L'enjeu du salaire

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Titre : L'enjeu du salaire
Auteur(s) : Bernard Friot
Résumé Court : Quatrième de couverture : Dirigée par Bernard Friot, la collection "Travail et salariat "analyse le travail en acte et les perspectives qu'ouvrent les institutions du salariat en matière de statut social des personnes et de production de la richesse.

La souveraineté populaire doit être défendue. Patronat et banquiers pratiquent le chantage à l'emploi et à la dette pour réduire les droits sociaux. Les gouvernants de droite et de gauche, loin de leur résister, s'évertuent à leur envoyer des «signaux» qui les incitent à réclamer davantage. Est-il possible de briser cette soumission ?

Oui, répond cet ouvrage, qui propose de porter plus loin les institutions qui sont nées des luttes pour le salaire, et dont nous faisons à grande échelle l'expérience de l'efficacité : la qualification personnelle et la cotisation. La qualification personnelle peut faire disparaître le marché du travail, à condition d'attribuer à chacun, à sa majorité, une qualification et donc un salaire. Et contre les projets de remplacer la cotisation sociale par la CSG, la TVA ou les mutuelles, il faut au contraire l'étendre en créant une cotisation économique pour un financement de l'investissement sans crédit et donc sans dette.

L'enjeu du salaire, c'est la disparition du marché du travail, et donc du chantage à l'emploi, ainsi que la suppression du crédit lucratif, et donc du chantage à la dette. Ce n'est ni d'une réforme fiscale ni d'une plus grande régulation étatique que nous avons besoin, mais de plus de pouvoir populaire sur l'économie et sur le travail.

La Dispute.

Difficulté (de lecture) : Relativement aisée mais demande de l'attention car certains mots/concepts sont utilisés différemment, Bernard Friot les prenant volontairement dans un sens résolument nouveau.
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Sommaire

Le résumé qui suit se veut très complet afin de permettre de mieux saisir le contenu du livre qui est un cheminement ; et qui, d'une analyse poussée de la situation actuelle capitaliste, montre l'ouverture possible vers le salaire universel et la sortie du capitalisme.

La présentation sera donc constituée par une première partie avec deux colonnes qui suivront parallèlement ce cheminement sur plusieurs thèmes et chapitres du livre, puis du cœur de la proposition de Bernard Friot, et se terminera par une dernière partie relative au "faire plus" et "faire à côté" aussi présentée en deux colonnes.

Il est important d'avertir que le coeur ne sera réellement bien appréhendé et compris qu'après la lecture de la première partie.
Des fenêtres déroulantes permettront à ceux qui le souhaitent d'approfondir les différents points abordés.







Glossaire

définitions des termes importants ... à basculer

. Le travail concret
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Ce que le langage courant désigne comme « activité » associée à « richesse » est la production de valeur d’usage par le travail dans sa dimension concrète : le travail concret met en œuvre des technologies et des savoir-faire spécifiques pour produire tel bien ou service spécifique, telle valeur d’usage donc.

Le travail concret selon Bernard Friot :

Les valeurs d'usage, c'est à dire les biens et services définis par ce à quoi ils servent, sont le produit du travail concret.

Mais ça n'est pas l' utilité sociale du travail concret qui décide de la valeur économique des produits, c'est l'institution dans laquelle il s'exerce (emploi, grade, salaire à vie)
. Le travail abstrait
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Ce que le langage courant désigne comme « travail » associé à « valeur » désigne l’autre dimension du travail, sa dimension abstraite de production de valeur économique.

Le travail abstrait selon Bernard Friot :
Invention capitaliste qui rapporte le travail à la mesure de la valeur économique et donc détache celle-ci de l'immédiateté des rapports de pouvoir qui la déterminent.

L'effet est à la fois émancipateur et mortifère.

  • Émancipateur, parce que l'acte même de produire, et non le statut social du producteur, est posé comme fondement de la valeur, ce qui contribue à construire l’égalité des humains.
  • Mais mortifère, parce que la forme capitaliste d'extorsion de la survaleur suppose que le travail abstrait est utilisé pour mesurer la valeur soit le temps de travail (valeur-travail), ce qui fait que les personnes, réduites à des forces de travail, sont de plus prises dans l'étau de l'élimination relative de ces dernières.


Le travail abstrait salarial (la qualification) au contraire, confirme les personnes puisque la qualification, toujours améliorable, leur est attachée de façon irréversible.
. Le travail
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On travaille lorsque l’activité productrice de valeur d’usage – le travail concret – se double d’une production de valeur économique – le travail abstrait – parce qu’elle s’inscrit dans une convention dans les institutions qui, par convention, ajoutent à la valeur d’usage une valeur économique.


Définition de Bernard Friot :
Dans le capitalisme, le travail a deux dimensions, le travail concret, qui rapporte la production de valeurs d'usage, et le travail abstrait, qui le rapporte à la production de valeur économique.

Le travail y désigne donc la part de la production de valeur, production de valeur économique, soit la production de marchandises par des forces de travail.

Mais cette convention est mise à mal par la convention salariale, porteuse d'une autre mesure de la valeur et d'une autre définition du travail comme la production de valeurs d'usage par des salariés, c'est à dire des titulaires d'une qualification.




1 SITUATION ACTUELLE

1.1 Le salaire, du pouvoir d’achat au pouvoir économique

« Le salaire tel que nous le concevons actuellement »

Il y a un déplacement à opérer dans le regard que nous portons sur le salaire.
Ce regard est aliéné, les idées reçues sont un très gros handicap aux émancipations radicales dont le salaire est porteur.

Les idées reçues sont qu’avec son salaire on doit pouvoir vivre et faire vivre ceux dont on a la charge, et que chacun doit être payé en proportion de la pénibilité ou de la responsabilité de son travail.
Le salaire est défini comme prix du travail : le salaire sert à satisfaire les besoins des travailleurs, le salaire est le prix de la force de travail, le gagne pain.
Le salaire est défini comme revenu du travailleur : Le salaire est la rémunération du travail, la récompense de l’effort.

La conséquence directe de ces idées reçues est de faire du salaire un pouvoir d’achat. Le salaire donne un pouvoir d’achat à la mesure du travail fourni.
Cela implique deux dérives de pensée ; minorité sociale et contrepartie :

  • La minorité sociale renvoie à la définition classique du salarié : en échange de la subordination à un employeur qui assume le risque de la production, il a le droit à la sécurité de ses ressources. C’est un mineur social.

Une part du droit du travail s’est construite sur cette structure asymétrique du rapport salarial, et entretient cette représentation du salaire comme ce qui est dû à un mineur social : un pouvoir d’achat pour satisfaire ses besoins.
C’est la représentation courante du salaire comme rémunération de la productivité mais qui ne pose la question de qui décide de la production et sur la base de quelle définition de la valeur.
Le travailleur produit pour être payé.
Son capital humain n’est pas envisagé du point de vue de la maîtrise de la production qu’il lui permettrait mais juste du point de vue du revenu qu’il est en droit ou en capacité d’en tirer.

Modification de MinoritéSociale



  • La contrepartie du salaire en travail c’est la représentation du salaire comme pouvoir d’achat à la mesure du travail fourni. Cela a pour conséquence la proratisation.

prise en compte de la durée de cotisation dans le calcul de la pension qui génère notamment une pension de droit directe inférieure de 47 % aux femmes qui ont déjà un salaire inférieur de 20 % à ceux des hommes et qui est un outil qui transforme la pension comme salaire continué en pension comme revenu différé sur le modèle suédois.

Modification de Proratisation




Le capitalisme pose le temps de travail comme mesure de valeur, à une représentation du salaire comme contrepartie d’un temps de travail.

La représentation du travailleur, et partant du salaire, que tente d’imposer le capital consiste à définir les producteurs par la ressource qu’ils tirent de leur capital humain, et non pour leur capacité à décider de la valeur économique et donc de ce qui va être produit, par qui et comment.

Si la classe dirigeante entend affirmer le lien entre travail, emploi et pouvoir d’achat, c’est que ce lien est un des lieux essentiels de son pouvoir.
Afficher « travail, emploi, pouvoir d’achat » est possible parce qu’une majorité adhère au fait que le travail s’exerce dans le cadre d’un emploi et donne au travailleur un pouvoir d’achat, et que cela est bon : plein emploi, hausse du pouvoir d’achat, qu'y a t'il à redire ?
Poser qu’il faut, et que nous pouvons nous libérer de ce consensus, c’est souligner l’ampleur du déplacement de nos représentations qu’impose l’indispensable sortie du capitalisme.

Modification de ProducteurRessource





En appréhendant le salaire du point de vue de la valeur économique, on s’empêche de voir comment il est possible de s’appuyer sur lui pour supprimer le crédit lucratif et la propriété lucrative. Et on en reste à des propositions de taxation du capital, de nationalisation des banques et de certaines entreprises décisives, de création de monnaie par la banque centrale pour financer des investissements publics.

1.2 Qu’est-ce que travailler ?

La distinction entre valeur d’usage et valeur économique repose dans le capitalisme sur deux dimensions du travail, le travail concret et le travail abstrait.

Valeur d’usage et valeur économique : la valeur d’usage d’un bien ou d’un service c’est ce à quoi il sert concrètement. Sa valeur économique s’évalue en monnaie. Un produit sans valeur économique peut bien sûr avoir une valeur d’usage car tout ce qui est utile n’est pas forcément de valeur économique.
Exemple : le café préparé au sein d’un foyer entre amis et celui préparé par un garçon de café en ville. La valeur économique dépend de l’institution dans laquelle s’inscrit la production d’usage.

Produire des valeurs d’usage c’est produire de la richesse mais pas forcement de la valeur économique, c’est être actif mais pas forcement travailler.

Un parent au foyer peut être actif et pourtant il ne travaille pas, son travail de préparer un café ne serait du travail que s’il était employé d’un cafetier.
Les retraités sont actifs mais ne travaillent pas. Ces activités, travail concret, produisent des valeurs d’usage et ne vont produire de la valeur économique et ne seront considérées comme du travail que lorsqu’elles sont dans le cadre de leur emploi ou de leur grade.

Modification de ValeurUsageExemple



Depuis le capitalisme, la valeur économique est définie par le travail abstrait et la définition du travail doit inclure celui-ci.

Le capital a inventé l’abstraction du travail dans une forme qui permet le profit lié à la propriété lucrative. Il a libéré la valeur économique de rapports sociaux qui la naturalisaient et la limitaient, et l’a enfermé dans un autre rapport de pouvoir.


