les primes et autres formes de rémunération à des indicateurs de résultat qui lient contradictoirement les intérêts des travailleurs concernés à ceux des actionnaires. L’employabilité et la sécurisation des parcours professionnels sont l’autre voie.
La « modernisation du marché du travail » marginalise la qualification des postes au bénéfice de l’employabilité de leurs titulaires, en permanence suspectés d’une « distance à l’emploi », qu’ils doivent sans relâche réduire. Le management organise minutieusement la mise en cause permanente de la légitimité du salarié dans l’emploi qu’il occupe. Le conflit du travail se déplace alors de la qualification des postes dans la convention collective vers la sécurisation des parcours professionnels dans l’amélioration de l’intermédiation sur le marché du travail : gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, obligation de résultat du service public de l’emploi, activation des chômeurs et des indemnités de chômage, formation tout au long de la vie.
L’actuelle promotion de l’employabilité opère un déplacement dans le support des droits sociaux, du poste de travail vers le marché du travail, de la convention collective vers le contrat individuel.
Ce n’est plus dans l’entreprise que ce joue la carrière mais par des passages récurrents sur le marché du travail (flexibilité), lequel est à équiper pour qu’il devienne le support des progrès des personnes en employabilité (sécurité). On passerait ainsi du poste de travail support de la qualification au marché du travail support de l’employabilité. Or l’employabilité n’est que la restauration du travail abstrait, tel que l’entend le capital et qui passe par la construction systématique d’un marché du travail omniprésent.
Tout devient marché du travail.Modification de RestaurationCapitalistePosteTravail
|
1.5 La cotisation et sa réforme
La thèse de la cotisation comme « taxe sur le travail » à laquelle il conviendrait de substituer une « taxe sur le revenu » incluant celui du capital est venue par l’introduction de la contribution sociale généralisée (CSG). En affirmant que « le travail cotise » et que « le capital devrait cotiser » on induit que les cotisants prennent sur ce qu’ils ont produit par leur travail pour financer la sécurité sociale et que « la part de la valeur ajoutée qui va au travail cotise » ; donc que « le salaire cotise ».
Il y a deux sous-entendus, le premier est que la part des salaires dans la valeur ajoutée ne peut plus progresser, et, le salaire se partageant entre le salaire direct et la cotisation sociale, toute augmentation de la cotisation sociale réduit le salaire direct. La réforme a effectivement eu ce résultat que l’on nomme « modération salariale » alors qu’il s’agit en réalité d’un pillage du salaire puisque depuis trente ans les salaires progressent en moyenne de 0,5% par an alors que le volume du PIB augmente lui de 1,5 bon an mal an. La progression des salaires est donc scandaleusement très inférieure à celle du PIB.
Le second sous-entendu est que le salaire est la seule assiette des cotisations, et il serait bon, à une époque où les entreprises tirent une partie de leurs ressources de leur patrimoine financier, d’y ajouter une seconde assiette, les revenus de ce patrimoine. Le terme assiette introduit une confusion entre le fondement en valeur et le mode de calcul de la cotisation. Le fondement en valeur des cotisations est la valeur ajoutée par le travail de l’année telle qu’elle est mesurée dans le PIB, somme des valeurs ajoutées des entreprises et des administrations.
Comme pour le profit ou le salaire direct, la cotisation sociale est ponctionnée sur la valeur ajoutée mais son mode de calcul est autre : elle est calculée comme le salaire direct. Exemple : quand le salaire direct avant impôts ponctionne 100 sur la valeur ajoutée totale, automatiquement la cotisation sociale ponctionne 83 ; l’addition des deux ponctions donne la part du PIB qui va au salaire, les 60 % comparés au 40 % qui vont au profit. Dire que la cotisation a comme assiette le salaire revient à dire qu’elle est ponctionnée sur la valeur ajoutée selon le même mode de calcul que le salaire auquel elle est liée.
Donc « faire cotiser le capital comme on fait cotiser le travail » revient à ce que ce soit la propriété lucrative qui financerait la santé ou la vieillesse : renoncer à la possibilité qu’une ponction de 100 pour le salaire direct entraîne automatiquement une ponction supérieure pour la cotisation sociale diminuant la part du PIB allant au profit, ; et aussi de ce fait, renoncer à la possibilité que le montant de cette part du PIB qui n’est plus allée au profit aille à la Sécurité sociale non plus comme élément du salaire mais comme élément du profit.Modification de SalaireCotise
|
La tentative de la restauration de la propriété lucrative et du crédit passe par « les piliers » de la protection sociale, expression largement promue par l’Union européenne à travers la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, à Luxembourg, et dans ce qu’on appelle la « méthode ouverte de coordination » des politiques nationales de réforme. Le premier pilier, « public », assure la « solidarité nationale » sur une base fiscale ; le second, « professionnel », assure des droits obligatoires dans le cadre de l’entreprise ou de la branche ; le troisième, « individuel », assure des compléments facultatifs par capitalisation. Le salaire socialisé, cœur de la cotisation sociale, a disparut au bénéfice de l’impôt et de la propriété lucrative.
