- Processus et construction d'un pouvoir d'agir (empowerment)-
"L'enjeu du pouvoir est central dans l'enjeu démocratique.
Michel Foucault montre en son travail que le pouvoir est relationnel et qu'il prend des formes diverses dans les rapports sociaux, qu'il traverse toutes les interactions sociales. Il n'y a pas de relation sociale sans le pouvoir. Les féministes de la 2ème vague des Etats-Unis ont permis de parler de plusieurs formes de pouvoir.
Il y a plusieurs types de pouvoir :
le "pouvoir sur", le "pouvoir de" et le "pouvoir avec".
Le pouvoir est souvent abordé dans les sciences politiques comme un "pouvoir sur" ; soit : la capacité de décider, d'exercer une action sur les autres, en particulier quand cette action se fait au détriment des autres (partage du pouvoir réclamé par les autogestionnaires et stratégies politiques qui parlent de prise de pouvoir).
C'est celui où l'acteur est en capacité de faire, de sortir de la dépendance.
C'est un pouvoir génératif, qui a la capacité de promouvoir des changements.
Le pouvoir est compris comme une énergie et comme une compétence.
C'est le pouvoir de faire avec, de construire avec, de s'inscrire dans une démarche collective de prise en main de son avenir et de transformation sociale qui se construit précisément avec ce pouvoir avec.
Cette distinction entre le "pouvoir sur", le "pouvoir de" et le "pouvoir avec" permet de rendre une voix et du pouvoir aux sans-voix, et de dégager des stratégies de transformation sociale où ces sans-voix aient une place centrale - une place centrale car c'est l'expérience de la domination et de la marginalité qui les rend plus aptes à même d'en comprendre le processus et les effets.
Cela ouvre sur les démarches fructueuses de transformation sociale s'appuyant sur l'expérience individuelle et collective et la constitution de contre-pouvoir.
Parler de contre-pouvoir ce n'est plus seulement parler d'un pouvoir qui "s'opposerait à" mais d'une capacité critique et créative construite à partir de l'expérience des individus et de leur mobilisation collective. On peut parler du terme d' émancipation en son sens étymologique - c'est à dire : sortir de la main qui vous tient.
Cela engage un renversement de démarche et qui est le seul à même aujourd'hui de dégager de nouvelles perspectives.
Les trois dimensions interactives du processus du pouvoir d'agir sont :
la dimension individuelle, la dimension collective et la dimension politique.
- La dimension individuelle :
Le pouvoir d'agir au niveau individuel consiste à prendre sa vie en main, il renvoie la construction du sujet lui-même, à la construction des individus - la subjectivité.
Il permet de sortir du stigmate imposé qui passe par une prise de conscience qui permet de développer une subjectivité de résistance - la conscientisation qui passe par l'accès au savoir - la conscience critique qui est conscience de la condition structurelle de la domination et prise de conscience des rapports de pouvoir.
- La dimension collective :
La conscience critique qui découle du pouvoir d'agir individuel a des effets collectifs.
Elle s'appuie sur des solidarités et des identités collectives.
Cette conscience critique débouche aussi sur un pouvoir d'agir politique, politique dans le sens où il s'inscrit dans une perspective de changement.
Le pouvoir d'agir articule une dynamique individuelle d'estime de soi avec un engagement collectif et une action sociale transformatrice.
La diffusion de la notion du pouvoir d'agir dans les politiques publiques est accompagnée par l'affaiblissement et l'abandon des dimensions collectives et politiques au profit des démarches uniquement centrées sur le pouvoir d'agir individuel - c'est à dire : de fait, des démarches de responsabilités individuelles qui au bout du compte se retournent généralement contre les individus au nom d'une injonction à l'autonomie.
Le pouvoir ne se donne pas, il se prend.
Le pouvoir d'agir c'est aussi reconnaître la pluralité et la conflictualité pour construire ensemble des intérêts communs à partir de la conflictualité."
Voir aussi Agir en démocratie - livre de Hélène Balazard
Voir : 10 leçons sur l'empowerment de Marie-Hélène Bacqué.
Voir aussi Démocratie et participation
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