Dans le capitalisme, le travail abstrait est la dépense d’énergie humaine qui, définie par sa durée, sert de mesure de la valeur économique dans une économie qui repose sur l’extraction de plus-value ou survaleur par la réduction des personnes, dans la production, à des forces de travail.
Le profit qui permet la mise en valeur d’un capital suppose une violence sociale indéfiniment renouvelée qui place d’un côté des propriétaires lucratifs maîtres de la valeur économique et de l’autre des forces de travail appliquées à produire des « marchandises » sous le joug de la valeur-travail.
Les titulaires de force de travail produisent la valeur économique mais n’en sont pas les sujets, ils ne possèdent pas la valeur économique, ni n’en décident.
Ils ne maîtrisent pas le travail dans ses fins et ses moyens.
Le propriétaire lucratif n’utilise pas lui-même son patrimoine et permet de tirer un revenu qui est né non pas du propriétaire lui-même mais du travail d’autrui.
La création pourtant salutaire du travail abstrait n’a pas aboli le pouvoir au cœur de la valeur économique mais en a déplacé le lieu et le fondement au bénéfice du capital.

institution de la convention capitaliste du travail, la marchandise est un bien ou service vendu pour la récupération par le capitaliste de survaleur ou plus-value, qui résulte entre le temps de mobilisation de la force de travail dans les conditions moyennes de productivité (valeur du produit du travail) et le temps de sa (re)production (valeur de la force de travail, salaire) la valeur économique du produit étant supérieure à celle de la force de travail mise en œuvre, apparue dans l’acte de production.
Le souci constant d’augmenter le taux de survaleur dans les conditions de la concurrence intercapitaliste conduit à réduire en permanence le temps de force de travail par unité produite donc par plus de technologie d’où une consommation plus grande de capital réduisant les taux de profit poussant à une nouvelle réduction du temps de travail par unité produite conduit à un cercle vicieux.
Cette dérive ne peut se résoudre que par des crises périodiques qui réduisent le capital suraccumulé et restaurent le taux de profit, ou par une extension infinie du champ de la production soumise à la loi de la valeur. Le travail abstrait que pratique le capitalisme est aujourd’hui un obstacle décisif au travail concret.

Modification de Marchandise


Modification de TravailAbstrait




L’emploi est l’institution du travail cohérente avec la définition capitaliste de la valeur économique. La valeur économique est crée dans le cadre de l’emploi.

La production de valeur économique est naturalisée, la forme qu’elle prend dans nos sociétés capitalistes est posée comme naturelle, relevant de l’évidence.Ainsi l’évidence du caractère inévitable du gain de temps par le progrès technologique ou l’identification entre travail et emploi, exemple : les retraité sont présumés produire de la valeur d’usage mais pas de la valeur économique parce qu’ils n’ont pas d’emploi et que quelqu’un qui n’a pas d’emploi fait du travail concret mais ne peut pas faire du travail abstrait. C'est l’opinion courante due à l’intériorisation de la forme de valeur économique du capital.

Cette naturalisation s’opère par superposition de la valeur d’usage sur la valeur économique. Le fondement de la valeur économique d’un bien, ce serait « évidemment » sa valeur d’usage.


La valeur économique rabattue sur la valeur d’usage ne serait que la mesure, la quantification (valeur économique, travail abstrait) du qualificatif (valeur d’usage, travail concret).
Et non seulement le prix mais le type et les quantités de biens produits seraient décidés par la demande. La valeur économique ne serait enjeu de pouvoir qu’entre les capitalistes qui se font concurrence pour produire au moindre prix.
Ce seraient donc au final les consommateurs qui décideraient de la valeur économique avec la notion de pouvoir d’achat du salaire.
Les travailleurs producteurs de la valeur économique ne sont définis que par leur capacité à produire des valeurs d’usage. La force de travail n’existe que relativement à la production de valeur économique et donc au travail abstrait mais l’idéologie de légitimation du capital en fera la forme naturelle de la capacité à produire de la valeur d’usage. « Chacun a une force de travail. »

Modification de NaturalisationValeurUsageValeurEconomique




Le capital construit et entretient un récit du travail comme activité rémunérée et la représentation du salaire comme pouvoir d’achat. La monnaie serait une institution diaphane qui sert à troquer des valeurs d’usage entre elles selon la loi de l’offre et de la demande ; les pris et les quantités renverraient aux « préférences » du consommateur.

La convention capitaliste du travail ce sont les institutions dans lesquelles est produite la valeur économique dans le capitalisme et donc la définition du travail abstrait qui y prévaut et comporte la propriété lucrative, le marché du travail (le marché des forces du travail), la valeur-travail et la création monétaire par le crédit bancaire.


L’anticipation de la production valeur économique, à la base de toute création monétaire, est ainsi étroitement articulée à la production de marchandises capitalistes puisque la monnaie est créée d’abord par le prêt que les banques consentent aux entreprises sur la base de leur chiffre d’affaire attendu.
Qu’il s’agissent pour les banques de prêter des dépôts de monnaie déjà en circulation ou de créer de la monnaie au-delà de ces dépôts, le prêt est une institution décisive de la convention capitaliste du travail.
L’appropriation de la survaleur par les propriétaires lucratifs fait de ceux-ci des prêteurs et du crédit la source légitime du financement de l’investissement et elle fait de la création monétaire l’occasion d’une dette ce qui renforce singulièrement l’affirmation des propriétaires lucratifs comme seuls acteurs de la valeur économique.
Le travail est dans cette convention la production de survaleur par les forces de travail pour un propriétaire lucratif. Le salaire est le pouvoir d’achat de ces forces de travail.
Exemple : le cafetier travaille, pas la personne qui fait du travail chez elle, pas le producteur de café indépendant ni le fonctionnaire qui fait du café dans un restaurant de l’administration.

Modification de ConventionCapitaliste




En faisant du travail abstrait une pièce décisive de sa convention du capital ; le capitalisme fait du travail, de la monnaie et du salaire l’objet d’un conflit central. Même si la focalisation sur la valeur d’usage tente de poser comme « naturelle » la définition capitaliste du travail, elle ne parvient pas à l’y enfermer. A la fois parce que d’autres logiques du travail que la logique capitaliste coexistent dans cette dernière (la convention salariale du travail produite par la fonction publique) mais aussi et surtout parce que, dans la dynamique même du capital, se sont construites dans le salaire des institutions contraires à la propriété lucrative, à la valeur-travail, au marché du travail et au crédit.

1.3 III Quel salaire ?

La valeur économique dans le capitalisme est réservée aux marchandises et mesurées par le travail abstrait quelles contiennent entendu comme le temps de travail en moyenne nécessaire à leur production. C’est une construction sociale propre au capitalisme.
Ce sont les rapports sociaux capitalistes qui la déterminent et qu’elle conforte, contrairement à une fable naturaliste qui fait du temps de travail l’instrument de quantification à la fois naturel –tout peut se rapporter au temps de travail) et nécessaire à l’échange (les valeurs d’usage sont incommensurables et il faut bien leur trouver un dénominateur commun).
En réalité, le temps de travail comme mesure de la valeur attribuée à des marchandises est l’outil décisif du profit, de l’appropriation par les propriétaires lucratifs d’une partie de la valeur créée par autrui (la survaleur).

L’appropriation par une minorité d’une partie de la valeur économique repose sur la différence entre deux temps de travail.

  • Le premier est le temps de travail nécessaire à la production d’une marchandise « force de travail » reconnu dans le salaire.
  • Le second, reconnu dans le prix de vente, est le temps de travail pendant lequel cette « force de travail » produit des biens et services (réduits eux aussi à l’état de « marchandises », produits avec la recherche constante de réduction de leur temps de production).

Cette différence est récupérée par l’acheteur de la « force de travail » lorsqu’il vend les « marchandises » que celle-ci a produites. Là est la source de l’accumulation du capital entre les mains d’une minorité qui va continuer avec toujours plus de force à imposer sa définition et sa pratique de la valeur économique.

Les sociétés capitalistes avancées comme la notre sont aujourd’hui dans une impasse à laquelle conduisent la définition et la pratique capitaliste de la valeur.


La logique d’extorsion de valeur conduit nos sociétés dans un cercle d’abord vertueux (le travail concret est complètement libéré de toutes les entraves nées des rapports sociaux de domination antérieurs et de l’inégalité statutaire des personnes, et la production d’usage peut se développer) mais très vite vicieux.
La nécessaire recherche tant de la différence entre temps d’usage productif et temps de production des forces de travail que du gain de temps de force de travail par marchandise produite impose de réduire sans cesse l’usage de forces de travail (seule source de survaleur) dans le capital mis en œuvre pour produire.
Pour parer à cette inévitable baisse des taux de profit, les propriétaires lucratifs n’ont à leur disposition que la fuite en avant : dictature toujours plus pressante du temps qui s’oppose au bien travailler et fait du travail un temps de souffrance, crises périodiques toujours plus vives pour détruire une partie du capital suraccumulé et suppression d’emploi et de savoir-faire  : extension infinie de la logique de la production de marchandises par des forces de travail, avec comme conséquence un recul des services publics et la production de biens et services à la valeur d’usage négative comme les produits financiers et tant d’autres.

Modification de Impasse




Les expressions « cotisation employeur » et « cotisation salarié », legs de l’histoire, loin d’aider à la compréhension de la cotisation, ont aujourd’hui des effets particulièrement nocifs.

  • D’une part les salariés sont attentifs surtout à la cotisation « salarié » et s’intéresse peu à la cotisation « employeur ». Attachés au salaire brut, ils ont peu conscience du salaire total et souvent n’identifient pas le gel ou le recul de la cotisation « employeur ».
  • D’autre part, le fait même d’affecter au « salarié » ou à son « employeur » la cotisation encourage l’idée selon laquelle le salaire total généré à l’occasion de chaque emploi trouve son origine dans la valeur créée par le titulaire de l’emploi : l’expression « salaire net » signifie qu’on lui ôte les cotisations.

Est ainsi alimentée la représentation des cotisations comme des prélèvements et est ainsi confortée la représentation propre au capitalisme selon laquelle il ne se crée de valeur économique que dans l’emploi producteur de marchandises et que le financement du non-marchand s’opère par ponction sur la valeur marchande : les salariés sont alors présentés comme des « cotisants » qui financent des non-producteurs de valeur.


Il y a trois types de cotisations sociales majoritaires qui sont calculées en pourcentage du salaire brut et vont à des caisses de Sécurité sociale : les contributions fiscales (impôts sur le revenu affectés au régime général de la Sécurité sociale  : CSG, CRDS notamment), des contributions hybrides calculées en pourcentage du salaire mais n’allant pas à des caisses de Sécurité sociale (contributions au logement ou à la formation professionnelle continue que l’employeur peut dépenser en interne pour son propre personnel alors que la sécurité sociale repose sur une mutualisation à l’échelle nationale des cotisations).
La création du régime général de sécurité sociale en 1945 transforma le plafond d’affiliation en « plafond de cotisation » : tous les salariés devaient relever du nouveau régime mais on n’y cotisait que dans la limite d’un salaire de référence plafonné.
Le plafond n’a plus aujourd’hui d’importance quantitative car le caractère dégressif des cotisations a disparu : soit les cotisations ont été déplafonnées et portent sur la totalité du salaire (cotisation maladie) soit des régimes complémentaires sont venus compléter le régime général avec un taux de cotisation au-delà du plafond quasiment identique au taux de cotisation en deçà.
Compte tenu des exonérations de cotisation employeur au régime général pour les salaires inférieurs à 1,6 SMIC brut les cotisations pour la vieillesse obligatoires sont de 17,53% du salaire brut au SMIC et progressent jusqu’à atteindre 27,53% entre 1,6 SMIC et le plafond de 3031 € et sont ensuite de 25,53% pour les salaires supérieurs au plafond jusqu’à huit plafonds.
L’impact qualitatif de la distinction entre régime de base et régime complémentaire est aujourd’hui énorme.
Il est possible de s’appuyer sur les régimes complémentaires pour changer le sens de la sécurité sociale.

Modification de ExpressionNocive




1.4 La qualification et sa réforme

La confusion entre certification (diplôme) et qualification exprime la focalisation sur la valeur d’usage par quoi est naturalisée la convention capitaliste du travail.