- Le pilier public restaure, contre le salaire, d’une part la solidarité » nationale des prestations non contributives financées par un impôt comme la CSG ou la TVA sociale (panier de soins, allocations familiales, minimum garanti en matière de pension ou d’indemnités journalières) et d’autre part un socle de prestations contributives financées par de la prévoyance par répartition (pensions ou prestations de chômage sur comptes notionnels ou par points assurant un revenu différé)
- Le pilier professionnel restaure, contre le salaire, des prestations contributives adossées au marchés financiers et donc à la propriété lucrative (pension par capitalisation à cotisations définies, assurance maladie complémentaire)
Convention UNEDIC de 1984, les filières mises en place durcissent le lien entre durée de cotisation et durée de prestation. C’est ce qu’on appelle la contributivité. Passage d’un régime par cotisation s’ajoutant au régime public à deux régimes successifs : la cotisation pour les droits contributifs (patrimoniaux strictement liés à l’emploi) et l’impôt pour les droits non contributifs (non liés ou moins strictement liés à l’emploi), valant « allocation spécifique de solidarité (ASS).
L’affirmation de la contributivité ira jusqu’à la règle « un jour cotisé = un jour indemnisé » (2009), tandis que les droits dits non contributifs iront jusqu’à la création d’un revenu minimum d’insertion (RMI, 1989), pour les chômeurs éliminés de l’indemnisation par la convention de 1984 et à l’assimilation progressive de l’ASS à un revenu minimum ayant perdu toute signification de salaire.
A partir de 1991, la CSG, impôt affecté au régime général, se substitue en partie à la cotisation sociale. L’ensemble des branches du régime général sont largement fiscalisées par une série de mesure qui , de 1993 à 2006, vont remplacer les cotisations employeur par une dotation budgétaire, puis par une exonération générale qui concerne de façon dégressive la moitié des salaires du privé et une bonne minorité de ceux de la fonction publique. Progressivement, le régime général voit son financement salarial remplacé par l’impôt, et les projets de son financement par une TVA sociale ou par la seule CSG sont à l’agenda réformateur.
La matrice d’un « premier pilier » à la française est ainsi en train de se constituer.
Perte de toute connotation salariale avec la dérive de la pension comme salaire continué en pension comme revenu différé, avec le gel du taux de cotisation, la substitution de la durée de cotisation au taux de remplacement et l’indexation des pensions sur les prix. C’est de la répartition avec des cotisations mais ayant perdu leur qualité salariale et entrant dans le giron capitaliste de la prévoyance.
Quant à l’assurance maladie du régime général elle n’assure que 75 % de la couverture, son progrès étant stoppé depuis les années 1980 ; la réforme du code de la mutualité de 1985 et le loi Rocard de 1989 créant le marché de l’ « assurance maladie complémentaire » (AMC) ont posé les bases de la mise en concurrence de l’assurance maladie et de sa négation à base de propriété lucrative, le trio mutualité-régimes paritaires-assurances privées, soumis aux directives sur les assurances de l’Union européenne et cherchant dans le rendement de réserves un complément de financement de prestations.
Le retour du crédit lucratif, là où la cotisation sociale l’avait éliminé, avec la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), fondée par Juppé en 1996 pour financer la sécurité sociale par l’emprunt plutôt que par une hausse des cotisations , donne quinze ans plus tard, près de 30 milliards d’euros de dette ; les recettes de la sécurité sociale engraissent des prêteurs.Modification de PilierProtectionSociale
|
|
|
|
|
2 OUVERTURE POSSIBLE
2.1 Le salaire, du pouvoir d’achat au pouvoir économique
« passer du pouvoir d'achat au pouvoir politique émancipateur de décider de la valeur économique et de la produire »
Le pouvoir économique est à comprendre à la fois comme maîtrise et comme nouvelle définition de la valeur économique. Il s’agit de maîtriser la valeur économique pour en changer le sens. Suppression du marché du travail et de la mesure de la valeur par le temps de travail, attribution à tous d’une qualification et d’un salaire à vie, suppression du crédit et de la propriété lucrative par une cotisation « économique » et une création monétaire articulée à la qualification : le salaire fonde ces possibles parce qu’il les pratique déjà à grande échelle et avec une remarquable efficacité.
