Jacques Ellul sur La LibertéDiscussion sur https://www.facebook.com/groups/labaseviraleaetemiseajour/permalink/641171369235472/
L'extrait lu est tiré du livre "La subversion du christianisme"
Voir aussi des citations d'Ellul.
Texte
(Introduction Par Sylvain Rochex)
bonjour tout le monde
C'est le visage de Jacques ellul et je vais vous lire un passage de Jacques Ellul sur la liberté parce que c'est vrai que dans le terme de "cause des causes" on en est toujours au même point je crois, qui est que la majorité d'entre nous a très très peur d'être libre voir tous on a tous fondamentalement peur d'être libre certains y arrivent un peu mieux et ... voilà mais la majorité a vraiment terriblement peur d'être libre et c'est pour ça que y a toujours malheureusement (peut-être qu'un jour ça finira mais pour l'instant on a toujours) d'un côté des gens qui ont le pouvoir qui en abusent et puis y a à côté des gens qui leur laissent le pouvoir et qui confient leur destin à d'autres hommes
Voilà quelque chose donc de l'ordre de l'hétéronomie avec d'un côté des "papas" et puis de l'autre les "enfants" voilà ...
et puis des "enfants" qui accepte de rester des enfants des électeurs des locataires des employés voilà ... qui ont en face des élus des patrons des gens autorisés à décider pour les autres parce que nous avons peur d'être libre ...
... alors Jacques Ellul :
Certes l'homme prétend vouloir la liberté ... l'homme en toute bonne foi veut établir la liberté politique, il se proclame libre métaphysiquement, il se bat même pour faire libérer les esclaves, il fait de la liberté sa valeur suprême ... être privé de liberté par la prison c'est un châtiment invivable ...
liberté, liberté chérie
et aussi, bien sûr, liberté, que de crimes on commet en ton nom !
et bien entendu les beaux mythes grecs sur la liberté conquérante de l'homme contre les dieux
et la lecture si souvent effectuée du récit de “genèse 3” où aujourd'hui on se félicite de l'audace
libératoire de cet Adam qui a voulu s'affirmer indépendant à l'égard de ce Dieu maléfique autoritaire tortionnaire posant des interdits afin d'interdire à son enfant de faire le mal. Adam a eu l'audace de se dresser libre devant Dieu en désobéissant et en transgressant ... ce faisant il a inauguré l'histoire humaine qui est en vérité l'histoire de la liberté.
Que c'est beau tout ça mais cette ferveur, cette passion, cette volonté, cette doctrine ne sont que des mensonges ce sont des mensonges autant de mensonges ... ce n'est pas vrai que l'homme veuille être
libre, ce n'est pas vrai !
Ce que l'homme voudrait ce sont les avantages de l'indépendance sans avoir aucun des devoirs et des
duretés de la liberté car la liberté est dure à vivre
la liberté est terrible
la liberté est aventure
la liberté est dévorante, exigeante, un combat de chaque instant car autour de nous ne cessent de se multiplier les pièges pour nous enlever la liberté mais surtout parce que la liberté en elle-même
ne nous laisse aucun repos ...
elle exige de se dépasser
elle exige la remise en question incessante de tout
elle suppose une attention toujours en éveil : jamais d'habitude jamais d'institutions
la liberté me demande d'être toujours neuf toujours disponible de ne jamais me cacher derrière les
précédents ou les échecs passés
elle entraîne des ruptures et des contestations
la liberté ne cède jamais à aucune contrainte et n'exerce elle-même aucune contrainte car précisément
il n'y a de liberté que dans un contrôle permanent de soi-même et dans l'amour de celui qui m'est proche.
L'amour suppose la liberté et celle-ci ne s'épanouit que dans l'amour ... c'est pourquoi Sade est bien le plus grand menteur de tous les siècles car ce qu'il a montré et appris aux hommes c'est la voie de l' esclavage sous le discours de la liberté ...
la liberté ne peut jamais exercer de puissance et il y a coincidence entière entre la
non-puissance et la liberté
exactement comme la liberté ne va jamais s’inscrire dans la possession, ici encore il y a coincidence exacte entre la liberté et la non-possession ... ainsi la liberté n'est pas une joyeuse ronde
enfantine dans un jardin plein de fleurs ...
elle est ainsi ... comme elle fait aussi naître de grandes vagues de joie mais ceci ne peut être séparé d'une sévère ascèse du combat et de l'absence d'armes ou de conquête c'est pourquoi ceux qui se trouvent brusquement en situation de liberté perdent la tête ou bien souhaitent rapidement revenir dans un
esclavage ... vieille histoire ... lorsque le peuple hébreu fut délivré de son esclavage en Egypte l’Exode nous raconte que plusieurs fois devant les difficultés à vivre
dans la liberté il demanda à revenir en arrière
les vivres étaient rares et incertains
il n'y avait pas de réserves possibles
de provisions
ce chemin etait peu sur, l'avenir
inconnu
et la volonté bizarre de ce dieu
libérateur incompréhensible ...
mieux vaut l'esclavage avec un salaire
minimum garanti.
Or cette expérience fut souvent
répétée, ainsi
à deux reprises au moins au
cours de l'histoire on a connu la
réaction des esclaves soudain libérés
effrayés de cette liberté
lors de la guerre de Sécession
après la proclamation par les nordistes
de la libération des esclaves du sud
on a de nombreux témoignages qui nous
montrent les esclaves non pas heureux et
déchaînés mais peureux, tremblant,
revenant vers leur ancien maître pour
reprendre leur place ... même chose lorsque l'Italie victorieuse
en Ethiopie a proclamé la liberté des
esclaves traditionnellement maintenus
dans les tribus.