  • La certification est la reconnaissance d’un niveau de savoir et de savoir-faire et renvoie à la valeur d’usage du produit de l’activité.
  • Le diplôme est un attribut de la personne qui dit sa capacité à produire telle valeur d’usage.
    La capacité à produire telle valeur d’usage peut-être acquise à l’école et au travail, d’où des formations en alternance et l’existence, à côté de la certification scolaire, de diplômes acquis en dehors de l’école, par reconnaissance de l’expérience professionnelle, comme en atteste la Validation des acquis de l’expérience (VAE).



La qualification renvoie à l’autre dimension de la production, la production de la valeur économique. Elle atteste que ce qui est qualifié peut participer à un certain niveau de création de valeur économique et a donc droit à tel niveau de salaire.
La qualification n’est pas d’abord un attribut personnel, dans la majorité des cas ce sont des choses qui sont qualifiées et la qualification des personnes est minoritaire : le capitalisme demeure dominant pour autant qu’il réussit à s’opposer à la qualification des personnes et à maintenir leur réduction à la force de travail.
En tout cas, qualifier c’est toujours attribuer deux choses inséparables : un niveau de participation potentielle à la production de valeur économique (potentielle car la qualification est attribuée ex ante, avant l’acte de production) et un niveau de salaire.


Tout comme la valeur d’usage et la valeur économique, certification et qualification appartiennent à deux ordres différents de la réalité, sans qu’on puisse faire de la seconde la quantification de la première.
Si la certification est en général une condition de la qualification (tel diplôme est exigé pour la tenue de tel poste ou l’obtention de tel grade) c’est parce que la valeur économique s’applique à la valeur d’usage.
En aucun cas certifier n’est qualifier sauf à confondre la valeur économique d’un bien et service et sa valeur d’usage, et donc à naturaliser la convention capitaliste du travail qui dote une partie des valeurs d’usage d’une valeur économique. Voire qui, dans l’état actuel de la crise de la convention du capital du travail, prétend doter toute marchandise capitaliste d’une valeur d’usage, au prix d’une imposition de pratiques de consommation dont la légitimité est à juste titre mise en doute.

Modification de CertificationQualification




La définition naturalisante superposant valeur d’usage et valeur économique fait de l’emploi un « poste de travail » voué à telle valeur d’usage dans la nécessaire division technique du travail concret.
Il y a emploi quand il y a un poste de travail appliqué à tel segment de la production d’une valeur d’usage mais le travail engage et la production de valeur d’usage et la production de valeur économique : à ce dernier titre l’emploi est un poste de travail doté d’une qualification.
Il n’y a « emploi » que lorsque c’est au poste de travail, et non pas à son titulaire, qu’est affectée la qualification : ainsi les conventions collectives qualifient des postes, pas des personnes.
Le capitalisme implique que la propriété lucrative soit doublée d’un marché du travail, et c’est le cas si c’est le poste de travail qui est qualifié et non la personne.


Le salarié du privé, pourtant le producteur de la valeur, est réduit en permanence à être un « demandeur d’emploi » : jamais un salarié du privé n’est payé, c’est son poste.
L’emploi et le marché du travail qui lui est consubstantiellement lié sont des institutions cohérentes avec la valorisation du capital, au contraire du salaire à vie qui pose la personne comme productrice de la valeur économique, libérée du passage par le marché du travail pour produire cette valeur.

La fonction d’employeur n’existe que dans la convention collective capitaliste du travail.
Un employeur, en embauchant ou en débauchant un salarié, décide de son travail concret, comme le fait tout responsable hiérarchique, y compris dans la fonction publique ou dans une coopérative, mais aussi décide de sa capacité ou non à créer de la valeur économique, déterminée par la qualification du poste qu’il lui attribue ou lui refuse.

Qualifier les postes laisse toutes les cartes aux employeurs et à travers eux aux actionnaires et aux prêteurs, maîtres du nombre, de la localisation, de la qualification et de l’attribution des postes de travail : depuis trente ans, ils utilisent cette maîtrise dans un chantage à la « sauvegarde de l’emploi permettant de supprimer ses dimensions émancipatrices.

Modification de EmploiQualification




La convention capitaliste du travail cherche à se légitimer dans l’insistance sur la certification des personnes alors même qu’elle s’emploie à les nier comme porteuses de la création économique.
Mesurer les diplômes et les diverses capacités d’une personne à produire des valeurs d’usage et conclure à sa « qualification » entretient la focalisation sur la valeur d’usage qui interdit le débat sur la valeur économique. Il y a un brouillage.


Il faut tenir avec force que seuls les fonctionnaires et les professionnels libéraux sont qualifiés et qu’un salarié du privé, quels que soient ses diplômes et l’ampleur de son savoir-faire, n’est jamais qualifié  ; il faut tenir avec force que seuls les postes du privé sont qualifiés et qu’un poste de la fonction publique, quel que soit le niveau de responsabilité qu’il implique dans la division du travail n’est jamais qualifié.
A ce brouillage s'ajoute celui qu'introduit la notion de « qualification du travail », mesurée à partir du contenu du travail concret qui évacue le travail abstrait et laisse le champ libre à la définition capitaliste de la valeur économique.

Modification de Brouillage





La lutte contre la qualification qu’ont entreprise les réformateurs vise à restaurer la pratique capitaliste du travail abstrait avec :

  • la privation d’entreprises dont les salariés sont fonctionnaires ou ont un quasi-statut de fonction publique, avec qualification personnelle  : pour France Telecom, La Poste, EDF-GDF, la SNCF notamment avec une marginalisation des fonctionnaires et un détricotage minutieux du statut, dont les régimes de pension  ;
  • dans l’administration, le projet de faire disparaître le grade par création de l’ « emploi public » à la place de la fonction publique, la réforme visant à faire de l’emploi, qui était jusque-là un simple poste budgétaire, le cœur des droits de personnels que l’on continuera peut-être à appeler « fonctionnaires » mais qui ne relèveront plus d’une logique de grade ;

Les manifestations de cette entreprise de constitution d’un emploi public sont :
  • gel de toutes les négociations sur le point (expression du grade),
  • multiplication des primes et des formes de salaire au rendement ou au projet,
  • tentative de recul du caractère délibératif des commissions d’attribution de la qualification ou de gestion des mobilités afin de constituer progressivement les directeurs ou les chefs d’établissement comme employeurs,
  • marginalisation des concours de recrutement au bénéfice de la seule considération du diplôme (que les personnels soient comme dans le privé des diplômés circulant sur le marché du travail à la recherche d’un emploi et non des qualifiés).

    Modification de RestaurationCapitalisteAdministration



  • Le remplacement du salaire continué dans la pension par la pension comme revenu différé ;

Elle a pour ambition non d’en finir avec la répartition, mais avec la répartition comme mode de financement d’un salaire continué dans la pension, lequel repose sur quatre dimensions : à un âge légal le plus bas possible, droit à une pension indexée sur les salairesavec un taux de remplacement le plus élevé possible d’un salaire de référence qui soit le plus proche possible du meilleur salaire net perçu pendant la carrière.

En maintenant la proraritisation (principe des annuités) la pension est posée comme la contrepartie des emplois passés de retraités qui, n’ayant plus d’emploi, sont désormais étrangers à la logique de qualification et c’est faire de la cotisation non plus l’attribution de valeur au non-marchand mais la contrepartie d’un revenu différé.
C’est dire  : « j’ai cotisé, j’ai droit » à récupérer mes cotisations à travers celles des actifs actuels, seuls producteurs de valeur, au lieu de dire « j’ai enfin ma qualification personnelle, mon activité non marchande comme retraité non soumis au marché du travail est reconnue comme étant du travail, j’ai droit au salaire à vie … et tout le monde devrait y avoir droit comme les retraités. »

Faire de la pension la contrepartie du passé des emplois du retraité, et donc de son travail subordonné passé, et non de l’actualité de sa qualification ( et donc de son travail émancipé actuel de retraité payé à vie) suppose et conforte le marché du travail, la valeur-travail et la marchandise, la subordination à la propriété lucrative.

Modification de RestaurationCapitalistePension



  • La tentative de faire de l’emploi non plus un poste de travail support de la qualification mais le lieu d’exercice de l’employabilité du travailleur. La réforme empreinte deux voies : la marginalisation du salaire à la qualification et le remplacement de la qualification du poste par l’employabilité de son titulaire.

La marginalisation du salaire à la qualification s’appuie sur la construction autour du SMIC d’une carrière alternative à la carrière salariale déconnectée de toute qualification de poste. Le SMIC est largement financé par les salariés eux-mêmes du fait du remplacement de la cotisation employeur au régime général de la Sécurité sociale par une dotation budgétaire ; les mesures politiques de l’emploi ont multiplié les situations de travail défini non pas à partir de la qualification d’un poste mais en pourcentage du SMIC (0,5 SMIC, 1,2 SMIC, etc.) et l’intéressement et l’épargne salariale.
En ces deux derniers ce sont les salaires les plus élevés que l’on tente de détacher de la qualification su poste en référant les primes et autres formes de rémunération à des indicateurs de résultat qui lient contradictoirement les intérêts des travailleurs concernés à ceux des actionnaires.
L’employabilité et la sécurisation des parcours professionnels sont l’autre voie.

La « modernisation du marché du travail » marginalise la qualification des postes au bénéfice de l’employabilité de leurs titulaires, en permanence suspectés d’une « distance à l’emploi », qu’ils doivent sans relâche réduire.
Le management organise minutieusement la mise en cause permanente de la légitimité du salarié dans l’emploi qu’il occupe.
Le conflit du travail se déplace alors de la qualification des postes dans la convention collective vers la sécurisation des parcours professionnels dans l’amélioration de l’intermédiation sur le marché du travail : gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, obligation de résultat du service public de l’emploi, activation des chômeurs et des indemnités de chômage, formation tout au long de la vie.

L’actuelle promotion de l’employabilité opère un déplacement dans le support des droits sociaux, du poste de travail vers le marché du travail, de la convention collective vers le contrat individuel.

Ce n’est plus dans l’entreprise que ce joue la carrière mais par des passages récurrents sur le marché du travail (flexibilité), lequel est à équiper pour qu’il devienne le support des progrès des personnes en employabilité (sécurité).
On passerait ainsi du poste de travail support de la qualification au marché du travail support de l’employabilité.
Or l’employabilité n’est que la restauration du travail abstrait, tel que l’entend le capital et qui passe par la construction systématique d’un marché du travail omniprésent.

Tout devient marché du travail.

Modification de RestaurationCapitalistePosteTravail




1.5 La cotisation et sa réforme

La thèse de la cotisation comme « taxe sur le travail » à laquelle il conviendrait de substituer une « taxe sur le revenu » incluant celui du capital est venue par l’introduction de la contribution sociale généralisée (CSG).
En affirmant que « le travail cotise » et que « le capital devrait cotiser » on induit que les cotisants prennent sur ce qu’ils ont produit par leur travail pour financer la sécurité sociale et que « la part de la valeur ajoutée qui va au travail cotise » ; donc que « le salaire cotise ».


Il y a deux sous-entendus, le premier est que la part des salaires dans la valeur ajoutée ne peut plus progresser, et, le salaire se partageant entre le salaire direct et la cotisation sociale, toute augmentation de la cotisation sociale réduit le salaire direct.
La réforme a effectivement eu ce résultat que l’on nomme « modération salariale » alors qu’il s’agit en réalité d’un pillage du salaire puisque depuis trente ans les salaires progressent en moyenne de 0,5% par an alors que le volume du PIB augmente lui de 1,5 bon an mal an.
La progression des salaires est donc scandaleusement très inférieure à celle du PIB.