La convention salariale du travail abolit le « nous avons contribué, nous avons droit » et le remplace par « nous avons droit à la qualification personnelle et donc au salaire à vie. »
Un régime de répartition, puisqu’il n’est pas fondé sur l’accumulation d’un capital, peut se créer et distribuer des prestations du jour au lendemain. C’est ce qui s’est fait en 1947 pour L’AGIRC. Un régime par répartition socialise le salaire au temps t, il ne le transfère pas du temps t-1 en t comme s’il s’agissait d’une prévoyance.
La revendication est : 100 % du meilleur salaire à 60 ans quelle que soit la durée de carrière ou la somme des cotisations ; la pension s’est construite non pas sur « nous avons cotisé, nous avons droit à un revenu différé » ou « nous avons travaillé, nous avons droit à un repos mérité » mais sur le révolutionnaire « nous avons enfin une qualification personnelle et un salaire à vie, nous pouvons maîtriser enfin notre travail ». L’impossibilité d’énoncer cette proposition tient à l’attachement à la représentation de la contrepartie du salaire en travail, et donc de la pension en travail passé.
Les deux dimensions du salaire : la qualification personnelle et la cotisation finançant du salaire. Le salaire ne relève ni du pouvoir d’achat ni de la contrepartie, ni des besoin des travailleurs ni de la mesure de son temps de travail, il repose sur une autre mesure de la valeur économique, celle de la qualification, et ouvre la perspective de l’affirmation de la capacité de chaque salarié – et du salariat pris comme ensemble d’institutions alternatives à celles du capital – de décider de la valeur économique et de sa mesure.
L’enjeu du salaire c’est la sortie du capitalisme, se passer des capitalistes. Non pas de le contenir, non pas de bouger le curseur de la répartition de la valeur ajoutée en faveur du salaire et au détriment du profit mais de se passer des capitalistes, d’affecter toute la valeur ajoutée au salaire y compris la part qui doit aller à l’investissement. Aucun besoin pour travailler d’employeurs, d’actionnaires, de prêteurs.
2.2 Qu’est-ce que travailler ?
Le lien entre salaire et travail n’est pas celui qu’on lui accorde volontiers quand on dit que le salaire est le prix du travail ou que le travail est une activité rémunérée. L’enjeu du salaire n’est pas dans la hausse du pouvoir d’achat concédé à des mineurs économiques mais dans un possible changement de la valeur économique, décisif pour l’émancipation de travail et des travailleurs ayant conquis leur majorité.
Les luttes syndicales ont abouti à la construction d’institutions salariales qui offrent une forme alternative d’abstraction du travail. Leur affirmation par une action politique clairement assumée et conduite rendra possibles l’éviction des propriétaires lucratifs et une démocratisation de la maîtrise de la valeur à un niveau jusqu’à présent inconnu.
la qualification et sa mesure du travail abstrait, la cotisation sociale finançant le salaire socialisé, les institutions représentatives des salariés comme les syndicats et les comités d’entreprise, le droit du travail, la négociation collective, l’ordre public social. Elles sont les prémisses du salariat, qui se constituera comme alternative au capital si elles se généralisent comme qualification universelle et se substituent aux institutions de la convention capitaliste du travail.Modification de InstitutionSalariale
|
La dynamique des sociétés repose sur ce qui est défini et pratiqué comme valeur économique, cela détermine la production des valeurs d’usage.
S’il y a des productions de valeur d’usage qui ne sont pas du travail c’est donc qu’on ne peut définir le travail simplement par l’action intentionnelle sur la nature en vue de la production de valeur d’usage.
La production de valeur d’usage est une condition nécessaire du travail mais elle n’est pas suffisante.Modification de DynamiqueSociete
|
La valeur d’usage des productions et les types de travail concrets à promouvoir sont déterminés par une question centrale. La question est : comment est définie la valeur économique ? Qui en décide ? Qui en détient les clés ? Car ce qui importe c’est la maîtrise de la valeur économique sans laquelle il n’y a aucune maîtrise de la valeur d’usage et du travail concret, et débattre de la définition de la valeur économique et du travail abstrait du capital.
La crise de la définition du travail, aujourd’hui manifeste peut être l’occasion de mettre en débat la valeur économique, le travail abstrait, tels que les définit le capital et de montrer que nous avons à notre disposition des institutions salariales qui définissent la valeur économique et le travail abstrait d’une manière contradictoire à la définition du capitalisme, que nous disposons dans le salaire d’un déjà-là émancipateur du travail.
Expression monétaire du travail abstrait, le salaire nous plonge au cœur du conflit de définition de la valeur économique.