Les esclaves sont brusquement passés au
niveau du prolétariat le plus bas
et erraient affamés en regrettant leur
ancien état ...
On le comprend fort bien
l'esclave est certes privé de liberté
il est soumis à l'arbitraire du maître
mais celui-ci est généralement
beaucoup moins cruel et féroce qu'on ne
le montre dans l'imagerie d'épinal
démocratique, en échange de quoi l’esclave est
nourri logé et entretenu,
il a la certitude de sa nourriture et
surtout il est libéré de l'initiative
de prendre lui-même sa vie en charge
ce qui est pire que d'obéir à
quelqu'un. Ce que l'homme veut quand il parle de
liberté
c'est ne pas être soumis à un autre,
pouvoir faire ses quatre fantaisies
et aller où il en a envie
mais guère au-delà ...
ce qu'il ne veut pas
mais pas du tout
c’est devoir prendre en charge sa vie
et être responsable de ce qu’il fait
c'est-à-dire qu’il ne demande en rien la
liberté.
Nous en avons aujourd'hui un exemple
explosif :
ce n'est pas vrai que le français
actuel souhaite la liberté
il veut surtout le confort et la
sécurité dans tous les domaines :
sécurité par la police, sécurité sur
les routes, sécurité pour la maladie le
chômage, la solitude, la vieillesse,
sécurité à l'égard des enfants
et cela en échange de la liberté en effet la liberté peut tout vous
donner en vous demandant d'être …
... sauf la sécurité. La sécurité est toujours et
inévitablement payée du prix de la liberté que ce soit la sécurité assurée par un
maître privé ou par une compagnie d'assurance,
puissances capitalistes,
ou par l'organisme de sécurité sociale,
qui par la voix des fichiers
informatiques devient agent de contrôle
général et total,
ou par la police,
qui sert inévitablement à toutes fins,
ou par l'état
qui grandit et se bureaucratise
du fait même des protections que nous
lui demandons : indemnités en cas de catastrophe
naturelle, plan orsec et cetera ...
Il y a une exacte contre-partie : plus
tu veux être assuré et garanti
contre tout
moins tu es libre ...
ce n'est plus le tyran qui aujourd'hui
est à craindre
mais notre propre besoin effréné de
sécurité.
La liberté, elle,
se paie inévitablement de l’insécurité
et de la responsabilité.
Or l'homme moderne cherche avant tout à
n’être responsable de rien
mais il veut l'air de liberté
l'apparence de liberté
il veut voter
il veut un pluripartisme
il veut voyager
il veut se choisir son médecin
il veut choisir son école ...
... et pour ces bricoles
on ose parler de liberté ...
Bien entendu je ne dis pas que cela est
sans importance
mais que l'on n'ait pas
l'audace pour cela de parler de
liberté.
Il vaut certes mieux pour le chien à la
niche d'avoir une chaîne de deux
mètres
qu'une de 30 centimètres ... c'est certain !
mais ce n'est pas la liberté du loup de
la Fontaine et sa fable est toujours vraie ...
ce que l'homme veut c'est faire semblant
d'être libre et surtout ne pas l'être vraiment.
Ce que l'homme veut
c'est ce que Charbonneau appelle le
mensonge de la liberté.
Nous sommes très habiles pour camoufler
notre esclavage en l'appelant liberté
ou encore pour appeler liberté
n'importe quel faux-semblant ...
nous parlons de liberté de la nation et
de souveraineté nationale
nous mettrons la liberté en institution
et cela formera
soit le libéralisme économique
dont on a aujourd'hui dénoncé le
mensonge car ils ne profitent qu'aux
puissants
soit le libéralisme politique
dont Marx a dénoncé le caractère formel
(encore une fois il vaut mieux ces
libertés formelles que rien mais ne
parlons pas de liberté)
soit l'anarchisme qui se perd souvent
dans les nuages d'une hypothèse de la
bonté de l'homme et de l'état de
nature de la liberté
soit l'identification d'un système à la
liberté … le communisme c'est la liberté ...
soit le long chemin de la liberté
intérieure ou de la liberté de
pensée... ce qui fut assurément le plus beau
mensonge des idéalistes des
intellectuels et des chrétiens
car la liberté ne se divise pas : liberté de penser veut dire liberté d'action, liberté intérieure veut dire choix d'une conduite d'une éthique qui m’est spécifique.
... vingt autres moyens employés par
l'homme pour en même temps se déclarer
libre et éviter en même temps toute liberté
vraie ...
Alors si telle est bien
la condition de l'homme
on comprend
que la révélation
du Christ à l'origine
soit parfaitement inacceptable
quand elle repose sur la double formule :
l'homme qui rompt avec Dieu acquière bien
une indépendance
une autonomie
jamais la liberté,
car dieu seul est libre et la
relation avec lui est
la seule possibilité
pour devenir libre ...
... premier scandale que d'apprendre que
c'est la rupture avec Dieu qui produit
à la fois les esclavages et la
soumission au déterminisme
aux nécessités qui se transforment
progressivement en destin ...
second écoeurement quand ce Dieu
risque de nous lancer dans l’aventure de
la liberté dont nous ne voulons à aucun prix
en même temps il démasque le mensonge
de ce que nous appelons notre liberté,
l'hypocrisie de notre vie
où nous prétendons vouloir être libre alors
que c'est faux
mais en même temps
il nous propose de prendre le risque absolu
de vivre absolument libre ...
tout est permis, dit Paul,
sans restriction ...
mais nous n'en voulons pas
… intolérable liberté chrétienne ...