Le second sous-entendu est que le salaire est la seule assiette des cotisations, et il serait bon, à une époque où les entreprises tirent une partie de leurs ressources de leur patrimoine financier, d’y ajouter une seconde assiette, les revenus de ce patrimoine.
Le terme assiette introduit une confusion entre le fondement en valeur et le mode de calcul de la cotisation.
Le fondement en valeur des cotisations est la valeur ajoutée par le travail de l’année telle qu’elle est mesurée dans le PIB, somme des valeurs ajoutées des entreprises et des administrations.

Comme pour le profit ou le salaire direct, la cotisation sociale est ponctionnée sur la valeur ajoutée mais son mode de calcul est autre : elle est calculée comme le salaire direct.
Exemple : quand le salaire direct avant impôts ponctionne 100 sur la valeur ajoutée totale, automatiquement la cotisation sociale ponctionne 83 ; l’addition des deux ponctions donne la part du PIB qui va au salaire, les 60 % comparés au 40 % qui vont au profit. Dire que la cotisation a comme assiette le salaire revient à dire qu’elle est ponctionnée sur la valeur ajoutée selon le même mode de calcul que le salaire auquel elle est liée.

Donc « faire cotiser le capital comme on fait cotiser le travail » revient à ce que ce soit la propriété lucrative qui financerait la santé ou la vieillesse : renoncer à la possibilité qu’une ponction de 100 pour le salaire direct entraîne automatiquement une ponction supérieure pour la cotisation sociale diminuant la part du PIB allant au profit, ; et aussi de ce fait, renoncer à la possibilité que le montant de cette part du PIB qui n’est plus allée au profit aille à la Sécurité sociale non plus comme élément du salaire mais comme élément du profit.

Modification de SalaireCotise




La tentative de la restauration de la propriété lucrative et du crédit passe par « les piliers » de la protection sociale, expression largement promue par l’Union européenne à travers la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, à Luxembourg, et dans ce qu’on appelle la « méthode ouverte de coordination » des politiques nationales de réforme.
Le premier pilier, « public », assure la « solidarité nationale » sur une base fiscale ; le second, « professionnel », assure des droits obligatoires dans le cadre de l’entreprise ou de la branche ; le troisième, « individuel », assure des compléments facultatifs par capitalisation.
Le salaire socialisé, cœur de la cotisation sociale, a disparut au bénéfice de l’impôt et de la propriété lucrative.

  • Le pilier public restaure, contre le salaire, d’une part la solidarité » nationale des prestations non contributives financées par un impôt comme la CSG ou la TVA sociale (panier de soins, allocations familiales, minimum garanti en matière de pension ou d’indemnités journalières) et d’autre part un socle de prestations contributives financées par de la prévoyance par répartition (pensions ou prestations de chômage sur comptes notionnels ou par points assurant un revenu différé)
  • Le pilier professionnel restaure, contre le salaire, des prestations contributives adossées au marchés financiers et donc à la propriété lucrative (pension par capitalisation à cotisations définies, assurance maladie complémentaire)

Convention UNEDIC de 1984, les filières mises en place durcissent le lien entre durée de cotisation et durée de prestation.
C’est ce qu’on appelle la contributivité.
Passage d’un régime par cotisation s’ajoutant au régime public à deux régimes successifs : la cotisation pour les droits contributifs (patrimoniaux strictement liés à l’emploi) et l’impôt pour les droits non contributifs (non liés ou moins strictement liés à l’emploi), valant « allocation spécifique de solidarité (ASS).

L’affirmation de la contributivité ira jusqu’à la règle « un jour cotisé = un jour indemnisé » (2009), tandis que les droits dits non contributifs iront jusqu’à la création d’un revenu minimum d’insertion (RMI, 1989), pour les chômeurs éliminés de l’indemnisation par la convention de 1984 et à l’assimilation progressive de l’ASS à un revenu minimum ayant perdu toute signification de salaire.

A partir de 1991, la CSG, impôt affecté au régime général, se substitue en partie à la cotisation sociale.
L’ensemble des branches du régime général sont largement fiscalisées par une série de mesure qui , de 1993 à 2006, vont remplacer les cotisations employeur par une dotation budgétaire, puis par une exonération générale qui concerne de façon dégressive la moitié des salaires du privé et une bonne minorité de ceux de la fonction publique.
Progressivement, le régime général voit son financement salarial remplacé par l’impôt, et les projets de son financement par une TVA sociale ou par la seule CSG sont à l’agenda réformateur.

La matrice d’un « premier pilier » à la française est ainsi en train de se constituer.




Perte de toute connotation salariale avec la dérive de la pension comme salaire continué en pension comme revenu différé, avec le gel du taux de cotisation, la substitution de la durée de cotisation au taux de remplacement et l’indexation des pensions sur les prix.
C’est de la répartition avec des cotisations mais ayant perdu leur qualité salariale et entrant dans le giron capitaliste de la prévoyance.

Quant à l’assurance maladie du régime général elle n’assure que 75 % de la couverture, son progrès étant stoppé depuis les années 1980 ; la réforme du code de la mutualité de 1985 et le loi Rocard de 1989 créant le marché de l’ « assurance maladie complémentaire » (AMC) ont posé les bases de la mise en concurrence de l’assurance maladie et de sa négation à base de propriété lucrative, le trio mutualité-régimes paritaires-assurances privées, soumis aux directives sur les assurances de l’Union européenne et cherchant dans le rendement de réserves un complément de financement de prestations.

Le retour du crédit lucratif, là où la cotisation sociale l’avait éliminé, avec la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), fondée par Juppé en 1996 pour financer la sécurité sociale par l’emprunt plutôt que par une hausse des cotisations , donne quinze ans plus tard, près de 30 milliards d’euros de dette ; les recettes de la sécurité sociale engraissent des prêteurs.

Modification de PilierProtectionSociale




2 OUVERTURE POSSIBLE

2.1 Le salaire, du pouvoir d’achat au pouvoir économique

« passer du pouvoir d'achat au pouvoir politique émancipateur de décider de la valeur économique et de la produire »

Le pouvoir économique est à comprendre à la fois comme maîtrise et comme nouvelle définition de la valeur économique. Il s’agit de maîtriser la valeur économique pour en changer le sens.
Suppression du marché du travail et de la mesure de la valeur par le temps de travail, attribution à tous d’une qualification et d’un salaire à vie, suppression du crédit et de la propriété lucrative par une cotisation « économique » et une création monétaire articulée à la qualification : le salaire fonde ces possibles parce qu’il les pratique déjà à grande échelle et avec une remarquable efficacité.

La convention salariale du travail abolit le « nous avons contribué, nous avons droit » et le remplace par « nous avons droit à la qualification personnelle et donc au salaire à vie. »
Un régime de répartition, puisqu’il n’est pas fondé sur l’accumulation d’un capital, peut se créer et distribuer des prestations du jour au lendemain.
C’est ce qui s’est fait en 1947 pour L’AGIRC. Un régime par répartition socialise le salaire au temps t, il ne le transfère pas du temps t-1 en t comme s’il s’agissait d’une prévoyance.

La revendication est  : 100 % du meilleur salaire à 60 ans quelle que soit la durée de carrière ou la somme des cotisations ; la pension s’est construite non pas sur « nous avons cotisé, nous avons droit à un revenu différé » ou « nous avons travaillé, nous avons droit à un repos mérité » mais sur le révolutionnaire « nous avons enfin une qualification personnelle et un salaire à vie, nous pouvons maîtriser enfin notre travail ». L’impossibilité d’énoncer cette proposition tient à l’attachement à la représentation de la contrepartie du salaire en travail, et donc de la pension en travail passé.

Les deux dimensions du salaire : la qualification personnelle et la cotisation finançant du salaire.
Le salaire ne relève ni du pouvoir d’achat ni de la contrepartie, ni des besoin des travailleurs ni de la mesure de son temps de travail, il repose sur une autre mesure de la valeur économique, celle de la qualification, et ouvre la perspective de l’affirmation de la capacité de chaque salarié – et du salariat pris comme ensemble d’institutions alternatives à celles du capital – de décider de la valeur économique et de sa mesure.

L’enjeu du salaire c’est la sortie du capitalisme, se passer des capitalistes. Non pas de le contenir, non pas de bouger le curseur de la répartition de la valeur ajoutée en faveur du salaire et au détriment du profit mais de se passer des capitalistes, d’affecter toute la valeur ajoutée au salaire y compris la part qui doit aller à l’investissement. Aucun besoin pour travailler d’employeurs, d’actionnaires, de prêteurs.

2.2 Qu’est-ce que travailler ?

Le lien entre salaire et travail n’est pas celui qu’on lui accorde volontiers quand on dit que le salaire est le prix du travail ou que le travail est une activité rémunérée.
L’enjeu du salaire n’est pas dans la hausse du pouvoir d’achat concédé à des mineurs économiques mais dans un possible changement de la valeur économique, décisif pour l’émancipation de travail et des travailleurs ayant conquis leur majorité.


Les luttes syndicales ont abouti à la construction d’institutions salariales qui offrent une forme alternative d’abstraction du travail. Leur affirmation par une action politique clairement assumée et conduite rendra possibles l’éviction des propriétaires lucratifs et une démocratisation de la maîtrise de la valeur à un niveau jusqu’à présent inconnu.


la qualification et sa mesure du travail abstrait, la cotisation sociale finançant le salaire socialisé, les institutions représentatives des salariés comme les syndicats et les comités d’entreprise, le droit du travail, la négociation collective, l’ordre public social.
Elles sont les prémisses du salariat, qui se constituera comme alternative au capital si elles se généralisent comme qualification universelle et se substituent aux institutions de la convention capitaliste du travail.

Modification de InstitutionSalariale





La dynamique des sociétés repose sur ce qui est défini et pratiqué comme valeur économique, cela détermine la production des valeurs d’usage.


S’il y a des productions de valeur d’usage qui ne sont pas du travail c’est donc qu’on ne peut définir le travail simplement par l’action intentionnelle sur la nature en vue de la production de valeur d’usage.
La production de valeur d’usage est une condition nécessaire du travail mais elle n’est pas suffisante.

Modification de DynamiqueSociete





La valeur d’usage des productions et les types de travail concrets à promouvoir sont déterminés par une question centrale.
La question est : comment est définie la valeur économique ? Qui en décide ? Qui en détient les clés ?
Car ce qui importe c’est la maîtrise de la valeur économique sans laquelle il n’y a aucune maîtrise de la valeur d’usage et du travail concret, et débattre de la définition de la valeur économique et du travail abstrait du capital.



La crise de la définition du travail, aujourd’hui manifeste peut être l’occasion de mettre en débat la valeur économique, le travail abstrait, tels que les définit le capital et de montrer que nous avons à notre disposition des institutions salariales qui définissent la valeur économique et le travail abstrait d’une manière contradictoire à la définition du capitalisme, que nous disposons dans le salaire d’un déjà-là émancipateur du travail.