La valeur économique est une affaire de pouvoir
L’attribution d’une valeur économique à une valeur d’usage renvoie aux rapports sociaux fondamentaux de la société, donc au pouvoir. C’est un construit social et pas un phénomène naturel.
Le pouvoir appartient à celui qui décide de ce qui, parmi les biens et services produits, a non seulement une valeur d’usage mais aussi une valeur économique et de quel montant, la valeur économique s’évaluant en monnaie.
La monnaie est donc d’abord un instrument de pouvoir.Modification de ValeurEconomiquePouvoir
|
Il nous faut dénouer valeur d’usage et valeur économique. Dire que le travail est une activité qui produit de la valeur économique est très différent de dire que le travail est une activité rémunérée.
C’est la majorité sociale qui se joue dans le travail.
La convention capitaliste du travail peut être supprimée et remplacée par une autre convention du travail déjà-là qui est la convention salariale et qu’une action politique déterminée peut conduire à maturité.
Le produit intérieur brut qui mesure la valeur économique, et donc le travail, de l’année inclut bien davantage de travail que le seul travail dans son acceptation capitaliste : le travail des fonctionnaires, par exemple, bien que fait par des non-forces de travail et produisant du non-marchand en dehors de tout marché du travail et de toute propriété lucrative, est considérée comme producteur de valeur économique et à ce titre contribue au PIB. Quand on additionne les cotisations sociales, les salaires directs des fonctionnaires et la part des revenus des travailleurs indépendants qui ne relèvent pas de la convention capitaliste du travail on arrive au tiers du PIB.Modification de ConventionTravailDejaLa
|
La distinction entre activité et travail :
Si on appelle « activité » la production de valeur d’usage, donc biens et services utiles, il n’y aura « travail » que si cette activité s’inscrit dans un cadre qui ajoute à la production de valeur d’usage de la production de valeur économique. Modification de ActiviteTravail
|
Il est important de parler de convention car qu’il soit, selon les sociétés, désigné ou non comme travail, le travail concret est un invariant anthropologique, tout comme l’est la production de valeur économique qui est, dans le capitalisme, mesuré par le travail abstrait. Le travail est un contrat social qui varie d’une société à une autre, il n’y a pas d’essence du travail transversale à toutes les sociétés.
On ne peut pas définir le travail par la valeur d’usage qu’il produit car selon la société ou l’époque la production de n’importe quelle valeur d’usage est ou n’est pas du travail, toute production de valeur d’usage n’est pas du travail et la part de la production de valeur d’usage qui est menée comme du travail change en permanence.
Exemple : l’accompagnement des mourants. Dès lors que nous produisons de la valeur d’usage, les retraités en produisent ni plus ni moins que les autres, ce n’est pas ce que nous faisons, le type de valeur d’usage que nous produisons, qui fait que nous travaillons ou non.Modification de TravailContratSocial
|
Pas plus qu’il n’y a de contenu universel du travail concret producteur de valeur d’usage, il n’y a de définition universelle de la valeur économique et du travail abstrait.
L’emploi du privé, le grade des fonctionnaires ou le salaire à vie des retraités ne renvoient pas aux mêmes acteurs s’agissant de la maîtrise de la valeur économique et conduisent à des définitions différentes de cette valeur et donc du travail. Ce conflit de valeur est fondamental. Le travail abstrait dans l’emploi n’est pas celui que l’on trouve dans le grade ou dans le salaire à vie.
Il n’y a d’essence ni du travail, ni de la monnaie, ni du salaire, ce sont des constructions sociales toujours en mouvement, marquées par des contradictions des rapports sociaux.Modification de NondefValeur
|
Pour libérer le travail du carcan capitaliste, nous pouvons nous appuyer sur le salaire à condition de nous défaire de sa lecture en termes de pouvoir d’achat pour mesurer tout ce dont il est porteur en terme de pouvoir sur la valeur économique. La rémunération exprime certes la subordination des travailleurs à la convention capitaliste du travail mais le salaire s’est affirmé contradictoirement à elle. Les deux institutions centrales du salaire construites au XX°, qui sont subversives des institutions centrales du capital que sont la propriété lucrative, le marché du travail, la valeur-travail et le crédit, sont la qualification (qualification des postes dans l’emploi privé et surtout celle des personnes dans le grade des fonctionnaires ou dans le salaire à vie des retraités) et la cotisation sociale finançant du salaire socialisé et sont porteuses d’une nouvelle convention tant de la valeur économique que du travail.