Expression monétaire du travail abstrait, le salaire nous plonge au cœur du conflit de définition de la valeur économique.
La valeur économique est une affaire de pouvoir


L’attribution d’une valeur économique à une valeur d’usage renvoie aux rapports sociaux fondamentaux de la société, donc au pouvoir.
C’est un construit social et pas un phénomène naturel.

Le pouvoir appartient à celui qui décide de ce qui, parmi les biens et services produits, a non seulement une valeur d’usage mais aussi une valeur économique et de quel montant, la valeur économique s’évaluant en monnaie.

La monnaie est donc d’abord un instrument de pouvoir.

Modification de ValeurEconomiquePouvoir




Il nous faut dénouer valeur d’usage et valeur économique. Dire que le travail est une activité qui produit de la valeur économique est très différent de dire que le travail est une activité rémunérée.

C’est la majorité sociale qui se joue dans le travail.

La convention capitaliste du travail peut être supprimée et remplacée par une autre convention du travail déjà-là qui est la convention salariale et qu’une action politique déterminée peut conduire à maturité.


Le produit intérieur brut qui mesure la valeur économique, et donc le travail, de l’année inclut bien davantage de travail que le seul travail dans son acceptation capitaliste : le travail des fonctionnaires, par exemple, bien que fait par des non-forces de travail et produisant du non-marchand en dehors de tout marché du travail et de toute propriété lucrative, est considérée comme producteur de valeur économique et à ce titre contribue au PIB.
Quand on additionne les cotisations sociales, les salaires directs des fonctionnaires et la part des revenus des travailleurs indépendants qui ne relèvent pas de la convention capitaliste du travail on arrive au tiers du PIB.

Modification de ConventionTravailDejaLa




La distinction entre activité et travail :

Si on appelle « activité » la production de valeur d’usage, donc biens et services utiles, il n’y aura « travail » que si cette activité s’inscrit dans un cadre qui ajoute à la production de valeur d’usage de la production de valeur économique.

Modification de ActiviteTravail




Il est important de parler de convention car qu’il soit, selon les sociétés, désigné ou non comme travail, le travail concret est un invariant anthropologique, tout comme l’est la production de valeur économique qui est, dans le capitalisme, mesuré par le travail abstrait.
Le travail est un contrat social qui varie d’une société à une autre, il n’y a pas d’essence du travail transversale à toutes les sociétés.


On ne peut pas définir le travail par la valeur d’usage qu’il produit car selon la société ou l’époque la production de n’importe quelle valeur d’usage est ou n’est pas du travail, toute production de valeur d’usage n’est pas du travail et la part de la production de valeur d’usage qui est menée comme du travail change en permanence.
Exemple : l’accompagnement des mourants. Dès lors que nous produisons de la valeur d’usage, les retraités en produisent ni plus ni moins que les autres, ce n’est pas ce que nous faisons, le type de valeur d’usage que nous produisons, qui fait que nous travaillons ou non.

Modification de TravailContratSocial




Pas plus qu’il n’y a de contenu universel du travail concret producteur de valeur d’usage, il n’y a de définition universelle de la valeur économique et du travail abstrait.


L’emploi du privé, le grade des fonctionnaires ou le salaire à vie des retraités ne renvoient pas aux mêmes acteurs s’agissant de la maîtrise de la valeur économique et conduisent à des définitions différentes de cette valeur et donc du travail.
Ce conflit de valeur est fondamental.
Le travail abstrait dans l’emploi n’est pas celui que l’on trouve dans le grade ou dans le salaire à vie.

Il n’y a d’essence ni du travail, ni de la monnaie, ni du salaire, ce sont des constructions sociales toujours en mouvement, marquées par des contradictions des rapports sociaux.

Modification de NondefValeur





Pour libérer le travail du carcan capitaliste, nous pouvons nous appuyer sur le salaire à condition de nous défaire de sa lecture en termes de pouvoir d’achat pour mesurer tout ce dont il est porteur en terme de pouvoir sur la valeur économique.
La rémunération exprime certes la subordination des travailleurs à la convention capitaliste du travail mais le salaire s’est affirmé contradictoirement à elle.
Les deux institutions centrales du salaire construites au XX°, qui sont subversives des institutions centrales du capital que sont la propriété lucrative, le marché du travail, la valeur-travail et le crédit, sont la qualification (qualification des postes dans l’emploi privé et surtout celle des personnes dans le grade des fonctionnaires ou dans le salaire à vie des retraités) et la cotisation sociale finançant du salaire socialisé et sont porteuses d’une nouvelle convention tant de la valeur économique que du travail.

2.3 Quel salaire ?

L’enjeu du salaire c’est de changer la convention sociale de la valeur économique. Le salaire est en effet affaire de valeur économique et non pas de la valeur d’usage et toute réflexion sur l’enjeu du salaire doit être une réflexion sur la valeur économique. La valeur économique est l’évaluation monétaire, déterminée par les rapports sociaux, d’une partie des valeurs d’usage. Elle n’a donc rien de naturel. La valeur économique est une convention sociale.

Le salaire est une institution considérable. Il est fort par son poids : 60% du PIB va au salaire). Il est fort par son contenu : pour plus de la moitié, il est fait de cotisations sociales et de salaires de fonctionnaires qui subvertissent la convention capitaliste du travail et sont aussi porteurs d’une alternative au capitalisme.
Le salaire, c'est-à-dire le salaire total, est le salaire net plus les cotisations (salariées et employeurs), le salaire brut plus les cotisations employeurs. Le salaire direct n’est qu’une partie du salaire total ; à la valeur créée dans l’emploi correspondant au salaire direct et au profit s’ajoute la valeur des biens et services non marchands créés par les destinataires des cotisations (qu’il s’agisse des soignants pour l’assurance maladie ou des retraités pour la vieillesse avec les cotisations sociales).
Le salaire total d’une personne est du salaire parce que les cotisations financent du salaire et non pas du revenu ou de la prévoyance et ce n’est pas totalement le salaire de cette personne car cette personne n’est pas à l’origine de la valeur économique exprimée par les cotisations liées à son emploi, une valeur qui devrait ainsi lui revenir quand cette personne serait malade ou retraitée sous forme de « salaire différé ».
La cotisation finance non pas du salaire différé mais du « salaire socialisé ». C’est la reconnaissance d’une valeur non marchande produite par les soignants, les retraités, les chômeurs, les personnes en arrêt de maladie, les parents, et incorporée dans le prix des marchandises.
De ce prix est tiré un flux de monnaie qui va payer les soignants, les retraités ou les parents, un flux de monnaie qui retournera aux marchandises puisque les pensions, salaires et allocations ainsi distribuées seront dépensés : ce flux de monnaie dans les deux sens est ainsi une opération blanche et n’est en aucun cas un flux de valeur.


Par ordre d’importance dans l’histoire de la Sécurité sociale française sont la cotisation familiale, la cotisation vieillesse, la cotisation maladie et la cotisation chômage.

  • En 1945 la cotisation familiale était la cotisation la plus importante à la naissance de la Sécurité sociale. Dans ses premières formes elle était désignée comme « supplément familial » (fin du XIX° siècle dans la fonction publique, étendue au secteur privé en 1932) et les allocations étaient suspendues à la condition que leur bénéficiaire ait un emploi. Au terme d’une série de mesures prises en 1939, la condition d’emploi a été supprimée : partie socialisée du salaire, les allocations familiales bénéficient à tous les parents de deux enfants, quel que soit leur rapport au marché du travail. Elles représentaient alors la moitié des dépenses de la sécurité sociale et étaient égales aux salaires directs du ménage pour une famille populaire moyenne ayant trois enfants. Cette cotisation familiale reconnait donc le travail non marchand des parents, dans une déconnexion totale de l’emploi. C’est un salaire qui valorise un travail non subordonné.

  • La seconde cotisation est la cotisation vieillesse, aujourd’hui majoritaire car elle représente environ 40%. La cotisation vieillesse s’est affirmée au fil des années comme ponction sur la valeur ajouté sous forme de salaire socialisé dont la croissance régulière du taux, passé de 8 à 26% du salaire brut entre 1945 et 1995, a permis d’assurer des personnes de plus en plus proches des salaires directs. Ce salaire continué dans la pension, indexé sur les salaires, a affirmé la qualification des retraités au fur et à mesure qu’avec les conventions collectives et la jurisprudence se construisait le salaire à la qualification.

  • La troisième cotisation à entrer en lice est la cotisation maladie, stagnante depuis les années 1940 du fait de l’opposition frontale du patronat au régime général, elle connut une forte progression à partir de 1958 (création des CHU) et substitua à l’hygiène publique. Elle montrait que le salaire peut, par la cotisation, assumer des temps hors emploi et des situations de travail sans contrat de travail ni subordination, comme celle des médecins libéraux conventionnés du secteur 1, qui vivent du salaire socialisé de la cotisation sociale. La seconde impulsion vint dans la première moitié des années 1970, à nouveau par le transfert à l’assurance maladie de prestations relevant de l’aide sociale : les hôpitaux psychiatriques, hôpitaux longs séjours,, le handicap congénital.

  • La dernière-née des cotisations est la cotisation chômage. La cotisation chômage telle qu’elle apparaît en 1958 en dehors du régime général et peut se déployer après 1967 est marquée par une contradiction originelle entre le salaire et l’emploi et entre le salaire et le revenu. En finançant les indemnités journalières calculées en pourcentage du salaire de référence du chômeur, la cotisation exprime le droit au salaire de personnes qui jusqu’ici avaient droit à l’aide sociale dans les rares endroits où fonctionnaient les bureaux municipaux de chômage. Mais elle assure ce droit au salaire en posant ses bénéficiaires comme demandeurs d’emploi. En liant la durée de l’indemnisation à la durée de la cotisation elle expose ce salaire au risque de sa transformation en revenu différé si ce lien entre durée de cotisation et durée d’indemnisation se resserre. Jusqu’en 1979 on observe plutôt une affirmation du salaire contre l’emploi et le revenu différé.

    Modification de CotisationSociale




La cotisation s’est construite comme une subversion du marché du travail et une attribution de valeur non marchand.


Depuis les années 1990 et à l’échelle européenne la pression réformatrice est énorme pour « mettre la protection sociale au service de l’emploi » : utiliser le chantage à l’emploi pour geler et réduire les taux de cotisation.

Le rapport Cotis (rapport de mission au président de la République, 2009) a bien mis en évidence le gel voire le recul du taux de cotisation en France.

La baisse du taux global de cotisation (employeur plus salarié) depuis 1998 ne s’était jamais vue et a comme effet la mise en difficulté de régimes qu’il s’agit donc de « sauver en urgence » par une réduction des droits.

L’effet est politique aussi car il permet une légitimation du crédit lucratif avec la lise en place de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) en 1996 et une délégitimation des institutions du salaire, lisible par exemple dans les priorités revendicatives des syndicats, centrées sur l’emploi au détriment du salaire.

Modification de ConstructionCotisation



Inverser le mouvement en remettant le salaire au cœur du conflit salarial est fondamental. Cela suppose une appréciation aiguë de l’enjeu du salaire comme levier d’une marginalisation de la convention capitaliste du travail et d’une autre définition de la valeur économique.

2.4 La qualification et sa réforme

Le salaire est affaire de qualification.


La valeur-travail n’est pas la seule forme de travail abstrait et une activité peut être transformée en travail sur la base d’une autre abstraction, la qualification ; le salaire n’étant pas le prix d’une quantité de temps de travail comme le veut la définition capitaliste du travail abstrait mais la reconnaissance d’une qualification.

La qualification a trois supports : le grade de la fonction publique, l’emploi du secteur privé, le diplôme protégé des professions libérales.


Les trois supports sont :
  • Le grade de la fonction publique ne préjuge pas du poste et donc du contenu concret des tâches qui seront effectuées. Le grade est acquis et garantit un niveau de traitement et des droits à carrière quels que soient les postes sur lesquels la personne sera nommée à ce grade ; pour un même grade il y a égalité de salaire (dans certains corps d’administration des primes viendront moduler cette égalité). Ce dispositif étendu à toute la fonction publique d’Etat vise à la maîtrise de la mobilité des fonctionnaires et affirmera une qualification personnelle. Au départ le grade n’exprimait aucun travail abstrait (les militaires par exemple refusaient de considérer leur activité comme du travail) et ce n’est qu’à partir de 1948 que le grade s’est chargé d’une référence au travail, néanmoins très abstraite puisqu’il n’est articulé directement à aucun poste de travail. Le travail abstrait qui préside au statut de fonctionnaire répartit les fonctionnaires aux multiples métiers (travail concret) en quatre niveaux de qualification avec progression d’échelon à l’ancienneté à l’intérieur d’un niveau, au choix selon des critères d’activités professionnelles appréciées par les pairs dans des commissions élus, par concours. Le grade supprime la fonction concrète d’employeur.

  • L’emploi du secteur privé s’est construit au cours du XX° siècle en associant au poste de travail une qualification. La qualification attachée au poste codifie le salaire sur la base de travail abstrait qui n’est pas défini par le temps de travail nécessaire à la production et reproduction d’une force de travail en mesure de tenir le poste. Le travail abstrait défini par la qualification du poste n’est ni le temps de travail nécessaire à la production des biens et services produits dans ce poste : la qualification est définie ex ante. Les actionnaires et les employeurs veillent avec fermeté à ce que la qualification n’associe au poste qu’un salaire minimum et déploient une grande énergie pour introduire dans les salaires réels des primes qui remettent en selle le travail abstrait capitaliste : assiduité, réduction du temps de production, contribution à la survaleur.

  • Le diplôme protégé des professions libérales ; ce sont les professions qui se sont organisées pour faire d’un diplôme le support d’une qualification exprimées par un barème d’actes professionnels dont les critères sont ceux d’un travail abstrait lui aussi étranger à la simple dépense de temps de travail. Le diplôme protégé des professions libérales est une forme atténuée de la convention anticapitaliste, car le diplôme protégé vaut salaire à la qualification personnelle au sens où les honoraires qui lui sont liés sont codifiés, mais l’efficacité des honoraires dépend du marché des prestations. Si ce marché est solvable par le salaire socialisé, comme pour les professionnels de santé libéraux par l’assurance maladie, on est dans une situation qui se rapproche du salaire à vie des fonctionnaires, ce qui montre combien la qualification personnelle et le salaire à vie peuvent recouvrir des statuts d’exercice très différents. Proposer leur généralisation ne veut pas dire « tous fonctionnaires » ou « tous avec un contrat de travail de droit privé » ou « tous indépendants », mais possibilité de passer sans heurts de l’un à l’autre de ces situations.

    Modification de QualificationSupport




La fonction publique n’est pas l’emploi à vie mais le salaire à vie car la qualification et donc le salaire est l’attribut du fonctionnaire, et non pas son poste de travail comme dans le privé. La qualification personnelle vaut salaire quelle que soit l’implication, la productivité ou l’assiduité car elle assume la reconnaissance de son titulaire comme source de travail abstrait, comme producteur de valeur économique quoi qu’il en soit de son activité dans son poste de travail.

La qualification de la personne est doublement subversive de la convention capitaliste du travail puisqu’elle s’attaque et à la valeur (ce que fait aussi la qualification du poste dans l’emploi) et au marché du travail (ce que ne fait pas l’emploi). D’une part elle s’est étendue du fait de la croissance des fonctionnaires et des professions libérales dans la population active (plus d’un tiers entre 1980 et 2008, deux fois plus vite que l’emploi total), d’autre part la qualification personnelle a gagné les salaires du privé eux-mêmes, indirectement dans ce qu’on appelle les « marchés internes », et directement chez les retraités dont la pension est proche du salaire d’activité.


La qualification, même affectée au poste de travail dans l’emploi, peut devenir indirectement la qualification de la personne : Banque, sidérurgie, SNCF, EDF échappant en interne à la logique du marché du travail et ayant, pour le personnel permanent, des statuts et des dispositifs conventionnels avec des hiérarchies de qualification et des grilles de salaire correspondantes et respectées par les employeurs.

La dynamique de l’emploi a aussi marginalisé le marché du travail en créant des marchés internes de grandes entreprises ou de branche, avec des tarifs, des règles de mobilité, de conditions de travail, des règles de l’embauche et du licenciement, l’emploi se définissant alors comme « poste de travail support de la qualification ».

Pour la retraite, lorsqu’un salarié accède à la retraite avec une pension proche de son meilleur salaire, c’est ce qui était jusqu’ici la qualification de ses vingt-cinq meilleures années de poste, cette qualification devient la sienne. Désormais c’est lui qui est qualifié, il a un salaire à vie ; qualifier c’est attribuer un salaire à vie ; un retraité du privé est enfin qualifié en ce cas.

Affecter la qualification à la personne et non pas à l’emploi est émancipateur.

Modification de QualificationPersonne



Une production non marchande ne veut pas dire nécessairement non vendue.
L’acte conventionné d’un médecin du secteur 1 est vendu, mais ce n’est pas une marchandise produite selon le critère capitaliste de la valeur-travail.

Pour le travail qui ne produit pas de biens et de services vendus (salaire des soignants ou des retraités) et aussi pour celui non marchand mais vendu, il faut un flux de monnaie qui, sous forme de cotisations sociales, aille du marchand vers le non marchand ; un flux qui suscitera un flux équivalent en retour du non- marchand vers le marchand, puisque les salaires des soignants ou des pensions des retraités serviront à acheter des marchandises.
Avec cet aller-retour, les cotisations sont pour la sphère des marchandises une opération blanche. Mais ce flux de monnaie n’est pas un flux de valeur.

La valeur économique au fondement de la cotisation n’est pas produite par le cotisant mais par le soignant ou le retraité. Tout comme la valeur économique au fondement de l’impôt n’est pas produite par le contribuable mais par le fonctionnaire.

Les prix des marchandises incluent, en plus de la valeur des marchandises, celle du travail non-marchand reconnu par un salaire à la qualification. Ainsi les impôts qui financent le salaire des fonctionnaires et les cotisations qui financent du salaire socialisé sont des ajouts de valeur ajoutée et des ajouts révolutionnaires puisqu’ils confortent une convention salariale antagonique de la convention capitaliste.

Modification de NonMarchand




2.5 La cotisation et sa réforme

La cotisation sociale exprime une pratique de la valeur économique contradictoire avec celle du capital. La cotisation est non seulement une ponction sur la valeur ajoutée alternative à la propriété lucrative et à l’emploi, mais encore un ajout de valeur subversive de la valeur-travail. Elle donne un autre sens au travail abstrait, elle crée le chemin de la sortie du marché du travail. Démonstration concrète de l’inutilité de l’accumulation financière et du crédit, elle peut libérer du chantage des prêteurs, comme elle le fait pour les équipements qu’elle finance, ainsi que de la création monétaire comme dette par le crédit.

Cotiser n’est pas la même chose que de payer un impôt, contribuer à un revenu différé, ou affecter à la Sécurité sociale une partie des revenus d’une propriété lucrative. C’est du salaire socialisé, ce que ne sont ni le salaire fondé sur l’emploi, ni l’impôt sur le revenu, ni une taxe sur le profit, ni une prévoyance en vue d’un revenu différé. Cette différence est décisive pour qui n’identifie pas salaire et pouvoir d’achat, mais rapporte le salaire à la maîtrise et au changement de sens de la valeur économique.

La cotisation fait une ponction révolutionnaire sur la valeur ajouté qui est différente à un financement pris sur les profits distribués aux propriétaires lucratifs, au salaire direct lié à l’emploi et à l’impôt. La réussite de la cotisation dans le financement des engagements à long terme des pensions montre qu’il n’y a pas besoin d’accumulation financière pour assurer le futur en général, et financer l’investissement en particulier.

Le prélèvement sur la valeur ajoutée qui va au profit se fait au nom de la propriété lucrative. La propriété d’instruments de production ou d’un portefeuille de titres rend possible la ponction d’une partie de la valeur ajoutée en train d’être produite. La cotisation s’oppose à cette ponction. Contre une croyance en une accumulation des valeurs par les « marchés », la cotisation rappelle qu’on ne peut investir qu’une part de la valeur en train d’être produite et donne la clé de la suppression de la propriété lucrative et du crédit.


Jusqu’à l’invention de la Sécurité sociale, tout accident de santé obligeait à emprunter ou à alimenter la rente des actionnaires des compagnies d’assurances. En ponctionnant la valeur ajoutée au nom du salaire socialisé pour financer la santé ou la vieillesse qui l’étaient jusque là par le prêt ou l’investissement des propriétaires, la cotisation sociale met en évidence l’inutilité de la propriété lucrative et du crédit lucratif.

La croyance dans l’épargne comme accumulation de valeur peut dès lors être combattue.
Ce qui s’accumule dans l’ « épargne ce n’est pas de la valeur mais des droits sur la valeur qui sera en cours de production au moment où l’épargne sera transformée en monnaie.

L’épargne accumule des droits de propriété sur la monnaie, expression de la valeur reconnue au produit du travail de l’année où se finit cette épargne. L’épargne ne peut jamais se substituer au travail, ni s’y ajouter.
Nous savons depuis Adam Smith (1776) que la « richesse des nations », c’est leur « travail annuel ».

Modification de CotisationPonctionValeurAjoutee



L’épargne d’usage permet de se constituer une propriété d’usage ; l’épargnant d’usage ne ponctionne aucune valeur produite par le travail d’autrui puisqu’il ne fait que récupérer le pouvoir d’achat de ses dépôts et (éventuellement) sa participation à la croissance du PIB.


On ouvre un compte sur livret en vue de l’achat d’un appartement ou d’une voiture, car il s’agit d’une dépense qui excède le flux courant des revenus mensuels.
L’épargnant d’usage accumule des dépotes réguliers pris sur les revenus de son travail et bénéficie d’un taux d’intérêt de 1,2 ou 3 % qui correspond à la hausse des prix et éventuellement à une part de la croissance du PIB à laquelle il a au demeurant participé par son travail.
Lorsqu’il demande au banquier de convertir cette épargne en monnaie, il ponctionne sur la monnaie en cours, et donc sur une partie du travail en cours.
Ce livret est un cumul de droits sur la valeur produite par le travail au moment de la conversion de l’épargne en monnaie.
L’épargne d’usage peut être remplacée par le crédit d’usage dès lors que le taux d’intérêt, égal à la hausse des prix plus, éventuellement, la croissance du PIB, ne représente pour le prêteur aucune ponction sur le travail d’autrui.

Modification de EpargneUsage



L’épargne lucrative est un patrimoine que l’on ne consomme pas mais dont on tire un revenu. Les dépôts et les rendements ne seront pas du tout à la même échelle que ceux de l’épargne d’usage, et le revenu de l’épargne sera ponctionné sur le travail d’autrui.