2.3 Quel salaire ?
L’enjeu du salaire c’est de changer la convention sociale de la valeur économique. Le salaire est en effet affaire de valeur économique et non pas de la valeur d’usage et toute réflexion sur l’enjeu du salaire doit être une réflexion sur la valeur économique. La valeur économique est l’évaluation monétaire, déterminée par les rapports sociaux, d’une partie des valeurs d’usage. Elle n’a donc rien de naturel. La valeur économique est une convention sociale.
Le salaire est une institution considérable. Il est fort par son poids : 60% du PIB va au salaire). Il est fort par son contenu : pour plus de la moitié, il est fait de cotisations sociales et de salaires de fonctionnaires qui subvertissent la convention capitaliste du travail et sont aussi porteurs d’une alternative au capitalisme. Le salaire, c'est-à-dire le salaire total, est le salaire net plus les cotisations (salariées et employeurs), le salaire brut plus les cotisations employeurs. Le salaire direct n’est qu’une partie du salaire total ; à la valeur créée dans l’emploi correspondant au salaire direct et au profit s’ajoute la valeur des biens et services non marchands créés par les destinataires des cotisations (qu’il s’agisse des soignants pour l’assurance maladie ou des retraités pour la vieillesse avec les cotisations sociales). Le salaire total d’une personne est du salaire parce que les cotisations financent du salaire et non pas du revenu ou de la prévoyance et ce n’est pas totalement le salaire de cette personne car cette personne n’est pas à l’origine de la valeur économique exprimée par les cotisations liées à son emploi, une valeur qui devrait ainsi lui revenir quand cette personne serait malade ou retraitée sous forme de « salaire différé ». La cotisation finance non pas du salaire différé mais du « salaire socialisé ». C’est la reconnaissance d’une valeur non marchande produite par les soignants, les retraités, les chômeurs, les personnes en arrêt de maladie, les parents, et incorporée dans le prix des marchandises. De ce prix est tiré un flux de monnaie qui va payer les soignants, les retraités ou les parents, un flux de monnaie qui retournera aux marchandises puisque les pensions, salaires et allocations ainsi distribuées seront dépensés : ce flux de monnaie dans les deux sens est ainsi une opération blanche et n’est en aucun cas un flux de valeur.
Par ordre d’importance dans l’histoire de la Sécurité sociale française sont la cotisation familiale, la cotisation vieillesse, la cotisation maladie et la cotisation chômage.
|
La cotisation s’est construite comme une subversion du marché du travail et une attribution de valeur non marchand.
Depuis les années 1990 et à l’échelle européenne la pression réformatrice est énorme pour « mettre la protection sociale au service de l’emploi » : utiliser le chantage à l’emploi pour geler et réduire les taux de cotisation.
Le rapport Cotis (rapport de mission au président de la République, 2009) a bien mis en évidence le gel voire le recul du taux de cotisation en France.
La baisse du taux global de cotisation (employeur plus salarié) depuis 1998 ne s’était jamais vue et a comme effet la mise en difficulté de régimes qu’il s’agit donc de « sauver en urgence » par une réduction des droits.
L’effet est politique aussi car il permet une légitimation du crédit lucratif avec la lise en place de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) en 1996 et une délégitimation des institutions du salaire, lisible par exemple dans les priorités revendicatives des syndicats, centrées sur l’emploi au détriment du salaire.Modification de ConstructionCotisation
|
Inverser le mouvement en remettant le salaire au cœur du conflit salarial est fondamental. Cela suppose une appréciation aiguë de l’enjeu du salaire comme levier d’une marginalisation de la convention capitaliste du travail et d’une autre définition de la valeur économique.
2.4 La qualification et sa réforme
Le salaire est affaire de qualification.
La valeur-travail n’est pas la seule forme de travail abstrait et une activité peut être transformée en travail sur la base d’une autre abstraction, la qualification ; le salaire n’étant pas le prix d’une quantité de temps de travail comme le veut la définition capitaliste du travail abstrait mais la reconnaissance d’une qualification.
La qualification a trois supports : le grade de la fonction publique, l’emploi du secteur privé, le diplôme protégé des professions libérales.
Les trois supports sont :
|
La fonction publique n’est pas l’emploi à vie mais le salaire à vie car la qualification et donc le salaire est l’attribut du fonctionnaire, et non pas son poste de travail comme dans le privé. La qualification personnelle vaut salaire quelle que soit l’implication, la productivité ou l’assiduité car elle assume la reconnaissance de son titulaire comme source de travail abstrait, comme producteur de valeur économique quoi qu’il en soit de son activité dans son poste de travail.