Par exemple : le repreneur, l’ "investisseur » que l’on va supplier de bien vouloir reprendre une entreprise en difficulté n’apporte en fait absolument rien. Il arrive avec des titres financiers qu’il devra transformer en monnaie pour payer les fournisseurs, machines et salariés.
Cette monnaie provient de la monnaie en cours qui exprime la valeur attribuée au travail en cours ; son portefeuille est un cumul de droits de propriété sur une partie de la valeur en train d’être produite.
Comme leur rendement est supérieur aux 1,2 ou 3 % de l’épargne d’usage et excède la croissance du PIB, l’argent récupéré est pris sur le travail d’autrui et ne correspond pas à son propre travail ; la ponction de l’argent qu’il fait aujourd’hui sur le travail d’aujourd’hui correspond à la somme de toutes les ponctions sur le travail d’autrui lui ayant permis la constitution de son portefeuille. La somme vient donc d’être ponctionnée sur le travail d’aujourd’hui et les sommes ayant permis de constituer progressivement le portefeuille était une ponction sur le travail d’autrui.

Un prêteur, dès lors qu’il pratique des taux d’intérêt supérieurs aux 1,2 ou 3 % de l’épargne d’usage ne prête jamais que ce qu’il vient de ponctionner, ou va ponctionner sur le travail d’autrui.

La croyance dans une accumulation de valeur dans des titres financiers est un des dogmes les moins discutés. Les propriétaires lucratifs des titres ne valant plus rien lors de l’éclatement de la bulle financière ont eu le poids politique d’obtenir qu’une création monétaire par les banques centrales vienne remplacer la fausse monnaie de la bulle.
Ils ont aujourd’hui le poids politique d’obtenir que cette création monétaire ne soit pas à son tour création de fausse monnaie par la planche à billets, mais qu’elle corresponde bien à la valeur économique que dix ans d’austérité vont leur permettre de ponctionner.

Modification de EpargneLucrative



La dette ne se nourrit pas que de l’appropriation privée de la valeur créée par le travail d’autrui, mais aussi de la création monétaire par le crédit bancaire – ce qui fait de la monnaie, expression de la valeur créée par notre travail, une dette. Le capitalisme endette les peuples pour leur fournir de la monnaie.

Contrairement au salaire direct du privé, la cotisation prélève la valeur ajoutée au nom du salaire socialisé qui va être distribué à des personnes qui ne relèvent pas du marché du travail. Cette socialisation à l’échelle nationale est la condition pour que chacun soit assuré du versement de sa pension ou de la prise en charge de ses dépenses de santé, quels que soient les aléas de son emploi et la bonne ou mauvaise santé se son entreprise.
De plus, que la cotisation soit du salaire en fait un instrument de reconnaissance de la qualification. C’est une ponction sur la valeur ajoutée faite au nom de la qualification qui affirme donc, contre le marché du travail créateur de forces de travail, la contribution de ceux qu’elle finance à la création de la valeur économique.
Tout en montrant a contrario combien l’emploi mutile tant le travail concret que le produit et le producteur, la cotisation nourrit la convention salariale du travail qui, définissant la valeur économique non pas par le temps de travail abstrait nécessaire à la production des biens mais par la qualification des producteurs, libère le travail de la dictature du temps et conforte les personnes.
Ponctionner la cotisation sociale au nom du salaire pour la distribuer à des personnes qui vont produire du non-marchand tout en étant non pas des forces de travail mais les porteurs de la qualification, c’est libérer la valeur de sa définition capitaliste et ouvrir au PIB des contenus inédits.


Si les retraités travaillent, si leur travail concret est aussi leur travail abstrait producteur de valeur économique ce n’est dû au contenu du travail concret (cela n’est pas parce qu’ils sont conseillers municipaux ou bénévoles au secours populaire). C’est parce que leur salaire à vie, contre l’emploi, reconnaît un autre travail abstrait, présent dans toutes leurs productions de valeur d’usage (y compris lorsqu’ils cultivent leurs tomates, gardent leurs petits-enfants ou accompagnent leurs vieux parents dans la mort).

On peut remarquer, par exemple, que le PIB français ou allemand est proche du PIB chinois malgré la différence démographique et la production de valeur d’usage produite en France ou en Allemagne est infiniment inférieure à la valeur d’usage produite par la population chinoise.
Mais une part beaucoup plus grande de cette valeur d’usage est considérée comme valeur économique : nouveaux services et biens produits sous la loi de la valeur-travail, mais aussi de nombreuses tâches effectués comme du travail producteur de valeur dans le cadre de services publics ou de la sécurité sociale qui en Chine le sont comme de l’activité utile menée dans le cadre domestique et donc sans valeur économique.

Modification de SocialisationTravailAbstrait



La cotisation est un ajout de valeur car elle correspond à l’attribution de valeur économique au travail non-marchand. Exemple : le retraité est passé de la qualification du poste à la qualification personnelle, ce qui le libère non pas du travail mais de l’emploi et change radicalement le sens du travail.
La pension comme salaire à vie confirme qu’une matrice du travail alternative à l’emploi existe, subversive du marché du travail. Payés à vie les retraités produisent une valeur non capitaliste évaluée aux 13 % du PIB qui leur reviennent sous forme de pension. C’est la convention capitaliste du travail qui veut que produire du non-marchand hors emploi ne soit pas producteur de valeur. Le salaire à vie, en posant une autre convention de valeur et donc de travail ne connaît pas de « problème démographique » puisque chacun continue à produire de la valeur économique jusqu’à sa mort.

La convention salariale du travail n’élimine ni le prix, ni la monnaie, ni l’échange : elle élimine la marchandise, c'est-à-dire la dictature du temps qu’introduit la mesure de la valeur par le temps de production.

La cotisation est du salaire socialisé, du salaire qui exprime la valeur économique reconnue à du travail libéré de la valeur-travail et du marché du travail, et socialisé puisque l’expression monétaire de cette valeur, incluse dans le prix des marchandises, suppose un flux de monnaie aller-retour entre le marchand et le non-marchand.



3 .6 - Cœur du livre : Salaire universel et souveraineté populaire





3.1 Faire plus que le parti socialiste ?

Le plein emploi, la taxation du capital et la réforme fiscale, la régulation publique du crédit, la hausse du SMIC et des minimas sociaux sont des thématiques familières de la gauche.


Le plein emploi, aujourd’hui objet d’un solide consensus même en y ajoutant les qualificatifs de solidaire ou de vrai, est présenté comme étant au cœur de la sortie de crise ; or il nous enfonce dans la crise.

Dire que c’est le plein emploi qui permettra d’assumer des dépenses de pensions croissantes est absurde : créer des emplois supplémentaires, c’est aussi créer des droits de pension supplémentaires qu’il faudra bien honorer un jour. Ce n’est pas la croissance de l’emploi, qui a augmenté bien moins vite que le nombre de retraités, qui a permis la croissance des pensions dans le PIB. Ce qui a permis la croissance des pensions dans le PIB c’est la croissance dans le salaire total, du taux de cotisation sociale. Le financement des pensions a grandi plus vite que la masse des salaires directs, ce qui est indispensable pour faire face au poids croissant des retraités relativement aux actifs. Pour que la part du salaire total consacré aux pensions augmente alors il faut que le taux de cotisations augmente. Oublier que le taux de cotisations vieillesse a plus que triplé en cinquante ans, qu’il régresse massivement pour les salaires inférieurs à 1,6 SMIC depuis la fin des années 1990 et qu’il stagne depuis cette date pour les autres, est tout à fait significatif de la situation revendicative des quinze dernières années : la hausse du taux de cotisations a pratiquement disparu des revendications syndicales et des propositions politiques.

Revendication de modulation des taux de cotisations selon le comportement des employeurs en matière d’emploi et selon l’intensité capitaliste de l’entreprise : elle met en cause une des innovations centrales de la Sécurité sociale, la péréquation entre employeurs assujettis au même taux, et fait retour au pollueur-payeur, qui est antagonique à la Sécurité sociale. Exemple de la difficulté de reconnaissance de maladies professionnelles et des accidents du travail suite à la différence du taux de cotisation selon les branches. Il n’y a pas de Sécurité sociale en dehors de l’unicité d’un taux de cotisation. Il est clair aussi que les entreprises à taux de cotisations plus faibles vont servir à dévaloriser le niveau moyen des salaires par mise en concurrence des travailleurs selon le statut de leur employeur (ainsi la multiplication de la sous-traitance).

Responsabilité sociale des entreprises : Tout ce qui conduit à refonder sur l’entreprise des droits comme la culture, la santé, la formation est une régression qui par ailleurs accentue les inégalités. Seule la mutualisation des valeurs ajoutées entre les entreprises peut assumer en la matière des droits égaux à des salariés de branche en difficulté, ou de PME ou de TPE. Ces droits doivent avoir leur source et le financement ailleurs que dans l’entreprise où ils s’exercent. La Sécurité sociale est précisément ce qui déconnecte droits de travailleurs et emploi.

Pour concrétiser ce qui est revendiqué dans le plein emploi, à savoir le fait que chacun puisse participer à la production de valeur économique autant qu’il peut et le désire, il faut précisément se battre non pour le plein-emploi (plein d’employeurs, maintient du marché du travail et des force de travail, renonciation à la maîtrise du travail, abandonnée à ceux qui ont le pouvoir sur l’emploi et en font l’occasion de la survaleur) mais pour la pleine qualification.

Le mot d’ordre du plein emploi doit être remplacé par la revendication d’un droit politique qui postule que tout le monde est, à l’âge de la majorité, producteur de valeur économique, et qui attribue donc à chacun un salaire à vie exprimant la définition salariale du travail abstrait.
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Taxation du capital : faire bouger le curseur dans le partage salaire/profit de la valeur ajoutée au détriment du profit n’est pas une réponse à la hauteur de l’entreprise réformatrice et de la contradiction qu’elle exacerbe. L’attaque contre la sécurité sociale est la tentative de restaurer la valeur-travail, la propriété lucrative et le marché du travail contre le travail socialisé. Il faut supprimer la propriété lucrative et donc le profit, selon un plan déterminé de mise en place progressive d’une cotisation économique ; et non pas préconiser de taxer la propriété lucrative pour la sécurité sociale (moins de propriété lucrative en ce cas signifiera moins de rentrées fiscales pour les prestations sociales).

Taxe fiscale : Le projet ne repose pas d’abord sur une réforme de la fiscalité, comme tant de projets de la sortie de crise. Un projet d’affectation de tout le PIB au salaire pose la question de l’impôt. Il ne sera plus nécessaire. Le nécessaire enrichissement de la citoyenneté par la conquête du droit politique de maîtrise de la valeur économique dans sa définition salariale ne peut pas s’appuyer sur l’impôt, qui viendrait soutenir une « volonté générale » impuissante sur l’essentiel tant que le salaire ne s’est pas imposé comme destinataire de toute la valeur ajoutée. C’est sur cette base de l’affectation de tout le PIB que peut s’engager un début de redistribution fiscale, tout comme c’est sur cette base que les cotisations pourront être ponctionnées sur le PIB non plus en pourcentage du salaire direct (puisque ce salaire direct sera lui-même payé par cotisations) mais en pourcentage de la valeur ajoutée dans l’entreprise. Ce qui résoudra par le haut, par affirmation du salaire, des problèmes que tentent de résoudre par le bas, par marginalisation du salaire, les actuels projets de fiscalisation, de modulation ou de changement d’assiette des cotisations.