La qualification de la personne est doublement subversive de la convention capitaliste du travail puisqu’elle s’attaque et à la valeur (ce que fait aussi la qualification du poste dans l’emploi) et au marché du travail (ce que ne fait pas l’emploi). D’une part elle s’est étendue du fait de la croissance des fonctionnaires et des professions libérales dans la population active (plus d’un tiers entre 1980 et 2008, deux fois plus vite que l’emploi total), d’autre part la qualification personnelle a gagné les salaires du privé eux-mêmes, indirectement dans ce qu’on appelle les « marchés internes », et directement chez les retraités dont la pension est proche du salaire d’activité.
La qualification, même affectée au poste de travail dans l’emploi, peut devenir indirectement la qualification de la personne : Banque, sidérurgie, SNCF, EDF échappant en interne à la logique du marché du travail et ayant, pour le personnel permanent, des statuts et des dispositifs conventionnels avec des hiérarchies de qualification et des grilles de salaire correspondantes et respectées par les employeurs.
La dynamique de l’emploi a aussi marginalisé le marché du travail en créant des marchés internes de grandes entreprises ou de branche, avec des tarifs, des règles de mobilité, de conditions de travail, des règles de l’embauche et du licenciement, l’emploi se définissant alors comme « poste de travail support de la qualification ».
Pour la retraite, lorsqu’un salarié accède à la retraite avec une pension proche de son meilleur salaire, c’est ce qui était jusqu’ici la qualification de ses vingt-cinq meilleures années de poste, cette qualification devient la sienne. Désormais c’est lui qui est qualifié, il a un salaire à vie ; qualifier c’est attribuer un salaire à vie ; un retraité du privé est enfin qualifié en ce cas.
Affecter la qualification à la personne et non pas à l’emploi est émancipateur.Modification de QualificationPersonne
|
Une production non marchande ne veut pas dire nécessairement non vendue. L’acte conventionné d’un médecin du secteur 1 est vendu, mais ce n’est pas une marchandise produite selon le critère capitaliste de la valeur-travail.
Pour le travail qui ne produit pas de biens et de services vendus (salaire des soignants ou des retraités) et aussi pour celui non marchand mais vendu, il faut un flux de monnaie qui, sous forme de cotisations sociales, aille du marchand vers le non marchand ; un flux qui suscitera un flux équivalent en retour du non- marchand vers le marchand, puisque les salaires des soignants ou des pensions des retraités serviront à acheter des marchandises. Avec cet aller-retour, les cotisations sont pour la sphère des marchandises une opération blanche. Mais ce flux de monnaie n’est pas un flux de valeur.
La valeur économique au fondement de la cotisation n’est pas produite par le cotisant mais par le soignant ou le retraité. Tout comme la valeur économique au fondement de l’impôt n’est pas produite par le contribuable mais par le fonctionnaire.
Les prix des marchandises incluent, en plus de la valeur des marchandises, celle du travail non-marchand reconnu par un salaire à la qualification. Ainsi les impôts qui financent le salaire des fonctionnaires et les cotisations qui financent du salaire socialisé sont des ajouts de valeur ajoutée et des ajouts révolutionnaires puisqu’ils confortent une convention salariale antagonique de la convention capitaliste.Modification de NonMarchand
|
2.5 La cotisation et sa réforme
La cotisation sociale exprime une pratique de la valeur économique contradictoire avec celle du capital. La cotisation est non seulement une ponction sur la valeur ajoutée alternative à la propriété lucrative et à l’emploi, mais encore un ajout de valeur subversive de la valeur-travail. Elle donne un autre sens au travail abstrait, elle crée le chemin de la sortie du marché du travail. Démonstration concrète de l’inutilité de l’accumulation financière et du crédit, elle peut libérer du chantage des prêteurs, comme elle le fait pour les équipements qu’elle finance, ainsi que de la création monétaire comme dette par le crédit.
Cotiser n’est pas la même chose que de payer un impôt, contribuer à un revenu différé, ou affecter à la Sécurité sociale une partie des revenus d’une propriété lucrative. C’est du salaire socialisé, ce que ne sont ni le salaire fondé sur l’emploi, ni l’impôt sur le revenu, ni une taxe sur le profit, ni une prévoyance en vue d’un revenu différé. Cette différence est décisive pour qui n’identifie pas salaire et pouvoir d’achat, mais rapporte le salaire à la maîtrise et au changement de sens de la valeur économique.
La cotisation fait une ponction révolutionnaire sur la valeur ajouté qui est différente à un financement pris sur les profits distribués aux propriétaires lucratifs, au salaire direct lié à l’emploi et à l’impôt. La réussite de la cotisation dans le financement des engagements à long terme des pensions montre qu’il n’y a pas besoin d’accumulation financière pour assurer le futur en général, et financer l’investissement en particulier.
Le prélèvement sur la valeur ajoutée qui va au profit se fait au nom de la propriété lucrative. La propriété d’instruments de production ou d’un portefeuille de titres rend possible la ponction d’une partie de la valeur ajoutée en train d’être produite. La cotisation s’oppose à cette ponction. Contre une croyance en une accumulation des valeurs par les « marchés », la cotisation rappelle qu’on ne peut investir qu’une part de la valeur en train d’être produite et donne la clé de la suppression de la propriété lucrative et du crédit.
Jusqu’à l’invention de la Sécurité sociale, tout accident de santé obligeait à emprunter ou à alimenter la rente des actionnaires des compagnies d’assurances. En ponctionnant la valeur ajoutée au nom du salaire socialisé pour financer la santé ou la vieillesse qui l’étaient jusque là par le prêt ou l’investissement des propriétaires, la cotisation sociale met en évidence l’inutilité de la propriété lucrative et du crédit lucratif.
La croyance dans l’épargne comme accumulation de valeur peut dès lors être combattue. Ce qui s’accumule dans l’ « épargne ce n’est pas de la valeur mais des droits sur la valeur qui sera en cours de production au moment où l’épargne sera transformée en monnaie.
L’épargne accumule des droits de propriété sur la monnaie, expression de la valeur reconnue au produit du travail de l’année où se finit cette épargne. L’épargne ne peut jamais se substituer au travail, ni s’y ajouter. Nous savons depuis Adam Smith (1776) que la « richesse des nations », c’est leur « travail annuel ».Modification de CotisationPonctionValeurAjoutee
|
L’épargne d’usage permet de se constituer une propriété d’usage ; l’épargnant d’usage ne ponctionne aucune valeur produite par le travail d’autrui puisqu’il ne fait que récupérer le pouvoir d’achat de ses dépôts et (éventuellement) sa participation à la croissance du PIB.
On ouvre un compte sur livret en vue de l’achat d’un appartement ou d’une voiture, car il s’agit d’une dépense qui excède le flux courant des revenus mensuels. L’épargnant d’usage accumule des dépotes réguliers pris sur les revenus de son travail et bénéficie d’un taux d’intérêt de 1,2 ou 3 % qui correspond à la hausse des prix et éventuellement à une part de la croissance du PIB à laquelle il a au demeurant participé par son travail. Lorsqu’il demande au banquier de convertir cette épargne en monnaie, il ponctionne sur la monnaie en cours, et donc sur une partie du travail en cours. Ce livret est un cumul de droits sur la valeur produite par le travail au moment de la conversion de l’épargne en monnaie. L’épargne d’usage peut être remplacée par le crédit d’usage dès lors que le taux d’intérêt, égal à la hausse des prix plus, éventuellement, la croissance du PIB, ne représente pour le prêteur aucune ponction sur le travail d’autrui.Modification de EpargneUsage
|
L’épargne lucrative est un patrimoine que l’on ne consomme pas mais dont on tire un revenu. Les dépôts et les rendements ne seront pas du tout à la même échelle que ceux de l’épargne d’usage, et le revenu de l’épargne sera ponctionné sur le travail d’autrui.
Par exemple : le repreneur, l’ "investisseur » que l’on va supplier de bien vouloir reprendre une entreprise en difficulté n’apporte en fait absolument rien. Il arrive avec des titres financiers qu’il devra transformer en monnaie pour payer les fournisseurs, machines et salariés. Cette monnaie provient de la monnaie en cours qui exprime la valeur attribuée au travail en cours ; son portefeuille est un cumul de droits de propriété sur une partie de la valeur en train d’être produite. Comme leur rendement est supérieur aux 1,2 ou 3 % de l’épargne d’usage et excède la croissance du PIB, l’argent récupéré est pris sur le travail d’autrui et ne correspond pas à son propre travail ; la ponction de l’argent qu’il fait aujourd’hui sur le travail d’aujourd’hui correspond à la somme de toutes les ponctions sur le travail d’autrui lui ayant permis la constitution de son portefeuille. La somme vient donc d’être ponctionnée sur le travail d’aujourd’hui et les sommes ayant permis de constituer progressivement le portefeuille était une ponction sur le travail d’autrui.
Un prêteur, dès lors qu’il pratique des taux d’intérêt supérieurs aux 1,2 ou 3 % de l’épargne d’usage ne prête jamais que ce qu’il vient de ponctionner, ou va ponctionner sur le travail d’autrui.