Ce n’est que si on est attentif à l’enjeu de la cotisation en terme de valeur économique et de travail abstrait que l’on peut voir que la cotisation n’est pas prise sur les « ressources » du « cotisant » pour la « solidarité » ou le « revenu différé », mais quelle ajoute de la valeur au PIB en reconnaissant comme productrices de valeur économique, comme travail donc, des activités que la convention capitaliste du travail interdit de reconnaître comme telles, et que les réformateurs veulent à tout prix faire revenir dans le giron du capital en attribuant à leurs producteurs, non pas du salaire mais un revenu de « solidarité » financé par l’impôt ou un revenu « différé » financé par la prévoyance par répartition.
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Régulation publique du crédit : Faire la part du feu, juxtaposer à un crédit privé maintenu un crédit public, revient tôt ou tard à socialiser les pertes, ce qui permet au capital privé de se valoriser d’autant mieux que la part dévalorisée du capital est publique. L’échéance est ainsi retardée dans des convulsions de plus en plus dramatiques.

Les idéologues du capital ont tellement réussi à faire intérioriser par les personnes qu’il n’y a de travail que dans l’emploi, et que seul l’emploi donc mérite salaire, que désigner pour ce qu’il est le salaire à vie des fonctionnaires brise un tabou. Il en est de même pour la suppression du crédit qu’opère le salaire. Les idéologues ont tellement réussir à faire intérioriser le crédit lucratif comme une réalité naturelle que nous ne voyons pas qu’il est déjà dépassé aussi bien d’ailleurs par l’impôt que par la cotisation sociale ou par le salaire direct. L’impôt permet à l’Etat de financer ses dépenses sans appel au crédit : c’était une des ambitions essentielles des révolutionnaires de 1793. L’une des obsessions des réformateurs depuis trente ans est le retour au crédit lucratif par la baisse de l’impôt ; ajoutée à l’interdiction faite depuis 1973 à la banque centrale de financer la dépense publique, cette baisse a conduit à la hausse stupéfiante de la dette publique dans nos pays depuis quarante ans. Une dette construite de toutes pièces, par complicité des décideurs politiques et des prêteurs, et dont le principal est déjà remboursé puisque son montant actuel est égal au cumul des intérêts. Le solde budgétaire hors remboursement de la dette est positif, et il est temps que toutes ces dettes, entièrement illégitimes, soient purement et simplement annulées. L’annulation de la dette doit s’accompagner d’une nouvelle technique de financement de l’investissement sans aucun appel à l’épargne et au crédit lucratif. L’annulation de la dette et la suppression du crédit lucratif, remplacé par une cotisation économique et une création monétaire à l’occasion de l’attribution des qualifications nouvelles, sont des pièces maîtresses de l’acte fondateur. La nouvelle citoyenneté, celle du droit universel à la maîtrise de la valeur économique doit être armée de l’exclusivité populaire de la décision de l’investissement sans quoi elle s’épuisera dans des attributs fictifs. La propriété lucrative doit disparaître pour céder la place à une propriété d’usage aujourd’hui largement refusée.

La suppression de la propriété lucrative repose sur deux piliers. D’une part son interdiction à tous les niveaux, y compris dans son usage populaire. D’autre part une extension sans précédent de la propriété d’usage. Propriété d’usage de tous les outils de production, quelque soit le fait de l’individu en cas de travail indépendant, d’un collectif de travail en cas de production engageant des enjeux locaux ou ponctuels ; de collectivités plus larges et jusqu’à la nation en cas de production aux enjeux décisifs. Propriété d’usage des lieux que l’on habite en résidence principale ou secondaire, que l’on soit propriétaire ou locataire. Propriété d’usage transmissible par héritage dès lors qu’elle reste propriété d’usage. L’abolition de la propriété lucrative va pouvoir s’accompagner de l’affirmation de la propriété d’usage interdite aujourd’hui à tant de travailleurs indépendants dont la propriété du patrimoine est formelle ou hypothéquée, à tous les salariés s’agissant de leur outil de travail, à tant de familles mal logées et à des prix indécents.
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Hausse du SMIC : Le SMIC a changé de sens et est aujourd’hui, avec les minimas sociaux, une arme de guerre contre le salaire. La hausse du SMIC réduit encore davantage la hiérarchie des salaires les plus faibles en les portant au minimum légal, tout en augmentant la place des postes payés au forfait. L’embauche au SMIC y compris de salariés employés depuis longtemps ; sans référence à une quelconque qualification du poste, est devenue pratique courante, et on peut voir aujourd’hui des « carrières » d’employés qui commencent à temps partiel ou par une « mesure » (emploi aidé) à 0,8 SMIC et se terminent quarante ans plus tard à 1,1 ou 1,2 SMIC. Le SMIC n’est plus la hiérarchie des salaires mais un substitut du salaire, l’instrument d’un remplacement de la hiérarchie salariale par une carrière smicarde négatrice, non seulement, comme tout salaire du privé, de la qualification des personnes mais aussi de la qualification des postes.

Le fondement de la crise n’est pas le défaut de pouvoir d’achat par excessive concentration de la richesse. La crise a d’abord son origine dans la fuite en avant du capital pour contrer la baisse du taux de profit. Le salaire n’est pas un revenu, un pouvoir d’achat, débouché des marchandises capitalistes !

3.2 Faire à côté du système ?

Le revenu inconditionnel garanti, la mise en cause du travail, la dénonciation de la monnaie sont des thématiques des alternatifs.



Revenu inconditionnel de base : Une lecture approximative de la proposition de « salaire universel » pourrait faire penser à sa proximité avec celle d’un « revenu universel ». Il n’en est rien, même si salaire universel et revenu de base ont un point commun décisif : leur inconditionnalité.

Le revenu désigne deux réalités antinomiques. D’une part, c’est ce que l’on tire d’un patrimoine ; d’autre part, le revenu renvoie aux besoins, au pouvoir d’achat qui rend possible la reproduction d’une force de travail, il est cohérent avec la prétention des capitalistes à se poser comme les seuls acteurs de l’économie et à faire des travailleurs des mineurs sociaux auxquels n’est impartie que la sécurité, des êtres de besoins niés comme producteurs.

Une variante minoritaire de la proposition du revenu inconditionnel de base le fonde sur le caractère cognitif de tout travail aujourd’hui qui fait que la mesure individuelle de la contribution de travail de chacun est impossible ; d’où la proposition de la reconnaître par un forfait universel. Le revenu universel ne remet pas en cause ni le marché du travail ni celui des capitaux. Il continue à identifier travail et emploi et propose de garantir une base au « hors-travail » (en réalité le hors-emploi). Nous aurions deux parts dans nos vies, celle de la liberté assurée par le revenu garanti, et celle de la contrainte dans le travail donnant lieu à salaire, le second chèque de ceux et celles qui ne se contenteraient pas du revenu de base. L’emploi demeure donc bien la matrice du travail, même si un forfait vient reconnaître la contribution au travail hors emploi.
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Mise en cause du travail : Que la souffrance au travail soit en réalité une souffrance à l’emploi ne change pas ce fait majeur de l’identification entre travail et emploi.
Or c’est bien de ce carcan intellectuel qu’il faut sortir. Laissez se répandre que « le travail c’est mauvais » n’est pas pour déplaire à des propriétaires lucratifs qui sont aujourd’hui incapables d’obtenir l’adhésion de leur convention du travail autrement que par la violence managériale et le chantage à l’emploi et à la dette.
A des degrés divers, nous faisons l’expérience amère que la convention capitaliste du travail est un obstacle au « bien travailler » et au « tous travailler ». Ces propriétaires lucratifs sont prêts à distribuer de la monnaie inconditionnelle si elle est en mesure de rendre acceptable l’inhumanité du marché du travail et que nous mettions toute notre aspiration à la liberté et à la créativité dans des activités hors emploi financées par un revenu universel. ET que nous complétions ce forfait par le salaire obtenu en allant sur le marché du travail contraint. Cela les arrange , la convention capitaliste du travail conduit à une production de marchandises à valeur d’usage de plus en plus contestée : tout ce qui naturalise l’état dans lequel ils mettent le travail, tout ce qui identifie le travail abstrait aux impasses de sa convention capitaliste ferme la voie à l’affirmation du travail socialisé de la convention salariale.

Concernant la critique menée du point de vue des valeurs d’usage et du travail concret que les partisans de la fin du travail vont appeler « activité, création de richesse » puisqu’ils réservent le mot « travail » à son destin dans le capitalisme, il n’y a pas de raisonnement sur la valeur économique, n’existe que la production de valeur d’usage que le capitalisme dévoie en travail, c'est-à-dire en production de valeurs d’usage mortifère.
La critique menée du point de vue du travail sans donner d’importance aux deux dimensions, abstraites et concrète, du travail est la même : les rapports de production capitalistes, l’appropriation privée des moyens de production, aliènent et exploitent le travail (concret), et si on supprime cette appropriation privée pour donner la propriété et le pouvoir aux travailleurs, le travail sera libéré, le travail (concret) pourra enfin s’épanouir librement.
Quant à la critique du travail au nom de l’activité, elle opère selon un raisonnement équivalent, sauf que la logique capitaliste est analysée selon d’autres variables : le toujours plus, l’aliénation dans la consommation, l’appétit de pouvoir, la compétition. L’argumentation fait la même impasse sur la valeur économique et sur son expression capitaliste, le travail abstrait.

Or est-il possible de faire société sans valeur, sans monnaie ?

La question est de passer d’une mise en cause pragmatique à une entreprise politique délibérée de définition d’une abstraction du travail alternative à la valeur-travail. Nous avons besoin d’une abstraction du travail. Les rapports de propriété n’épuisent pas la réalité du capitalisme. Son noyau dur est l’invention de la valeur économique mesurée par le travail abstrait, la simple dépense d’énergie humaine, et tant que valeur et travail (abstrait) ne seront pas détruits, on ne pourra pas sortir du capitalisme.
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Dénonciation de la monnaie : Il y a évidemment une cohérence à proposer à la fois la fin du travail, la fin de la valeur et la fin de la monnaie. Néanmoins, comment peut-on échapper à la valorisation (monétaire) de l’activité ? Toutes les valeurs d’usage ne se valent pas, non pas par essence, non pas parce que leur utilité serait inégale, mais parce que les rapports sociaux construisent leur inégalité économique. La valeur est affaire de pouvoir.

La qualification personnelle mesure la valeur des biens et services non pas par leur temps de production mais par la qualification de leurs producteurs. Cette forme d’abstraction du travail attaché aux personnes de façon irréversible et toujours améliorable confirme ces personnes, ce qui est décisif pour qu’elles aient un rapport inventif au travail.
La qualification personnelle n’est pas un retour vers l’inégalité statutaire des producteurs, saisis par le hasard de leur naissance ou la puissance de leur patronage, c’est une abstraction du travail évidemment enjeu de pouvoir et pour cela politiquement construite, toujours remise sur le tapis de la délibération. Elle peut être servie par une monnaie créée au même rythme qu’elle. Plutôt que de stériliser la pensée et l’action dans la dénonciation, ou de chercher la fin du travail et de la monnaie des alternatives au capital en-deçà de celle qui est déjà-là avec le salaire, pourquoi ne pas la voir, elle, et s’en saisir ?



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