La croyance dans une accumulation de valeur dans des titres financiers est un des dogmes les moins discutés. Les propriétaires lucratifs des titres ne valant plus rien lors de l’éclatement de la bulle financière ont eu le poids politique d’obtenir qu’une création monétaire par les banques centrales vienne remplacer la fausse monnaie de la bulle. Ils ont aujourd’hui le poids politique d’obtenir que cette création monétaire ne soit pas à son tour création de fausse monnaie par la planche à billets, mais qu’elle corresponde bien à la valeur économique que dix ans d’austérité vont leur permettre de ponctionner.Modification de EpargneLucrative
|
La dette ne se nourrit pas que de l’appropriation privée de la valeur créée par le travail d’autrui, mais aussi de la création monétaire par le crédit bancaire – ce qui fait de la monnaie, expression de la valeur créée par notre travail, une dette. Le capitalisme endette les peuples pour leur fournir de la monnaie.
Contrairement au salaire direct du privé, la cotisation prélève la valeur ajoutée au nom du salaire socialisé qui va être distribué à des personnes qui ne relèvent pas du marché du travail. Cette socialisation à l’échelle nationale est la condition pour que chacun soit assuré du versement de sa pension ou de la prise en charge de ses dépenses de santé, quels que soient les aléas de son emploi et la bonne ou mauvaise santé se son entreprise. De plus, que la cotisation soit du salaire en fait un instrument de reconnaissance de la qualification. C’est une ponction sur la valeur ajoutée faite au nom de la qualification qui affirme donc, contre le marché du travail créateur de forces de travail, la contribution de ceux qu’elle finance à la création de la valeur économique. Tout en montrant a contrario combien l’emploi mutile tant le travail concret que le produit et le producteur, la cotisation nourrit la convention salariale du travail qui, définissant la valeur économique non pas par le temps de travail abstrait nécessaire à la production des biens mais par la qualification des producteurs, libère le travail de la dictature du temps et conforte les personnes. Ponctionner la cotisation sociale au nom du salaire pour la distribuer à des personnes qui vont produire du non-marchand tout en étant non pas des forces de travail mais les porteurs de la qualification, c’est libérer la valeur de sa définition capitaliste et ouvrir au PIB des contenus inédits.
Si les retraités travaillent, si leur travail concret est aussi leur travail abstrait producteur de valeur économique ce n’est dû au contenu du travail concret (cela n’est pas parce qu’ils sont conseillers municipaux ou bénévoles au secours populaire). C’est parce que leur salaire à vie, contre l’emploi, reconnaît un autre travail abstrait, présent dans toutes leurs productions de valeur d’usage (y compris lorsqu’ils cultivent leurs tomates, gardent leurs petits-enfants ou accompagnent leurs vieux parents dans la mort).
On peut remarquer, par exemple, que le PIB français ou allemand est proche du PIB chinois malgré la différence démographique et la production de valeur d’usage produite en France ou en Allemagne est infiniment inférieure à la valeur d’usage produite par la population chinoise. Mais une part beaucoup plus grande de cette valeur d’usage est considérée comme valeur économique : nouveaux services et biens produits sous la loi de la valeur-travail, mais aussi de nombreuses tâches effectués comme du travail producteur de valeur dans le cadre de services publics ou de la sécurité sociale qui en Chine le sont comme de l’activité utile menée dans le cadre domestique et donc sans valeur économique.Modification de SocialisationTravailAbstrait
|
La cotisation est un ajout de valeur car elle correspond à l’attribution de valeur économique au travail non-marchand. Exemple : le retraité est passé de la qualification du poste à la qualification personnelle, ce qui le libère non pas du travail mais de l’emploi et change radicalement le sens du travail. La pension comme salaire à vie confirme qu’une matrice du travail alternative à l’emploi existe, subversive du marché du travail. Payés à vie les retraités produisent une valeur non capitaliste évaluée aux 13 % du PIB qui leur reviennent sous forme de pension. C’est la convention capitaliste du travail qui veut que produire du non-marchand hors emploi ne soit pas producteur de valeur. Le salaire à vie, en posant une autre convention de valeur et donc de travail ne connaît pas de « problème démographique » puisque chacun continue à produire de la valeur économique jusqu’à sa mort.
La convention salariale du travail n’élimine ni le prix, ni la monnaie, ni l’échange : elle élimine la marchandise, c'est-à-dire la dictature du temps qu’introduit la mesure de la valeur par le temps de production.
La cotisation est du salaire socialisé, du salaire qui exprime la valeur économique reconnue à du travail libéré de la valeur-travail et du marché du travail, et socialisé puisque l’expression monétaire de cette valeur, incluse dans le prix des marchandises, suppose un flux de monnaie aller-retour entre le marchand et le non-marchand.
|
|
|